Vivre sans réponses après un crime irrésolu
Le Chamblyen Stéphane Luce est le fondateur de l’organisation Meurtres et disparitions irrésolus du Québec (MDIQ). Il parle en connaissance de cause, alors qu’aucun coupable n’a été reconnu dans le cas du meurtre de sa mère.
Le 1er avril 1981, Roxanne Luce, mère de Stéphane Luce, a été assassinée. Quelqu’un s’est immiscé dans sa demeure pendant qu’elle dormait. Il lui a asséné environ 70 coups de manche à vadrouille coupé, emballé dans un sac en plastique, avant de la laisser pour morte. Le décès de la femme de 35 ans a été déclaré le 4 avril. Un suspect a été ciblé mais n’a jamais été reconnu coupable.
Alors âgé de 13 ans, Stéphane Luce était pensionnaire à l’Académie Michèle-Provost de Montréal. Il vit depuis avec ce dossier ouvert. « J’ai trouvé ça difficile jusqu’à ce que je rencontre des gens qui vivent la même chose », établit-il. S’il s’est senti seul longtemps, M. Luce raconte qu’il est désormais possible d’être redirigé vers certains regroupements. Il ajoute que les liens entre familles vivant des drames similaires aident « à faire passer la pilule ».
Il mentionne qu’une disparition ajoute toutefois un lot de questions que l’on ne retrouve pas dans le cas du meurtre non résolu. « Tu as un paquet de scénarios, tous pires les uns que les autres, qui entrent en ligne de compte. Ça ne finit plus », affirme M. Luce.
Création de MDIQ
Stéphane Luce a notamment administré pendant huit ans l’Association des familles de personnes assassinées ou disparues, fondée par l’ancien sénateur Pierre-Hugues Boisvenu. En 2014, il a démarré sa propre organisation, qu’il convertira en organisme à but non lucratif (OBNL) en 2017. « J’étais un simple citoyen qui voulait juste faire bouger les affaires », résume-t-il.
À la tête d’un conseil d’administration de quatre membres, il a sorti, en 2018, un lot de six affiches d’individus au dossier irrésolu qu’il a placardées sur des camions de marchandise. C’est à ce moment qu’il est allé chercher son permis d’enquêteur privé. Depuis, des bénévoles se sont greffés à lui, si bien qu’il en dénombre aujourd’hui environ 300. Parmi le lot, outre des enquêteurs, on y retrouve des plongeurs certifiés pour les fouilles sous-marines ou des maîtres-chiens pour les recherches en forêt.
Collaborer avec les policiers
MDIQ redirige l’information recueillie vers la Sûreté du Québec (SQ). « Regardé de haut » en 2018, MDIQ a dû construire sa crédibilité. « Les portes s’ouvrent au niveau de la collaboration policière », remarque M. Luce. Des rencontres explicatives sur le rôle de MDIQ ont été nécessaires pour construire des ponts avec la SQ. « Je ne suis pas là pour leur dire qu’ils ont mal fait leur job. J’ai montré que l’on pouvait être complémentaires », soutient l’homme de 56 ans. Il entrevoit une relation en évolution positive au fil du temps.
Côtoyer le drame
Étant à la tête de MDIQ, Stéphane Luce côtoie les histoires scabreuses à répétition. C’est une situation qu’il avance être en mesure de vivre sans lourdeur. « Moi, j’aide. Ce que je fais me donne du gaz », dit-il. Il reçoit des messages d’encouragement en lien avec la mission de son OBNL.
Du financement compliqué
MDIQ vit de dons et de levées de fonds. L’argent servira à payer les opérations, les formations, l’achat de cartes géographiques, l’achat d’odeurs pour les chiens inscrits et le déploiement d’équipes de recherches dans un ordre de priorités, ainsi que toute autre activité organisée par l’organisme. Le manque de fonds régulier est ce qui freine ses activités. « On vend des bonbons, du fromage et on fait des GoFundMe. On fait beaucoup avec peu, imaginez avec beaucoup », exprime M. Luce.
L’homme a sollicité divers ministères afin d’obtenir des subventions, dont le ministère de la Santé publique. Il souligne que les réponses se font rares.