La renaissance après la déchéance

Ce n’est pas une vie tissée de fil doré, mais bien cousue de barbelés qu’a connue Philippe Vaillancourt, d’un déchirement à l’autre.

Drogue, criminalité et prison, c’est l’univers dans lequel a longtemps baigné Philippe Vaillancourt, qui œuvre désormais comme intervenant en toxicomanie et chargé de projet chez POSA Sources des Monts. C’est en troisième année que son monde a changé de trajectoire alors que sa mère, pilier de sa vie, a vécu un accident vasculaire cérébral (AVC) la clouant à l’hôpital pendant plusieurs mois. « J’ai perdu mes repères. J’ai commencé à fréquenter le mauvais monde. Inconsciemment, j’ai essayé d’aller chercher de l’amour auprès des mauvaises personnes. J’ai commencé à faire le clown à l’école pour faire rire les filles et faire des mauvais coups pour me faire accepter par les bums », installe-t-il.

À 17 ans, il a quitté la demeure familiale pour aller vivre dans un hôtel à Brossard. C’est vers cet âge que, de ‘’façon récréative’’, la drogue est entrée dans sa vie. Marijuana, cocaïne, alcool, clubs de nuit et les plaisirs de la chair ont façonné ce qu’il était. « Ce train de vie, et acheter l’amour de tout le monde, ça coûte cher », dit l’intervenant. Pour soutenir le rythme, il s’est mis à voler en s’introduisant par effraction dans 5 ou 6 maisons quotidiennement. Plus tard, c’est aux compagnies qu’il s’est attaqué en volant du matériel informatique qu’il refilait à l’un des receveurs.

« C’est pas juste des familles de bums qui forment des criminels. » – Philippe Vaillancourt

Prison

C’est à 18 ans que Philippe Vaillancourt entre en prison pour la première fois. De 1994 à 2017, il obtiendra quatre sentences fédérales distinctes sous différents chefs d’accusation tels que vol qualifié, possession de bien criminellement obtenu, fraude, trafic de stupéfiants ou vol de véhicule. Parfois connue pour être ‘’l’école du crime’’, M. Vaillancourt confirme : « Malheureusement, j’ai aimé ça, la prison quand j’étais jeune. T’es entouré de gens avec qui tu as un sentiment d’appartenance. C’est la meilleure place pour se faire un nouveau carnet d’adresses ». En tant que président de comité de détenus, il a également noué des liens avec le crime organisé chez certains motards et gangs de rue. C’est d’ailleurs en prison qu’il a commencé à vendre de la drogue. Cette drogue, elle entrait par l’entremise de visiteurs qui pouvaient l’introduire dans des sacs de croustilles ou par échange buccal lors d’un baiser.

Changer de vie

Lors de son quatrième séjour carcéral, en 2017, un déclic s’opère dans la lourdeur. « J’étais dans ma cellule et je me demandais comment ça que j’avais encore rechuté. Les membres de ma famille ne sont pas des criminels. C’est pas juste des familles de bums qui forment des criminels. Y a juste moi qui a fucké l’chien », constate l’homme de 46 ans. À travers ce parcours houleux, il a récolté tout de même un DEP en ventes, a géré un centre d’appels pour Industriel Alliance, a travaillé au secteur des ventes pour le feu Junior de Montréal de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, et il détient un AEC de préposé aux bénéficiaires, spécialisé en gérontologie. Conscient de ses diplômes et de certaines bonnes expériences d’emploi, M. Vaillancourt se retrouve une fois de plus incarcéré. « Je me demandais ce que je n’avais pas fait de la bonne façon. Comment ça, je suis encore là? » L’idée de s’enlever la vie lui traverse l’esprit et il est prêt à passer à l’acte. De peine et de misère, il réussit à accéder aux services d’un psychiatre, qui diagnostique chez lui un trouble de personnalité limite (TPL). Il s’est documenté sur le sujet et a pu cibler les outils dont il avait besoin pour se reconstruire de la bonne façon. « J‘ai pris la décision de changer, mais de changer pour moi. J’avais décidé de le faire plusieurs fois pour les autres. Mais là, c’était pour moi.Et c‘est là que ç’a fonctionné », confie-t-il.

Nouvelle vie

Quand il sortait de prison, après avoir suivi plusieurs fois le Programme national de traitement de toxicomanie PNTT, il demeurait sobre pendant six mois avant de perdre l’équilibre à nouveau. Cette fois, M. Vaillancourt est sobre depuis six ans. « C’est un travail à vie, mais ce n’est pas un combat tous les jours. Je ne pourrai jamais sortir dans un club un vendredi et faire une ligne de coke. Le secret, c’est un petit pas à la fois », résume le nouvel homme. C’est à travers des conférences dans lesquelles il raconte son lourd passé que Sandra Bolduc, de POSA Source des Monts, le remarque, l’approche et l’embauche. La clientèle à qui l’ancien détenu parle englobe les centres de traitement et les écoles. Il offre également un volet qui s‘adresse plutôt aux différents professionnels en intervention.