Du Togo à Chambly

Antoine Kokou-N’gonou est le premier occupant de la Maison Stéphane Fallu, en devenir à Chambly.

Il vient de souffler sa 19e bougie et doit quitter le centre d’hébergement dans lequel il réside. À son âge, le Togolais d’origine est désormais ‘’trop vieux’’. C’est une jeunesse trouble et mouvementée qu’a connue le jeune homme ayant grandi avec sa mère, qui l’a battu. « J’ai eu une enfance assez traumatisante. J’ai fait face à des choses que j’étais trop jeune pour voir », confie le jeune homme, dont la famille a immigré au Québec il y a quatre ans. « Je n’ai jamais compris qu’un parent disant aimer son enfant puisse le frapper. Ça me mène au fait que quand je serai grand, je ne ferai pas la même erreur que ma maman », assure M. Kokou-N’gonou.

Tôt, les responsabilités se sont accumulées. Il s’est occupé de sa famille. « Il fallait que je sois l’homme de la maison », met-il en reflet. Depuis un an et demi, il demeure dans un centre d’hébergement pour jeunes. Comme ses congénères du même âge, Antoine a atteint sa date d’expiration. Son hébergement actuel lui a indiqué l’existence de la Maison Stéphane Fallu, qui comblera un trou de services pour les jeunes atteignant 18 ans. « La maison m’aidera à accomplir mes objectifs et à me développer comme un être humain, une personne », espère Antoine Kokou-N’gonou. Selon son plan de match, après s’être installé, il cherchera un travail afin de se faire un capital financier. Avec l’aide dont il bénéficiera, il entend terminer son secondaire au moment venu.

« J’ai fait face à des choses que j’étais trop jeune pour voir. » – Antoine Kokou-N’gonou

Stéphane Fallu

La maison dans laquelle Antoine Kokou-N’gonou résidera porte le nom de Stéphane Fallu. L’humoriste a fait son baluchon à de multiples reprises lors de son enfance et s’est promené d’une famille à une autre. « C’est sûr que c’est pas le fun, mais on est résilient à cet âge; c’est ta vie! », établit-il au journal lors d’une rencontre dans un café chamblyen. C’est une moyenne de trois écoles par année qu’il fréquentait. Déjà, l’appel créatif se faisait entendre et existait en lui, alors qu’il faisait des pièces de théâtre dans les ruelles, entouré d’un cercle social changeant selon le lieu.

C’est en troisième année qu’il a pris racine alors qu’une famille l’a adopté, contrairement aux familles d’accueil qu’il a connues. « Ils sont devenus mes parents, avec tous les défis que ça implique. T’as tout le temps le feeling de ‘’je vais partir dans pas long’’. Tu ne peux pas enlever ce que tu as vécu avant », exprime l’artiste chamblyen. Avec cette officialisation, Stéphane Fallu a changé de nom, et c’est une réalité dite plus ‘’normale’’ qu’il a côtoyée : partir en vacances, avoir des cadeaux à Noël, changer de linge, prendre des bains, se brosser les dents, une discipline.

Être ignoré

Souvent laissés à eux-mêmes en l’absence de parents encadrants, ces jeunes peuvent ressentir l’un des sentiments les plus dévalorisants, celui d’être ignoré. « C’est un feeling que tu ne peux pas expliquer quand tu es jeune. Avoir l’impression que tout le monde se fout de toi, c’est un sentiment qui n’est pas le fun », résume l’humoriste reconnaissant à l’égard du métier au caractère social qu’il exerce aujourd’hui. Toutefois, le souvenir d’être délaissé n’est jamais loin. « Moindrement que je sens que les gens me mettent de côté, ça m’angoisse. Je vais l’avoir toute ma vie, ça », ajoute-t-il.

Jamais Stéphane Fallu ne qualifie son histoire « d’horrible ». En aucun temps, il ne se porte en victime. « Ce que j’ai vécu, c’est peut-être le dixième de ce que des jeunes vivent. Je n’ai pas de carte de pitié », termine M. Fallu, en mettant l’accent sur l’importance de la stabilité qu’offrira la Maison Stéphane Fallu à des jeunes qu’une société intègre difficilement.

À propos de la Maison Stéphane Fallu

Avec ses six chambres, la Maison Stéphane Fallu, mise de l’avant par l’organisme chamblyen POSA/Source des Monts, représente le premier lieu du genre au Québec. Tous les efforts et le soutien favoriseront l’atteinte des projets de vie de ses jeunes résidants. Établir cet objectif deviendra donc la première étape de leur séjour. Cette maison sera accessible à tous les jeunes qui en ont besoin, peu importe d’où ils viennent au Québec.

Les règles y seront claires, mais les locataires auront la même autonomie et la même liberté que celles qu’ils vivraient dans leur propre appartement. Un intervenant habitera d’ailleurs sur place et verra à soutenir les efforts de ces adolescents qui veulent changer, cheminer et travailler ensemble pour s’en sortir.