De Carignan à la Patagonie à vélo

Parti à vélo depuis le 10 juin dernier, le Carignanois Philippe Robin a traversé le Canada en entier et se dirige désormais vers la Patagonie, à la pointe de l’Amérique du Sud, où s’achèvera son périple. L’initiative lui permet d’amasser des sous pour la Fondation sablon.

Il a terminé son baccalauréat en journalisme à l’Université Concordia en avril 2023. En juin, il levait les voiles. Déposé à Carhuamachay, petit village dans les Andes péruviennes, il profite de deux journées de repos pour raconter son récit au journal. L’homme de 24 ans en était alors à sa 337journée sur la route et avait franchi la barre des 20 000 km. Il traîne avec lui environ 40 livres d’équipement. De Montréal, il s’est rendu en Colombie-Britannique. Il a ensuite traversé les États-Unis et l’Amérique centrale. Il pédale maintenant vers la Patagonie.

Dans cet itinéraire, Philippe a franchi des pays où la sécurité n’est pas chose acquise. Il cible avoir été choqué par le nombre d’armes à feu en circulation en Colombie. Faut-il être un peu inconscient pour se rendre ainsi vulnérable? « Mes parents et ma copine étaient inquiets, mais le fait que d’autres l’ont fait avant, c’est rassurant », justifie-t-il. 

Il raconte qu’au sud des États-Unis, il se cherchait des contacts pour le Mexique susceptibles de lui faciliter la vie. Il s’est fait inviter par un homme, qui demeure au poste frontalier le plus au sud du Texas, pour aller y passer quelques jours afin de planifier la route du Mexique. Peu de temps avant son arrivée, le cycliste apprend que l’homme ne pourra plus le recevoir. Il est alors laissé à lui-même dans l’État du Tamaulipas.

« À l ‘époque, 50 % des Américains qui disparaissent au Mexique y disparaissent dans cet État », déclare-t-il. Philippe s’y trouve donc sans ressources. « J’ai pris la route la plus directe pour sortir de l’État et me rendre dans l’État voisin, beaucoup plus sécuritaire », dit-il. Il ajoute que sur la route « tu te fais dépasser par des pickups noirs qui n’ont pas de plaque d’immatriculation. Tu sais c’est qui, ces gens-là ».

Un ange sur la route

Au Mexique, Philippe a vécu un grave accident. Il a heurté un cheval qui sortait de buissons de cactus très denses, nuisant à la visibilité panoramique. Graves éraflures, fracture à la main, commotion cérébrale envisageable et vélo largement endommagé en ont été les conséquences. Un homme en voiture a vu la scène. Eduardo, que Philippe a baptisé » mon ange », a embarqué le cycliste abîmé et sa monture. Il l’a ramené chez lui, où Philippe a trouvé gîte. Le lendemain, l’homme a emmené le blessé à la clinique. L’ange a gardé le matériel de Philippe, qui est demeuré cinq jours dans la ville où se situait la clinique, puis est revenu le chercher. Après une autre nuit de sommeil chez l’ange, Philippe a repris la route. 

Là où Philippe a eu son accident, il n’y avait pas de réseau cellulaire. « Sans lui, je ne sais pas ce que je serais devenu », convient Philippe. Le cycliste souligne au passage la supériorité des soins de santé qu’il a reçus là-bas, à moindre coût, relativement au système québécois. « Je pense que l’on a beaucoup à apprendre des cliniques mexicaines », soutient-il. 

Le vélo dans le sang

À 15 ans, Philippe faisait Montréal-Québec à vélo. L’année suivante, il se rendait cette fois en Gaspésie. Au secondaire, il lisait déjà des récits de voyages de cyclistes. Entre 15 et 23 ans, il a travaillé dans des ateliers de réparation de vélos. Le vélo a toujours été un élément central de sa vie.

Résilient devant le fait de ne pouvoir tout prévoir, il a divisé ce grand voyage en petites sections qu’il planifie mensuellement. « Une étape à la fois. Chaque étape donne confiance pour la suivante », s’accroche l’aventurier. Il plante sa tente en se référant notamment à une application. Également, il profite parfois de l’hospitalité des locaux. 

La Fondation sablon

Derrière ce périple, il y a la Fondation sablon. Philippe amasse de l’argent pour cet organisme qui aide les jeunes en milieu défavorisé à pratiquer des sports. Il endosse cette cause, faisant un lien avec son enfance. « J’étais hyperactif. Mes parents m’ont mis en Sport-études au secondaire. Ça a changé ma vie », exprime-t-il. Il relate avoir failli redoubler plusieurs années au primaire. Au secondaire, ayant l’occasion de dépenser son énergie, il arrivait à se concentrer à l’école. Ses notes ont d’ailleurs augmenté de manière significative. « Mais je suis conscient que ces programmes coûtent de l’argent et si mes parents n’avaient pas pu me le payer, je ne serais probablement jamais allé à l’université », avance-t-il. 

Philippe espère avoir atteint son objectif en octobre. Il estime qu’il aura roulé 27 000 km à ce moment. Moralement, les pays de l’Amérique centrale, dont la Colombie et l’Équateur, ont été « assez difficiles ». Maintenant au Pérou, il considère arriver dans la meilleure phase de son voyage. L’attendent ensuite la Bolivie et son désert de sel salar d’Uyuni. « J’ai l’impression que les moments désagréables sont derrière moi et qu’il ne reste que du positif devant », termine l’homme endurant.