Une publicité frappante

Jamais la colère du corps professoral n’aura été aussi élevée envers Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation. À un point tel que la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) en a fait une campagne publicitaire.

« Le ministre a fait des choix, dont celui ayant fait déborder le vase avec les camps pédagogiques. C’est venu du champ gauche; personne n’avait demandé ça dans le réseau. Ça s’est ajouté à des mois de directives contradictoires et confuses qui n’ont qu’ajouté de la crise à la crise, malgré des conversations que nous avons eues avec lui (Jean-François Roberge). Cette publicité témoigne de toute la colère des profs envers le ministre », entame Sylvain Mallette, président de la FAE. Colère qu’il qualifie de « jamais vue dans le réseau en 33 ans de métier » et qu’il explique en raison du fait que le ministre ne s’est pas appuyé sur l’expertise des professeurs.

La campagne publicitaire de fin d’année circule maintenant depuis le 15 juin. Historiquement, selon M. Mallette, les campagnes publicitaires visaient le gouvernement, plus largement. Cette fois, le destinataire du message est précis et ce dernier pointe directement vers le ministre de l’Éducation et député de Chambly. Sous la vidéo de 30 secondes de la page Facebook de la FAE est inscrit que « depuis le début de la pandémie, les profs travaillent fort auprès de leurs élèves, jeunes et adultes. Malheureusement, le gouvernement ne le reconnaît toujours pas et prend des décisions sans s’appuyer sur l’expertise des profs. Il faut que ça change ».

« Cette publicité témoigne de toute la colère des profs envers le ministre ». – Sylvain Mallette

Se réinventer

Il n’a pas été rare, lors des points de presse quotidiens, d’entendre le gouvernement demander à la société de « se réinventer ». Les professeurs ont dû l’appliquer, cette réinvention.

« Toute la question de l’enseignement à distance a fait en sorte qu’il a fallu réapprendre le métier très rapidement. De l’enseignement à distance, ce n’est pas de la formation à distance. Les profs ayant vécu le retour ont passé plus de temps à gérer la distanciation sociale et à s’assurer que les élèves respectent les consignes de sécurité tout en essayant de passer des savoirs », dépeint Sylvain Mallette, qui témoigne d’un phénomène à titre de syndicat affilié, soit l’augmentation du nombre d’enseignants qui « prennent une retraite précipitée même si, financièrement, ils seraient pénalisés, car ils n’en peuvent plus ».

Remaniement ministériel

Lors du dernier remaniement ministériel, les spéculations voulant que M. Roberge cède sa chaise de ministre de l’Éducation ont existé. Ce dernier n’a remis que le volet de l’Enseignement supérieur à Danielle McCann.

« Ça constitue une deuxième chance. Notre organisation n’a pas demandé sa démission car nous n’avons pas le mandat. Si l’on avait eu à la demander, on l’aurait demandée. Maintenant, il a une occasion à saisir. C’est à lui de décider s’il reconnaît ou pas l’expertise des profs », fait part M. Mallette.

Réactions de Jean-François Roberge

Jean-François Roberge a réagi à la publicité de la FAE par l’entremise de quelques lignes écrites. « On déplore cette campagne négative de la FAE. Encore une fois, la FAE a choisi de dépeindre un portrait volontairement déformé de ce qui se passe réellement dans nos écoles, à l’heure où nous connaissons une pénurie d’enseignants et que nous devrions travailler tous ensemble à attirer et à retenir davantage de talents dans la profession ».

« Sur quelle base s’appuie-t-il pour dire cela? questionne M. Mallette. C’est faux de dire que c’est déformé; au contraire, c’est une réalité. Il faut rester branché sur le terrain. J’invite le ministre à lire et à entendre la colère des profs et non pas certaines directions d’école et certains gestionnaires de réseau qui, depuis vingt ans, prennent de mauvaises décisions. De 40 à 60 % des élèves sont revenus dans les écoles vivant une réouverture. Si ça a bien fonctionné, somme toute, c’est parce que notamment les profs ont fait ce qu’ils ont toujours fait, soit se mobiliser », répond le président de la FAE, soulignant que le ministre s’est fait remettre en question comme aucun ministre, parmi ses prédécesseurs, ne l’avait vécu, entre autres de la part des gestionnaires et des directions d’établissement en raison des camps pédagogiques.

Parmi les points ayant ajouté à la grogne déjà existante au sein du réseau lors de la pandémie, le plan de rentrée du mois de mai de M. Roberge a laissé des séquelles. Sylvain Mallette souligne que ses membres n’étaient pas en désaccord avec le retour, mais il déplore n’avoir appris que deux jours avant, de la part d’un journaliste, la tenue de l’annonce du plan de réouverture, sans briefing technique du ministre.