La rentrée après le burn-out : témoignage d’une enseignante en adaptation scolaire

Au début du mois, le ministre de l’Éducation et député de Chambly, Jean-François Roberge, a présenté son plan pour la rentrée scolaire, souhaitant qu’elle se déroule « sous le signe du retour à la normalité ». Pour l’enseignante Magalie Jacques-Dépatie, ce sera plutôt sous le signe de défis à relever, conjugués à un manque de ressources en adaptation scolaire.

Magalie Jacques-Dépatie est une enseignante de 26 ans qui se dit bien au fait du manque de ressources pour les élèves ayant des besoins particuliers. La Johannaise, qui a vécu 12 ans à Chambly, enseigne habituellement la politique et l’univers social en adaptation scolaire. Rencontrée par le journal devant le marché Metro Collin, à Chambly, alors qu’elle y vendait des fruits et légumes pour s’assurer un second revenu, elle s’est confiée sur ce qui l’a poussée vers l’épuisement professionnel.

« C’est un enseignant sur quatre qui fait un ‘’burn-out’’ durant ses premières années de carrière. » – Magalie Jacques-Dépatie

« J’ai un baccalauréat en enseignement secondaire en univers social, mais j’enseigne en adaptation scolaire depuis longtemps. Cela fait deux ans que je n’enseigne plus la politique. Je travaillais à Montréal-Nord, en adaptation scolaire. J’avais une clientèle à besoins particuliers et pour qui la politique n’était pas une priorité puisqu’il s’agissait d’élèves défavorisés par un contexte hors du commun. Cette année, je recommence à enseigner en adaptation scolaire, mais sur la Rive-Sud », nous apprend la jeune femme, qui a été en arrêt de travail pour une période de trois mois. « Ma sœur était aux prises avec un cancer, et avec mes conditions de travail, ça faisait beaucoup trop à gérer pour moi. »

Selon Magalie, « C’est un enseignant sur quatre qui fait un burn-out durant ses premières années de carrière. On manque de ressources et d’argent, on n’est vraiment pas assez bien payés pour les années d’études que l’on fait et pour la tâche qui nous incombe, d’où le fait de me retrouver ici à vendre des fruits et légumes. En tant que prof, mes vacances à moi ne sont pas payées, par exemple. Et ce n’est pas que l’on manque d’argent à la fin de notre carrière. On finit maintenant à 90 000 $, ce qui est très bien, mais pour certains, ça prend parfois presque 15 ans pour toucher ce salaire ».

Des défis supplémentaires

Si les conditions des enseignants à la grandeur du réseau scolaire inquiètent Magalie, elle estime que la situation est d’autant plus alarmante en contexte d’adaptation scolaire. « Au niveau pédagogique, je pense qu’il va falloir plus d’aide; il y a eu beaucoup de coupures dans ce secteur. Les écoles en niveau de défavorisation de type 10 (indice de milieu socio-économique) ne reçoivent déjà pas assez de soutien, et celles qui n’ont pas cet indice et qui ont quand même besoin de ressources n’en ont presque pas, ce qui fait que l’on échappe beaucoup d’élèves. Lorsqu’on divise les milliards que le gouvernement verse parfois à toutes les écoles, on se rend compte que ça fait très peu par établissement. Au cours de ma carrière, j’ai vu un éducateur s’occuper de toute la clientèle en adaptation scolaire d’une école, et je peux vous dire que ce n’est pas assez. Lui aussi a fini par partir. Il faut plus de ressources. Par contre, je lève mon chapeau à tous les professionnels du milieu pédagogique qui sont sur le terrain, car ils ont vraiment tout essayé. Ce ne sont pas les gens qui sont sur le terrain, le problème, mais plutôt ceux qui n’y sont pas », d’insister la jeune prof.

Des inquiétudes pour la rentrée

À l’aube de la rentrée, la pédagogue admet espérer que les besoins des éducateurs et des enseignants seront pris en compte et qu’un « plan de match » clair et précis leur sera bientôt proposé pour mieux relever les défis qui s’imposent. « Il serait bien d’avoir un peu d’aide. J’aurais aimé que M. Roberge soit plus présent. J’espère qu’il sera plus précis et qu’il aura un plan d’action à nous présenter. Je pense qu’il est conscient du fait que nous, les enseignants, avons de la ressource, que nous avons à cœur la réussite et l’épanouissement de nos élèves, et que nous allons tout faire pour trouver une façon de les aider. Mais c’est aussi ce qui pousse plusieurs enseignants au burn-out, comme ça a aussi été le cas de plusieurs de mes collègues », exprime la principale concernée.

Dans le contexte de la COVID-19

« J’espère que tout le monde sera vacciné à la rentrée, surtout que la pandémie a été très éprouvante pour mes proches et moi », amène l’enseignante, partageant les inquiétudes de plusieurs de ses collègues. Rappelons qu’au secondaire, le passeport vaccinal sera obligatoire pour prendre part à certaines activités scolaires et que le port du masque sera de mise dans les aires communes et lors des déplacements intérieurs, mais que c’est la fin des classes-bulles. « Nous avons effectué une mise à jour du plan en collaboration avec la santé publique (…) et nous continuerons de suivre la situation de près d’ici à la rentrée scolaire », a d’ailleurs annoncé M. Roberge sur ses réseaux sociaux.