Une maison patrimoniale appelée à disparaître

La maison sise au 13-15, rue Lafontaine à Chambly pourrait disparaître du paysage. Un avis de démolition a été émis relativement à cette maison construite en 1849 et qui est le plus ancien bâtiment municipal.

Dans son règlement sur la démolition d’immeubles, la Ville de Chambly classe ce bâtiment avec une intégrité architecturale moyenne et un intérêt patrimonial élevé. Le volet architectural s’explique parce que son enveloppe a été transformée par une succession d’agrandissements. Il était d’abord commercial, puis ensuite converti en résidence.

Son intérêt patrimonial réside dans son usage. Le bâtiment a abrité un marché de 1849 à 1880. La communauté y tenait également des assemblées. Il a aussi été utilisé comme caserne avant d’être transformé en deux logements.

Le propriétaire actuel, Immeubles Balex, en a fait l’achat en 2015. Un des propriétaires de l’entreprise, Alain Brodeur, soutient qu’il n’était pas au courant de sa valeur patrimoniale ni de l’ampleur des travaux lors de l’achat. Humblement, il avoue avoir fait « un mauvais achat ».

« On l’a acheté pour le rénover. Mais il y a trop d’argent à mettre. On a regardé pour avoir des subventions. Ça fait plusieurs années qu’on fait des démarches auprès de la Ville. C’est lourd à porter », dit-il. Il ajoute « on aimerait aussi sauvegarder le patrimoine, mais il n’est pas sauvable ». Immeubles Balex se spécialise dans l’achat de bâtiments pour les remettre à neuf et les louer. La résidence de Chambly était sa première acquisition.

M. Brodeur précise qu’un expert en fondation a évalué le bâtiment de la rue Lafontaine. « Il m’a dit qu’on ne pouvait pas la soulever pour couler un nouveau solage parce qu’elle a été raboutée. Ce n’est pas une seule structure », mentionne M. Brodeur. Il ajoute qu’il y a de fortes présences de moisissures et des infiltrations d’eau. De plus, sa structure est endommagée.

L’investissement pour simplement la remettre en état est plus élevé que la valeur de la résidence. « C’est seulement pour la structure, je n’ai rien aménagé à l’intérieur », avance le propriétaire. Le projet est de démolir cette résidence pour en construire deux sur le terrain.

« On aimerait aussi sauvegarder le patrimoine, mais il n’est pas sauvable. » –  Le propriétaire

Comité

Le propriétaire a déposé une demande auprès du comité de démolition de la Ville. Ce comité est composé d’élus, dont la mairesse, Alexandra Labbé, et Sylvie Charest, directrice adjointe, Service de la planification et du développement du territoire.

Des documents précis doivent accompagner une demande, notamment celui d’un architecte ou d’un ingénieur en bâtiment sur l’état de l’immeuble. « Celui pour le 13-15, Lafontaine montre que l’enveloppe extérieure est déficiente et en fin de vie », soutient Mme Charest. Le comité évalue également le coût pour la restauration, l’état général, la nuisance pour le quartier et sa valeur patrimoniale. « La valeur patrimoniale, il en reste très peu parce que le bâtiment a subi plusieurs modifications. C’est difficile de voir son ancienne vocation », précise-t-elle.

Le comité consultatif d’urbanisme a transmis un avis favorable à la démolition. Le comité de démolition tiendra une assemblée publique dans la salle du conseil le 18 février. S’il est favorable à la démolition et qu’il n’y a pas d’opposition, le permis sera délivré en mars. S’il y a opposition, le conseil municipal pourra trancher et accorder ou non le permis en avril.

La mairesse soutient que « la Ville ne peut pas devenir propriétaire de tous les bâtiments patrimoniaux ».

Valeur patrimoniale

« Elle est lourdement endommagée pour la garder. Elle a tellement eu de modifications qu’elle ne ressemble plus à la valeur patrimoniale qu’elle évoquait. C’est un aspect qu’on doit prendre en considération », soutient Mme Labbé.

Paul-Henri Hudon, ancien président de la Société d’histoire de la Seigneurie de Chambly, mentionne que la résidence « n’a pas de valeur architecturale exceptionnelle. Elle a cependant une valeur comme témoin historique de certains usages municipaux ».

Louise Chevrier, passionnée de patrimoine, mentionne qu’on « voit la forme du marché dans la toiture, mais qu’il est évident que la maison a été modifiée ». On peut également apercevoir une partie de la tour de séchage des tuyaux de pompiers.

« J’aimerais qu’on conserve tout ce qui est patrimonial, mais je sais bien que c’est irréaliste », dit Mme Chevrier. Elle aimerait cependant que la mémoire du lieu soit conservée.

William Bonin, qui a déjà siégé au comité de consultation d’urbanisme à Chambly, souhaite que la Ville fasse inspecter la maison par un expert en bâtiment historique et qu’elle demande au ministère de la Culture si cette maison peut être citée. « Afin d’éviter un traumatisme (comme celui vécu par la destruction de la maison Boileau), il est mieux de faire les vérifications. S’il n’y a pas d’intérêt, il va falloir vivre avec la décision, mais au moins, on aura fait l’effort », soutient-il.

 

Grandes étapes à venir

Avant de délivrer un permis de démolition, voici les étapes que ce dossier doit encore traverser.

Assemblée publique du comité de démolition le 18 février.

La population a ensuite 30 jours pour faire appel de la décision. Le 18 mars sera donc la limite pour interjeter appel de la décision devant le conseil municipal.

S’il n’y a pas d’opposition, le permis pourra être délivré le 19 mars. Sinon, les élus devront trancher lors de la séance du 7 avril. Un permis pourrait être délivré le 8 avril si le conseil municipal est favorable, sinon, aucun permis ne sera émis.

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