L’inébranlable Gertrude Desbiens

Installée au centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) Manoir Soleil de Chambly, Gertrude Desbiens vient de souffler sa 103e bougie.

« Le plus gros changement qu’elle a vécu est le virement de la religion », cible Pierre Desbiens, fils de Mme Desbiens, qui ne peut plus s’exprimer. Pratiquante, à l’époque, comme le voulait la société du moment, elle a effectué le virage dans les années soixante, dans un Québec plongé en pleine Révolution tranquille. « Les mesures disciplinaires qu’on lui avait imposées n’avaient plus lieu », ajoute-t-il.

« Féministe, elle a toujours été orientée vers la liberté de pensée. » – Pierre Desbiens

L’institutrice « avant-gardiste » désormais résidante de Chambly a célébré son anniversaire le 14 décembre, comme sa grand-mère l’avait fait autrefois. « Gertrude n’a jamais eu froid aux yeux », écrit Julie Desbiens, petite-fille de la centenaire. À 10 ans, elle plongeait dans le canal de Lachine avec ses frères et son oncle, à bord de bateaux commerciaux de l’époque. Jusqu’à 65 ans, elle a enseigné aux enfants de Lachine, de Sainte-Foy et de LaSalle et a poursuivi sa formation professionnelle pour se familiariser avec les mathématiques modernes. À 88 ans, elle conduisait sa voiture, entre sa maison de LaSalle et son chalet de Saint-Anicet, et rédigeait ses rapports d’impôt. À 90 ans, elle nageait toujours, mais cette fois, dans le lac Memphrémagog. « Elle recevait à sa maison de campagne ses collègues trentenaires alors qu’elle était dans la soixantaine. Féministe, elle a toujours été orientée vers la liberté de pensée », soutient M. Desbiens. Il parle de libération religieuse et d’homosexualité, dossiers envers lesquels les gens de son âge étaient plutôt rébarbatifs, en pointant l’ouverture de ses positions sur les sujets.

Mariée durant 64 ans, Mme Desbiens a engendré une famille de 3 enfants, 7 petits-enfants et 14 arrière-petits-enfants. « Rassembleuse, elle a toujours été admirée pour son écoute, sa générosité et sa mémoire exceptionnelle. Elle était une réelle courroie de transmission, un pilier pour tous ses enfants et ses petits-enfants », estime Julie Desbiens.

Mathématicienne, directrice de chorale, pianiste, couturière, jardinière, skieuse, patineuse, « Gertrude a accumulé tous les talents tout en restant si humble et enracinée », termine sa petite-fille.

Se trouvant dans un établissement pour aînés qui a perdu le contrôle lors de la première vague de la pandémie, elle a passé plus de trois mois sans attention aucune. « Le Manoir Soleil nous a été suggéré à ce moment. Je tiens à dire qu’ils sont des gens extraordinaires », boucle Pierre Desbiens, qui dit avoir enterré la hache de guerre à ce sujet.