«Gardez-le, votre anglais»

Après sa conquête de la Coupe Grey dans la Ligue canadienne de football (LCF), le footballeur des Alouettes de Montréal, Marc-Antoine Dequoy, a lancé un puissant cri du cœur quant à la place de la langue française. À ce sujet, Yves-François Blanchet et Jean-François Roberge, députés locaux, ont réagi.

« Ils n’ont jamais cru en nous. Tu regardes partout, c’est écrit en anglais. Sur TSN, c’était écrit Toronto contre Winnipeg. Tu viens ici, ça parle juste anglais. Ils n’ont jamais cru en nous. Vous savez quoi? Gardez-le, votre anglais, parce qu’on a gagné cette coupe-là et qu’on va la ramener chez nous à Montréal, on va la ramener au Québec, on va la ramener chez nous parce qu’on est fucking champions! », a déclaré avec émotion, immédiatement après la victoire, Marc-Antoine Dequoy.

La déclaration a fait le tour du pays, suscitant de vives réactions chez les diverses communautés. « Il (Dequoy) transporte les mêmes frustrations que n’importe qui faisant du sport à l’échelle canadienne. Le français est une quantité négligeable au Canada, dans le sport », exprime Yves-François Blanchet, député fédéral de Beloeil – Chambly. M. Blanchet en rajoute sur la place de la langue française au sein du sport canadien. « Le français est un mal nécessaire que l’on ne respecte que difficilement dans les fédérations sportives. Ça va jusqu’à la discrimination, parfois, au niveau de la formation des équipes canadiennes, dont dans le hockey », avance le chef du Bloc québécois. 

« C’est un élan du cœur très authentique qui fait écho à ce que plusieurs Québécois ressentent parfois quand le français n’a pas sa place au Canada. Dans ce cas-ci, c’est la LCF qui a manqué à ses obligations », précise Jean-François Roberge, député provincial de Chambly et ministre de la Langue française. Bien qu’il identifie le commentaire de Dequoy comme étant « virulent », il estime que cela provient d’un « fier Québécois qui vient de vivre quelque chose de très riche en émotions ». M. Roberge soutient que le geste de Dequoy était « nécessaire » en raison du manque d’espace laissé au français par la LCF.

Place du français

Au pays, dans le sport, la langue française a déjà été écorchée dans le passé. En 2017, un membre de l’Équipe nationale junior de hockey, Julien Gauthier, avait affirmé que la seule langue à entendre était l’anglais. L’usage du français avait été découragé au sein d’Équipe Canada, même entre francophones. L’édition comptait pourtant sept francophones et était dirigée par un Québécois. « C’est odieux. Les problèmes linguistiques au Canada en général, dans le sport en particulier, sont connus », rapporte M. Blanchet.

« Quand on parle à l’échelle nationale, dans un pays qui se veut bilingue, il faut que tout soit écrit de la même manière, en français et en anglais. Les francophones du Québec et d’ailleurs ont le droit de se sentir à l’aise, écoutés, compris et respectés », indique M. Roberge. 

Actions à poser

Une fois le non-bilinguisme nommé de la Coupe Grey, quelles actions le chef du Bloc et le ministre de la Langue française peuvent-ils poser pour faire plus de place à la langue de Molière dans un événement comme la Coupe Grey? « Le geste est passablement posé. Le propriétaire (Pierre Karl Péladeau) des Alouettes, à sa première année, a gagné la Coupe Grey avec un nombre considérable de francophones dans l’équipe. Incidemment, ledit propriétaire est un indépendantiste affiché », met en reflet M. Blanchet. À des fins commerciales, il considère que la LCF aurait intérêt à « mieux traiter » le français. Il soulève également sa volonté de voir s’installer une équipe de la LCF à Québec.

« Je ne pense pas que ça relève de mes responsabilités. Ce que moi, je dis, n’a pas la valeur de ce que Marc-Antoine a dit. C’est un de leurs joueurs qui les a rappelés à l’ordre. Je m’attends à ce que la LCF prenne acte de la situation et la corrige », estime M. Roberge, qui a souligné, en octobre dernier, sa première année à titre de ministre de la Langue française.

5 à 7 pour les Kings

Le sport et la politique font-ils bon ménage? M. Blanchet qualifie la déclaration du footballeur « d’anecdote extrêmement sympathique ». « Ce n’est pas un geste politique et je ne veux pas le politiser », précise Yves-François Blanchet. Il souligne toutefois  au passage que « c’est la politique qui, peut-être à tort, donne 5 M$ aux Kings de Los Angeles ».

Les Kings de Los Angeles disputeront deux matchs préparatoires au Centre Vidéotron de Québec l’an prochain. Pour ce faire, le gouvernement caquiste accorde une subvention de 5 à 7 millions de dollars à l’équipe californienne. « Imaginez dans quel village du comté on aurait pu construire un aréna avec cet argent-là. Un aréna où il y aurait eu des milliers de jeunes et moins jeunes qui, au fil des années, auraient pu pratiquer un sport », extrapole Yves-François Blanchet.

À ce sujet, Jean-François Roberge revient sur le Centre Vidéotron, amphithéâtre initialement construit dans l’optique d’y accueillir une équipe de la Ligue nationale de hockey. « C’est un amphithéâtre payé par les fonds publics, sous les partis québécois et libéral du Québec à l’époque, qui s’étaient unis pour investir 400 M$. C’est un peu grossier de voir ces deux partis dénoncer un gouvernement qui met 5 à 7 M$ pour valoriser cet établissement. J’y sens un peu d’hypocrisie dans le discours des oppositions », reproche M. Roberge.

« Ça me donne l’impression que si jamais j’allais assister à un match présaison des Kings de Los Angeles à Québec, je paierais deux fois mon billet : une fois par mes impôts et une fois en y allant », termine M. Blanchet.