La technique Mr Big expliquée au jury dans le procès d'Alain Perreault

TRIBUNAL. Le second procès d’Alain Perreault, accusé du meurtre de Lyne Massicotte, s’est attardé, hier, sur le fonctionnement de l’opération de type Mr Big ayant été déployée pour l’incriminer. Cette démarche exceptionnelle devait servir à obtenir ses av

Dans une salle d’audience divisée en deux et protégée par de hauts paravents, pour protéger l’identité des agents policiers d’infiltration appelés à témoigner, le principal intervenant a expliqué en détail le déroulement du Mr Big. L’agent couvreur prénommé Kevin par l’ensemble des médias avait la tâche de dévoiler aux jurés les particularités de cette technique sophistiquée d’enquête policière. Le juge Richard Grenier a insisté sur le fait qu’il leur appartiendra d’évaluer si les éléments de preuve ainsi obtenus sont fiables, chose qu’il réitérera avec précision lors de ses directives finales au jury.

Créées initialement dans l’Ouest canadien, les opérations de type Mr Big ont été instaurées depuis les années 2000. Kevin, l’agent couvreur responsable de la fausse organisation criminelle montée pour piéger Perreault, a précisé que « cette technique spéciale est utilisée pour des crimes majeurs principalement reliés au trafic de drogues et à des cas de meurtres non élucidés. Elle vient en complément d’une enquête standard qui piétine. L’objectif est d’intégrer un suspect dans une organisation fictive, dans le but de créer des liens de confiance propice à l’obtention d’aveux pour un autre crime. »

Ce type d’organisation recourt à des agents de la Gendarmerie royale, de la Sûreté du Québec et de la Police de Montréal. Ils font partie d’une équipe mixte consacrée exclusivement à ce type d’enquête sophistiquée pouvant nécessiter de cinq à 10 intervenants primaires, secondaires et de soutien. Outre l’agent couvreur, chargé de la logistique globale, il y a aussi un agent de mise en scène qui voit à déployer des artifices afin de rendre l’organisation crédible. Cela va jusqu’à simuler la perpétration de crimes et la conclusion de transactions financières.

Selon l’agent Kevin, «les différents scénarios élaborés visent à développer les valeurs de l’organisation criminelle fictive axées sur l’honnêteté, la loyauté et la confiance. Les agents infiltrateurs mènent un gros train de vie, avec de grosses sommes d’argent comptant, de belles voitures, des sorties dans les grands restaurants, les bars et aux danseuses. Cela vise à tisser des liens propices aux confidences du suspect. En fin de compte, ça permet soit de l’inculper ou de le disculper pour réorienter l’enquête.»

41 scénarios montés

Le procureur de la Couronne, Thomas Jacques, a pris la matinée pour demander au principal organisateur de l’opération Mr Big de décrire comment il avait établi les approches et contacts pour enrôler Perreault. Au préalable, il y a eu sept tentatives pour aborder Perreault sans éveiller les soupçons. Une fois la confiance établie, le suspect sera appelé à participer à 41 scénarios criminels fictifs entre le 30 septembre 2009 et le 13 janvier 2010. C’est lors de cette dernière date coïncidant avec l’entrevue ultime auprès du grand patron de l’organisation que l’accusé aurait avoué son meurtre.

Les scénarios montés de toutes pièces prévoyaient une graduation des méfaits simulés. Ceux-ci ont d’abord commencé par des transferts de véhicules repris à des mauvais payeurs aux quatre coins de la province. Puis ont suivi des transports de marchandises, des opérations de surveillance et des déplacements pour récupérer des mallettes remplies d’argent, ou d’objets de valeur, ou encore de documents secrets. À certaines occasions, Perreault a été témoin d’altercations musclées et de travail d’équipe pour résoudre un problème menaçant l’organisation qui l’avait recruté. Il y a eu également des transferts d’armes près de la frontière avec les États-Unis et la recherche d’explosifs. À un moment, il a été appelé à compter l’argent dans une valise devant contenir 300 000$. Tout cela pour le convaincre de l’ampleur de l’organisation qui tissait sa toile autour de lui.

Miser sur la crainte

En contre-interrogatoire, l’avocat de la Défense, Me Stéphane Beaudoin a tôt fait d’orienter sa stratégie vers la crainte que l’organisation criminelle pouvait susciter chez son client. Il a d’abord noté que le fait que Perreault était sans emploi avait grandement facilité l’approche du suspect qui vivait avec peu de revenus. Le fait de lui offrir la possibilité de rendre des services rémunérés permettait de l’attirer aisément.

Indiquant qu’une opération Mr Big en était souvent une de dernier recours, Me Beaudoin a fait admettre l’agent couvreur Kevin que le but était d’amener la personne ciblée à commettre une graduation de plus en plus grave d’actes criminels. « L’intention est de développer plus qu’un lien parton/employé, pouvant aller jusqu’au sentiment d’amitié propice à un climat de confiance. » Ce qu’a confirmé l’infiltrateur, en précisant que les scénarios et les sorties étaient adaptés en fonction du profil du suspect.

À la question de savoir pourquoi autant de scénarios étaient prévus en dehors de la région de Québec, Kevin a expliqué que c’était idéal afin que l’agent primaire prénommé fictivement Jimmy passe le plus de temps seul en compagnie de Perreault. Référant à divers scénarios successifs dont celui d’une prostituée sévèrement corrigée pour avoir subtilisé une partie des recettes dues à l’organisation criminelle, l’importante somme d’argent compté par son client et le transport de caisses d’armes à feu, Me Beaudoin a insisté sur le fait que cela démontrait les grands moyens du groupe et la possibilité de violence.

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