Un peuple sans histoire et sans mémoire. La maison Boileau
Lord Durham n’a pas dit mieux en 1839. Nous sommes un peuple sans histoire. Il écrivait: «Je serais étonné si les plus réfléchis des Canadiens français entretenaient l’espoir de préserver leur nationalité».
Une nationalité est faite de coutumes, de valeurs, de créations, d’œuvres d’art, de culture, de traditions, de mémoire et aussi d’architecture. La maison Boileau à Chambly reflétait notre nationalité avec sa spécificité. Une vraie «canadienne» cette villa, campée comme une marquise au carrefour du trafic urbain! Une demeure qui nous ressemble, un miroir de notre art. Un héritage de nos bâtisseurs. Mais voilà! Elle sera démolie la maison du notaire. Un pan de notre nationalité fout le camp.
Dans notre ville particulièrement historique de Chambly, combien de monuments issus de notre acharnement à exister sont disparus? Deux collèges, un hôpital, un manoir datant de 1796, deux gares, le chemin de fer lui-même, un pont couvert, deux ponts métalliques sur la rivière L’Acadie, une filature de coton, une fonderie, une fabrique de lainage, des casernes militaires, une laiterie, sans compter une grand nombre de chaumières d’époque, démolies ou parties en fumée. Plus d’une dizaine d’écoles de rang sont disparues. Nos moulins à farine (une quinzaine) terrassés.
Tout le monde peut remarquer les ruines d’une jetée pour les bateaux à vapeur, la rouille et la pourriture de plusieurs ponts historiques allongés sur le talus du canal. Dans peu de temps, on déplorera la perte de la maison Hubert-Lacroix (1690). Celle-ci avait été sauvée de justesse à Montréal et remontée pierre par pierre à Carignan dans les années 60… pour la conserver comme témoignage de nos artisans. Elle est en train de crouler dans l’indifférence, et sans secours publics.
Nous n’avons pas le souci de «personnaliser» nos monuments. Notre école est «Secondaire», notre bibliothèque est «Municipale», nos écluses sont «No Names». Une maison est dite du «Surintendant», mais lequel? Combien de noms d’architectes, d’ingénieurs, de syndics, de commissaires, d’entrepreneurs surgiraient de l’histoire et valoriseraient les œuvres de nos pères. La nationalité c’est aussi ça, faire valoir nos bâtisseurs.
Paul-Henri Hudon
Société d’histoire de la seigneurie de Chambly