Les défis d’une microbrasserie en deux ans de pandémie

Sur ses cinq années d’existence depuis son ouverture en 2016, la microbrasserie Délires et Délices a dû fermer ses portes plus d’une fois au cours des deux ans de pandémie. En entrevue avec le journal, l’une des copropriétaires fait le point sur la manière dont son commerce s’en sort.

Il y a deux mois, Anik Cormier et son équipe de chez Délires et Délices annonçaient une nouvelle excitante : l’inauguration de la salle Gaby Bernier, à l’étage, pour y accueillir la clientèle et les artistes performant sur scène selon une nouvelle formule. Un baume sur les tourments du commerce, qui devait se contenter d’une capacité d’accueil permise de 50 %. Puis, durant la période des Fêtes, il a fallu fermer. Tous ces rebondissements, Mme Cormier les accueille avec résilience, mais aussi beaucoup de stress.

Gérer la pression

« Ce n’est pas ainsi que je souhaitais démarrer mon entreprise. Le bucket challenge, c’est de la petite bière à côté. Moi, j’ai eu trois douches froides en deux ans! », entame la commerçante. « Et il n’y a pas que moi. Il y a aussi le personnel, les employés à qui l’on dit de ne pas rentrer travailler, les associés, les comptes à rendre, ça rend très anxieux parce que l’on se dit que si on tombe, les autres tombent aussi. » Devant la fermeture des restaurants, elle dit être dans « l’incompréhension », car « les restaurateurs ont tout fait : exiger le passeport vaccinal, imposer la distanciation de deux mètres, réduire leur capacité d’accueil de moitié, tout laver, etc. C’était très sécuritaire ». Elle estime qu’il aurait été préférable de « rouvrir le milieu de la restauration mais d’exiger le passeport vaccinal partout ».

Le bucket challenge, c’est de la petite bière à côté. Moi, j’ai eu trois douches froides en deux ans! » – Anik Cormier

Des bâtons dans les roues

Pour Anik, comme pour l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ), ce qui a fait d’autant plus mal, c’est notamment le fait d’avoir eu à payer les taxes de TPS et TVQ après le meilleur chiffre d’affaires. « En septembre, le gouvernement réclamait les taxes pour les trois plus gros mois de la restauration, ce qui a pas mal vidé nos comptes. Et là, alors que l’on était ouverts sous conditions d’accueil d’un maximum de 50 % de la capacité, il a fallu fermer en décembre, et on arrive en janvier, et il faut encore payer les TPS et TVQ d’octobre, novembre et décembre. J’aurais aimé que l’on soit épargnés pour cette fois », admet Mme Cormier.

Elle déplore également le niveau d’efforts investis à la promotion de la campagne « 28 jours sans alcool », qui incite à ne pas boire, puisqu’elle « n’aide en rien les restaurateurs et les pubs, qui font de la canette, de la bouteille, et qui doivent vendre de la bière pour payer leurs frais fixes! ».

Pour s’en sortir malgré la fermeture de sa salle à manger, Délires et Délices s’en remet présentement à la vente de cruchons au comptoir de ramassage. « On est revenus au point de départ du mois de mars 2020. Là, on vend des cruchons, et c’est ce qui nous permettra de payer nos frais fixes, Hydro-Québec, Vidéotron, les assurances, etc. Ça nous enlève une charge sur les épaules. À défaut de venir consommer en salle, les clients peuvent passer quand ils le veulent, aux heures d’ouverture, et venir chercher leur bière. Nos 20 sortes de bières sont disponibles, et on les sert en formats un litre ou deux litres. »

Elle précise que son commerce ne fait toutefois pas de livraison, car, pour en obtenir le permis, il faudrait continuer à vendre de la nourriture, ce que Délires et Délices a cessé de faire durant la fermeture de sa salle. « Après avoir fait les calculs, on s’est rendu compte que de servir de la nourriture ne serait pas rentable dans ces conditions. On survit avec les cruchons, sur lesquels on se concentre, parce que la bière est dans les fermenteurs et que ça n’engendre pas de pertes. »

Puisqu’elle s’attendait à devoir fermer les portes de son établissement, Anik a évité de remplir ses frigos pour éviter d’avoir des pertes alimentaires à essuyer, « ce qui fait que, contrairement aux restaurateurs qui en ont pour 25 000 ou 30 000 $ en nourriture dans leur inventaire, je n’ai pas besoin de déposer une demande pour la subvention pour pertes alimentaires, qui n’en vaudrait pas la paperasse. Je peux toutefois redemander l’aide au loyer et l’aide salariale au fédéral, et je vais appeler la MRC pour voir ce qu’elle a à offrir aux commerçants », ajoute la tenancière, qui préside également la Chambre de commerce et d’industrie du Bassin de Chambly (CCIBC).

« Ce que je dois me dire, c’est que si, malgré tout cela, après cinq ans, mon commerce a réussi à passer au travers de la pandémie, il ne faut pas que je m’en fasse trop. Et puis tout le monde au Québec est dans le même bateau, je ne suis pas seule. Je peux aussi compter sur le soutien et la solidarité dont on fait preuve entre commerçants de la rue Bourgogne. J’ai hâte de voir ce que l’on pourra réaliser ensemble en 2022. »