Raymond Bouchard

Presque 60 ans de métier

De passage au Théâtre de Rougemont dans le cadre de la pièce Le Placard, qui prendra l’affiche dès le 29 juin, le comédien Raymond Bouchard parle au journal de ses presque 60 ans de métier.

Raymond Bouchard a une impressionnante feuille de route. Visage connu et aimé du grand public québécois, le comédien compose des rôles qui ont marqué l’imaginaire des spectateurs de la Belle Province.

Comment a débuté cette carrière de près de 60 ans?

J’ai joué dans une troupe de théâtre de quartier à Québec dont j’ai oublié le nom. C’était la première fois que j’étais payé. Je me dis que, supposément, on est professionnel quand on est payé. J’avais environ 18 $ par soir pour jouer dans un Agatha Christie. J’étais à ce moment au collège classique. Je gagnais ma vie d’étudiant en étant acteur, en jouant. Je n’ai pas fini l’université et je suis entré au Conservatoire à l’âge limite d’acceptation de 24 ans.

En termes d’émissions de télévision dans lesquelles vous avez joué, y en a-t-il une qui vous a marqué plus que d’autres?

On peut commencer par L’or et le papier, dans laquelle j’ai gagné un Gémeaux à titre de meilleur comédien. Évidemment, il y a Scoop et les Lance et compte. Il y a des séries qui ont moins marché mais qui ont été intéressantes à faire, comme Temps dur ou Bunker, le cirque.

En matière de cinéma, y a-t-il un film dans lequel vous avez joué qui vous a marqué particulièrement?

La grande séduction. Ç’a été le plus gros des hitsLa vie avec mon père, aussi. Et il y a L’assassin jouait du trombone et La vengeance de la femme en noir, tous deux de Roger Cantin. C’était le fun à faire. 

Quel personnage, parmi ceux que vous avez incarnés, vous a habité, collé à la peau?

Le personnage de L’or et le papier, c’est sûr. Le personnage de La vie avec mon père. Au théâtre, j’ai joué presque tout ce que j’ai rêvé de jouer. Othello est ce qui a été le plus dur. Il y a aussi quand j’ai fait Le malade imaginaire et Sganarelle dans Don Juan. 

Quel homologue vous a fait évoluer, vous a marqué?

Il y en a eu beaucoup. Quand Paul Hébert est devenu directeur du Théâtre du Trident à Québec, il a fait beaucoup de mises en scène. Il a joué aussi. Il y a évidemment Jean Duceppe qui a été important et avec qui on a créé La mort d’un commis voyageur. J’ai joué plusieurs fois avec lui. Sa façon de marcher dans la vie; il se traînait un peu les pieds. Je l’ai imité dans des personnages. Je lui ai volé des affaires!

Y a-t-il un réalisateur ou un metteur en scène qui a été plus rigide avec vous et avec qui il a été difficile de travailler?

Personne ne m’a manqué de respect et je n’aurais pas enduré ça de toute façon. Quand c’est arrivé en tournage, une couple de fois, ça a été fini tout de suite, parce que je n’endure pas ça. Mais, travailler fort, oui, bien sûr. Olivier Reichenbach m’a fait jouer des rôles formidables au Théâtre du Nouveau Monde. 

Y a-t-il un rôle que vous n’avez pas joué à ce jour et que vous souhaitez faire?

Ça fait des années que je le dis, mais je pense que je suis rendu trop vieux avec mon arthrose. C’est Le Roi Lear. Ça n’a jamais adonné. J’en ai parlé à plusieurs metteurs en scène, mais ça ne s’est pas confirmé. C’est un rôle énorme. C’est un vieil homme, mais il faut que tu sois en forme. C’est très long et très dur, mais c’est beau. Je m’essaierais peut-être quand même, mais je ne pense pas que ça arrive. Il faut se battre avec ces personnages-là. Ce sont des défis incroyables. 

Y a-t-il un rôle que vous avez joué que vous rejoueriez différemment avec le recul? 

Pas vraiment. Mais je n’aime pas me regarder. La majorité des acteurs n’aiment pas se regarder. Les gens pensent que oui, mais ce n’est pas vrai du tout. Quand on se regarde, on se souvient de quand on a tourné et là, on se dit » Ah, merde! J’aurais dû plutôt faire ça comme ça! ». On est critique de soi-même, car on a une distance. Mais de dire que je jouerais différemment, en général, non.

Quand ça fait 60 ans que l’on exerce un métier, est-il encore question de retraite éventuellement?

Les acteurs ne prennent pas de retraite. J’ai slacké beaucoup, par exemple. J’ai refusé quelques séries. J’ai décidé que je ne jouerais que ce avec quoi je tomberais en amour. J’ai 78 ans, j’ai décidé de prendre du temps pour vivre. J’ai fait beaucoup de rush dans ma vie. Trois périodes par jour : répéter le matin, tourner l’après-midi, jouer le soir, etc. J’ai fait ça une bonne partie de ma vie. Je fais moins de trucs. J’ai toujours continué le théâtre, cependant. Je viens du théâtre de toute façon.

Un monument culturel est décédé la semaine dernière en la personne de Michel Côté. Comment avez-vous reçu la nouvelle?

Je n’ai pas joué avec Michel. Je le connaissais depuis longtemps. Ma troupe de théâtre de jeunes et la sienne, on se connaissait. Ça n’a aucun sens, c’est trop jeune. Que veux-tu que l’on fasse avec ça, le cancer? C’est une grosse perte, Michel. C’est un gars tellement sympathique, tellement gentil!