Après l'itinérance et la toxicomanie

Des conférences lumineuses après un parcours rocailleux

Tout juste avant Pâques, Marco Poulin a offert une conférence aux jeunes de l’organisme POSA/Source des Monts de Chambly. C’est un message positif que livre l’homme issu d’un parcours imbibé d’itinérance et de toxicomanie.

« Peu importe notre cheminement, on peut tous atteindre nos rêves, notre bonheur », lance Marco Poulin très tôt dans l’entrevue. Il l’a d’ailleurs réalisé dernièrement, son « rêve d’enfance mis de côté », qui était de s’accomplir à titre de sportif.

À 59 ans, l’homme résilient a frappé plusieurs obstacles pour en être où il est aujourd’hui. Depuis 2019, le coordonnateur de l’organisme sherbrookois Partage Saint-François parle de différence et transmet l’espoir dans ses conférences à travers son vécu.

Un début difficile

Tôt, Marco Poulin a décroché du milieu scolaire et s’est entouré d’un « mauvais environnement ». Dès 16 ans, il s’est retrouvé en appartement. Il passait le journal et touchait l’aide sociale pour survivre. La consommation d’alcool et de drogue est devenue chose commune. « Je n’avais pas d’habiletés. Je n’étais pas manuel et n’avais pas de scolarité. Je me suis associé et identifié à des gens qui faisaient des vols », se souvient M. Poulin.

Avant d’atteindre la vingtaine, l’homme natif de Longueuil a entamé son périple carcéral pour vol qualifié. Pénitencier et prison provinciale parsèmeront son chemin pour la décennie suivante. Entre des purges de peines, il devient jeune papa. « Je n’étais pas là pour ma fille, ce qui fait que la consommation a augmenté », soutient-il. 

Au début de la trentaine, il a perdu son logement. « Je me suis retrouvé sans abri en pleine crise du verglas », relate Marco Poulin. En auto-stop, il s’est rendu en Estrie. C’est à ce moment que le Partage Saint-François est entré dans sa vie. Il y a vécu tant bien que mal. Rongé par la culpabilité d’être un père qui faillit à la tâche, il a connu des rechutes et a perpétré d’autres vols qualifiés. De retour en prison, il s’est découvert des capacités alors insoupçonnées pour la course : les balbutiements de ce qu’il est aujourd’hui. 

La voie du changement

Après cette incarcération, il a emprunté la voie du changement. En thérapie, « j’ai appris à me connaître et à voir mes parts de responsabilité dans la vie », met en lumière M. Poulin. À la suite d’une formation, il a voulu aider les gens et a travaillé en maison de thérapie. De retour au Partage Saint-François, où il occupait le quart de nuit, il vivait de sobriété. « J’avais par contre toujours en moi la honte, la culpabilité par rapport à ma fille dont je ne me suis pas occupé », convient-il.

» J’ai commencé la route de ma rédemption et j’ai enterré mon passé. »  – Marco Poulin

Lors de cette période, il est devenu père d’une seconde fille. « C’était difficile pour moi d’apprivoiser l’amour. Ce n’était pas facile, mon rôle de père, je fuyais beaucoup », résume-t-il. Encore, une rechute a ponctué son chemin. Il a même attenté à ses jours, dans son garage. Se retroussant les manches, il est allé chercher de l’aide à nouveau.

Vers la course

Aux prises avec des problèmes de santé, Marco Poulin a reçu un diagnostic de diabète, en plus d’être atteint d’une cirrhose du foie. « Je me suis demandé si je me laissais mourir. » Ma vie est finie » », a-t-il eu pour réflexion.

Il a alors rencontré quelqu’un qui l’a initié à la course. Il a couru un 10 kilomètres, suivi d’un tout premier marathon. « J’ai commencé la route de ma rédemption et j’ai enterré mon passé », raconte-t-il au journal en laissant s’exprimer quelques larmes. Sa performance, en termes de temps au marathon, lui a permis de se qualifier pour le prestigieux marathon de Boston. C’est après celui-ci qu’il a commencé ses conférences. Il a même contacté un gardien de prison qui a « fait la différence à l’intérieur des murs » pour qu’il y assiste.

Le Sherbrookois s’est découvert une force dans la course de longue distance. À Cacouna, Marco Poulin a remporté les honneurs du Big Wolf’s Backyard. En courant pendant 46 heures, il a battu le précédent record de l’événement sportif, qui était de 44 heures. « Je suis un peu le Forrest Gump. Je cours un peu partout », dit-il en riant. Il a également représenté l’équipe canadienne en Colombie-Britannique.

Le conférencier rêve désormais des Championnats mondiaux, pour lesquels il devra courir 72 heures, sans dormir. Il met les bouchées doubles vers cet objectif. « Quand on veut atteindre un but, il faut être discipliné et déterminé. Il faut croire en soi pour être capable de franchir les obstacles. Il n’y a pas de limites », synthétise-t-il.

Reconnaissant envers sa mère

La mère de Marco Poulin a fait le tour des pénitenciers et des thérapies en raison du statut de son fils. Lors de la pandémie, elle a fait une crise de cœur. Elle s’en est heureusement sortie.

En guise de geste de reconnaissance, Marco Poulin est parti de Saint-Théophile, en Beauce, ville natale de sa mère. En quatre jours, il a couru 500 kilomètres pour compléter sa course sur le balcon de sa mère, à genoux. « Je l’ai remerciée pour tout ce qu’elle a fait pour moi », décrit-il.

Marco Poulin a tracé son chemin. Son expertise de vie fait en sorte qu’il est désormais une figure notoire au Partage Saint-François, ressource qui lui a jadis tendu la main.

Sa plus jeune fille est âgée de 21 ans. Elle l’a rendu grand-père de deux petites-filles. Il « rêve » de se rapprocher de sa fille aînée de 35 ans. « Ça a eu de gros impacts, le fait que je ne sois pas là dans sa vie. Je n’étais pas là pour elle. J’étais prêt à assumer qu’elle ne me parle plus jamais  », admet-il. Dernièrement, elle lui « a ouvert la porte », alors qu’elle l’a accueilli pour souper. « On est en train de construire notre relation tranquillement », souffle-t-il chaleureusement.