Construire le pont entre Autochtones et Blancs

Un peu plus d’un an après la nomination de Ian Lafrenière à titre de ministre des Affaires autochtones, où en sont les relations entre les communautés autochtones et les Blancs, peuples coexistant sur le même territoire québécois mais dont l’histoire diffère?

Le 30 septembre 2021 a marqué la toute première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Cette journée est l’occasion de rendre hommage aux enfants disparus et aux survivants des pensionnats, à leurs familles et à leurs communautés. La commémoration publique de l’histoire des pensionnats et de leurs séquelles durables est un élément du processus de réconciliation. Une fois cette journée nommée, comment faire pour continuer d’aller de l’avant et améliorer le sort des communautés innues? « Le fait d’avoir une journée permet un événement au calendrier qui reviendra chaque année pour se souvenir. Deuxièmement, le plus important, c’est que les gens soient informés. À partir du moment où ils connaissent la réalité, beaucoup de chemin est fait », mentionne l’auteur mathiassois Michel Jean, issu de la communauté de Mashteuiatsh, au Lac-Saint-Jean.

Quelques jours suivant le décès de Joyce Echaquan, qui a soulevé l’indignation en septembre 2020, Ian Lafrenière avait été nommé ministre des Affaires autochtones par le premier ministre François Legault. « Cette journée est la base pour combler le manque de connaissance qui existe au Québec, établit d’emblée le ministre. On a beau vivre l’un à côté de l’autre, on ne se connaît pas beaucoup », admet celui qui était à Uashat Mak Mani-Utenam le 30 septembre dernier, en présence de trois responsables des oppositions, « sans partisanerie ». Sur place, de jeunes Autochtones les attendaient afin d’exposer leur réalité. « Je pense que ça passe par les jeunes. J’ai vu aussi plusieurs compagnies faire des publications demandant à leurs employés de mettre un chandail orange (symbole de cette journée). Vous me direz que c’est dans la symbolique, mais ça commence par ça, sensibiliser le plus de gens possible. Dans l’optique de poursuivre positivement l’évolution, le ministère de l’Éducation, sous l’aile du député de Chambly Jean-François Roberge, en est à préparer du matériel didactique parlant des réalités autochtones pour les écoles du réseau. Le port du chandail est inspiré de l’histoire vécue par Phyllis Webstad, une Secwepemc Nord (Shuswap) de la Première Nation Xgat’tem Stswecem’c, qui, à son premier jour d’école, est arrivée vêtue d’un nouveau chandail orange, lequel lui a été enlevé.

Depuis l’arrivée de Ian Lafrenière

Avec la nomination de Ian Lafrenière, des résultats sont attendus. « On ne corrigera pas 400 ans avec une baguette magique. Il y a un danger à vouloir trouver une solution rapide. Je n’aime pas l’approche de la ‘’liste d’épicerie’’. Je ne veux pas descendre les recommandations de la Commission Viens (Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec de 142 mesures) et faire un petit crochet en disant ‘’c’est fait, c’est réglé’’ ». L’homme, qui a visité 34 communautés sur les 55 pendant l’été, parle plutôt de temps et d’énergie. En spécifiant que tout est loin d’être réglé, il souligne avoir vu de l’amélioration dans certains dossiers, dont le fait de parler des Autochtones comme jamais auparavant. « L’approche paternaliste de dire que nous, on sait ce qui est bon pour vous, on va le changer, ça ne passe plus. On n’est plus là », indique Ian Lafrenière

« Beaucoup de chemin a été parcouru depuis plusieurs années, mais il reste beaucoup de progrès à faire. Je suis plutôt confiant que ça se fera, mais ça demandera du temps », prévoit de son côté Michel Jean.

Visites sur les réserves

Le député de la circonscription de Vachon parle de l’accueil qu’il reçoit sur les réserves. « Ils me parlent de ce qu’ils vivent et des besoins qu’ils ont. Ça me permet de comprendre et d’apporter des changements. » À la suite de ses visites, dans les « changements », il priorisera l’éducation, le bien-être des femmes autochtones et la protection de la jeunesse. M. Lafrenière l’a nommé, 400 ans de distance, d’incompréhension, d’intolérance, ça ne se colmate pas en criant ciseau et ça laisse des traces. « J’y vais avec un regard optimiste. Nous avons une opportunité incroyable pour faire des changements aujourd’hui. La majorité des gens que je rencontre sur le terrain le sentent », révèle-t-il, rappelant de ne pas considérer les Autochtones comme représentant un bloc monolithique. « C’est sûr qu’il y a du ressenti, de la frustration. Dans le passé, beaucoup de promesses n’ont pas été tenues. C’est normal de ne pas faire confiance comme ça du jour au lendemain », convient Ian Lafrenière.

Entretenir les clichés

En juillet 2020, l’équipe de la NFL à Washington annonçait qu’elle abandonnait le nom « Redskins » et le logo de la tête d’Amérindien, cédant aux critiques qui perdurent depuis des décennies selon lesquelles ils sont offensants pour les Amérindiens. Dans le baseball majeur, les Indians de Cleveland évolueront sous le nom des « Guardians » à partir de 2022. « Imagine que tu as une équipe qui se nommerait les Frogs de Windsor, avec des cris de ralliement en français et l’image d’un Québécois qui boit de la bière, avec une bedaine et un gros nez. On se dirait, ‘’c’est quoi le rapport’’? On dirait ‘’c’est pas notre culture. C’est vexant pour nous’’. C’est la même chose. Une nation, ce n’est pas une mascotte », termine Michel Jean, qui incite la population à développer une sensibilité envers les personnes visées par ces faux symboles.