Le masque : handicap supplémentaire pour les malentendants
« Depuis le début de la pandémie de la Covid-19, moi qui suis malentendante, je suis stressée à la perspective de
devoir éventuellement communiquer avec du personnel hospitalier qui porte un masque. Que ce soit dans une
clinique de dépistage ou lors d’une hospitalisation.
C’est que 92 % d’entre nous (selon un récent sondage mené par Audition Québec) utilisons la lecture labiale pour comprendre nos interlocuteurs, qu’on porte un appareil auditif ou non.
Ayant moi-même été hospitalisée pendant trois mois l’été dernier, je peux témoigner que le stress de ne pas comprendre notre médecin s’ajoute à celui de la maladie.
C’est pourquoi le travail du Dr René Caissie, chirurgien maxillo-facial qui planche sur un prototype de masque
10 fois plus performant que les fameux N95 m’apporte énormément d’espoir. Enfin, on pourrait lire sur les lèvres du personnel soignant!
Les médias ont beaucoup relayé ces jours-ci l’histoire de cette étudiante américaine qui a conçu un masque avec fenêtre transparente, pour les personnes sourdes et malentendantes.
Moi-même, j’ai commandé des masques du même genre provenant d’une compagnie américaine, et qui sont approuvés par la FDA (Food and Drugs Administration). Je les attends toujours.
Le problème, c’est que ces masques ne pourraient pas être portés par le personnel hospitalier pour traiter les patients malentendants atteints de la Covid-19. Ils ne sont pas assez sécuritaires. Voilà pourquoi le travail du Dr Caissie est si important pour moi et pour la communauté des malentendants – et même celle des sourds qui s’expriment en Langue des signes du Québec, et pour qui l’expression faciale relaie l’émotion.
Par ailleurs, le port du masque par la population en général m’inquiète aussi personnellement. Audition Québec (un regroupement provincial de personnes malentendantes et devenues sourdes) n’est pas contre le port du masque, mais avec des compromis. Puisque je dépends de la lecture labiale, je suis nettement désavantagée. Tout le monde a la mèche courte ces jours-ci, et je crains que les entendants qui portent un masque pour me parler s’impatientent lorsque je leur demanderai de répéter.
On a tous un rôle à jouer : les entendants en baissant leur masque pour nous parler (en reculant de 2 mètres bien sûr), et les malentendants en n’ayant pas peur de s’afficher comme tel et de s’affirmer.
Vous les entendants, serez surpris de constater à quel point vous lisez vous-mêmes sur les lèvres de vos interlocuteurs, sans vous en rendre compte. »
Jeanne Choquette
Présidente, Audition Québec
Double implantée cochléaire