La valorisation du personnel scolaire
Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation, a annoncé le lancement de la plateforme Je réponds présent. L’initiative se veut ambitieuse et vertueuse, mais soulève quelques interrogations auprès des acteurs du réseau.
Le Québec a répondu présent. À ce jour, ils ont été près de 20 000 à lever la main pour prêter main-forte au personnel scolaire amoché. Parmi ce nombre, plus de 850 candidatures émanent du Centre de services scolaire des Patriotes et environ 500 sont ciblées vers le Centre de services scolaire des Hautes-Rivières. Surveillantes, éducatrices en service de garde et concierges font partie des quelques besoins de ce réseau à bout de souffle et de ressources.
Tellement à bout de ressources que circulent dans certains centres de services scolaires (CSS) des demandes de suppléance moyennant une diplomation de cinquième secondaire, et ce, pour le même salaire qu’une enseignante issue du baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire.
« Ça fait longtemps qu’on se bat pour revaloriser cette profession. Ça passe par un meilleur salaire, de meilleures conditions de travail, mais aussi par une reconnaissance de la formation. Nous sommes conscients qu’il y a un manque de personnel, mais nous le décrions depuis bon nombre d’années et personne n’a rien fait. Sous prétexte d’urgence, on abaisse les critères. Ce que l’on dit aux jeunes dans les universités, c’est que nous sommes prêts à prendre n’importe qui. Ces gens qui démontrent de l’intérêt sont peut-être de bonnes personnes, mais ce n’est pas la façon de faire », exprime Éric Gingras, président du Syndicat de Champlain, personnel enseignant et de soutien.
De son côté, Jean-François Roberge dit qu’il « ne cautionne absolument pas l’idée de confier une classe à quelqu’un qui n’a pas son bac ou qui n’est pas étudiant dans une faculté des sciences d’éducation. Il peut y avoir des exceptions à la règle en situation d’urgence, mais ce n’est pas quelque chose qui est recommandé par le ministère de l’Éducation ».
Service de garde
S’il manque du personnel pour enseigner dans les classes, il en va de même pour les éducatrices dans les locaux des services de garde qui se partagent souvent les lieux, faute d’espace dans l’école. Des postes de 10 à 20 heures par semaine sont choses fréquentes dans ce domaine. Il en faut plus pour séduire quelqu’un qui désire et qui a, surtout, besoin de travailler à temps plein.
« Ce que l’on dit aux jeunes dans les universités, c’est que nous sommes prêts à prendre n’importe qui. » – Éric Gingras
« D’abord, il y a des gens qui veulent travailler à temps partiel. Avec Je réponds présent, il est également possible d’accomplir diverses tâches pour ceux qui le veulent. Cette combinaison permet d’augmenter le nombre d’heures travaillées et de bonifier son revenu », indique M. Roberge. À travers les 2 000 têtes recherchées, 500 sont attribuables aux services de garde en milieu scolaire.
« Dans ce contexte de travail, tu n’attires pas beaucoup de personnes. On a toujours essayé de sous-estimer l’éducatrice, mais la réalité du métier n’est plus celle qui prévalait il y a 25 ans. Ce sont maintenant des milieux de vie que fréquentent abondamment nos enfants. Pour avoir du personnel intéressé, ça passe par l’amélioration de leurs conditions », soutient le chef syndical. Une solution à effet doublement bénéfique qu’il suggère, c’est de remettre les heures de surveillance aux éducatrices. Tout en allégeant la tâche des enseignantes, les heures de prestation des éducatrices augmentent. « Il y a toutefois un coût qui s’y rattache et le gouvernement ne veut pas payer », conclut-il.
« Le salaire médian de ces catégories d’emploi se situe entre 6 000 $ et 21 400 $ par an. De plus, la plupart des femmes qui occupent ces emplois doivent faire entre trois et cinq heures de bénévolat par semaine afin de s’assurer de répondre aux besoins de leurs élèves. Celles qui ont l’extraordinaire chance de travailler plus d’heures doivent souvent composer avec un horaire de travail discontinu », dépeint Jean-François Labonté, président du SEPB-578, qui était de la manifestation du 24 août dernier devant le bureau du député de Chambly.
Ère numérique
Selon la philosophie des différents CSS ou des écoles, les outils numériques gravitent d’inégales façons d’un milieu à l’autre. Le virage semble imminent depuis la COVID-19.
« C’est un accélérateur. Depuis quelques années déjà, des écoles ont apprivoisé progressivement le numérique. Certains profs avaient soif de ces nouvelles formations alors que d’autres préféraient les méthodes plus traditionnelles. Je dirais qu’à peu près tout le monde se familiarise avec le numérique. C’est dans l’objectif d’améliorer l’enseignement », met de l’avant le député de Chambly. En ce sens, les facultés des sciences d’éducation sont en tain de revoir leur curriculum. D’ailleurs, en 2019, une nouvelle compétence que doivent acquérir les enseignants a été rendue publique, soit la compétence numérique. Élaboré en collaboration avec l’Université de Montréal, c’est un document guidant les CSS dans la formation continue des enseignantes et des universités au sein de la formation initiale des enseignantes. »
Fermer les écoles
Les secteurs du commerce et de la culture vivent un deuxième confinement. Plusieurs redoutent que le milieu scolaire subisse le même sort.
« On ne travaille pas du tout sur des scénarios de fermeture d’écoles comme ce que nous avons connu au printemps », rassure en terminant le ministre.
Le processus d’embauche de Je réponds présent est entamé. Certains candidats sont déjà en poste. Les antécédents judiciaires des candidats ont été épluchés et une validation de leur aise à œuvrer dans le secteur a été faite. Afin de compléter la préparation, une formation payée d’une durée d’un à trois jours leur est offerte.
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