Violence sous silence

À l’occasion de la campagne internationale d’activisme contre la violence faite aux femmes, du 25 novembre au 10 décembre, plusieurs organismes locaux invitent la population à réfléchir aux conséquences de l’isolement sur le quotidien des victimes de violence conjugale.

À Chambly, c’est la campagne « 12 jours d’action » qui a rallié les troupes jusqu’au 6 décembre, et incité tous et chacun à partager et à faire connaître les ressources d’aide disponibles.

12 jours d’action

Située à Chambly, la Maison Simonne-Monet-Chartrand, qui offre des ressources d’hébergement pour femmes et enfants victimes de violence conjugale sur le territoire de la Montérégie, a invité des personnalités du jetset, dont Ricardo Larrivée et Debbie Lynch-White, à témoigner par message vidéo pour soutenir la cause. Ils ont tous deux répondu à l’appel. « Parfois, ta vie est en danger, tes enfants sont en danger, la violence arrive de beaucoup de façons. Elle peut arriver physiquement, elle arrive mentalement aussi. Et quand tu as peur, et que tu n’as pas de lieu où aller te sauver pour te protéger, c’est terrible (…) Quand tu as peur pour ta vie et pour celle de tes enfants, tu veux un endroit où aller te cacher (…) Tu pars dans des conditions extrêmes. Ça prend des lieux à proximité. Malheureusement, il en manque, il y a de grands problèmes pour héberger des centaines, parfois des milliers de femmes, qui ont besoin de ces refuges. C’est pour cela qu’il est important d’avoir notre Maison dans la région de Chambly. », a offert M Larrivée.

Des ressources thérapeutiques

C’est d’abord pour des raisons personnelles que Junita Morin a fondé l’organisme La Démarche d’une vie, offrant aux hommes et aux femmes victimes de violence domestique des services innovateurs à trois volets : des ressources thérapeutiques, de la zoothérapie, et des activités liées à l’agriculture et aux marchés de ventes pour aider les victimes à s’accomplir. « Une personne qui a subi cette violence va pouvoir ainsi se retrouver, s’adonner à une activité valorisante, voir que les gens sont contents en achetant ses légumes. Ça peut paraître petit, mais pour ces gens, c’est une forme de réappropriation de soi. »

12 %.

C’est la hausse des demandes d’interventions policières pour violence domestique pendant la pandémie.

Mme Morin est présentement à la recherche d’un terrain sur la Montérégie pour y accueillir des personnes à héberger, notamment des résidents en partenariat avec les refuges de la région, comme la Maison d’hébergement de Longueuil. Bien que les déplacements ne soient pas chose pratique pour ceux qui seront plus éloignés, Junita dit vouloir faire affaire avec un service de navettes pour organiser un système de transport accommodant. « Il me faudra établir un contrat de confidentialité avec mes partenaires afin que l’adresse de mon terrain d’accueil ne soit jamais divulguée. Je n’ai pas envie que l’un des agresseurs des victimes s’y pointe en furie. »

Une violence ignorée ?

Kanica Saphan est une sexologue ayant œuvré comme intervenante auprès de divers groupes minoritaires (réfugiés, immigrants, personnes en situation d’itinérante et aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de consommation). Au cours de sa pratique en milieux communautaire et privé, elle affirme avoir constaté un manque d’accès aux ressources disponibles pour les victimes de violences sexuelles, et souligne l’importance d’en faire la sensibilisation. « Les problèmes des violences sexuelles et domestiques sont souvent banalisés ou jugés d’ordre personnel, au lieu d’être abordés et traités de façon collective. » Selon elle, le fait de se confiner et de demeurer chez soi a exacerbé la violence qui existait déjà avant le confinement, de même que le sentiment d’impuissance des victimes. Malgré l’isolement dans lequel les personnes vulnérables sont plongées pendant la pandémie, des pistes d’actions demeurent envisageables. Mme Saphan suggère de s’en remettre aux recommandations de l’Institut national de santé publique (INSPQ) quant aux manières d’intervenir en matière de violence conjugale dans le contexte de la pandémie. Notons que l’INSPQ rapporte qu’entre mars et juin, les demandes d’intervention policière associées à des situations de conflits ou des querelles dans un domicile privé ont connu une hausse de 12 % au Québec.

Rogers à la rescousse

Afin d’offrir du soutien aux victimes malgré la réduction des ressources en temps de pandémie, l’entreprise Rogers Communications vient d’annoncer qu’elle fournira des centaines de téléphones et de forfaits Voix et données gratuits aux maisons d’hébergement du Québec « pour que les femmes victimes de violence et de mauvais traitements puissent profiter de services de connexion. » La Maison Simonne-Monet-Chartrand fait partie de la liste des récipiendaires.

Quand la souffrance n’a pas de sexe

Contrairement au mouvement luttant contre la violence systémique ciblant les femmes, Mme Morin aborde le problème de façon inclusive des sexes. Elle considère qu’il y a un « manque criant de ressources » disponibles pour les hommes victimes de violence conjugale, et espère y pallier. « Les ressources sont inexistantes pour les hommes, mais on ne parle pas de cette inégalité. Il y a beaucoup de préjugés. On ne se dit pas qu’un homme de 6,4 pieds et 350 lbs peut subir de la violence conjugale, mais la violence domestique peut aussi être exercée de façon verbale. C’est d’ailleurs la forme de violence qu’ils subissent le plus, et ce n’est pas non plus à négliger. » Selon elle, beaucoup de travail reste à faire pour soutenir plus de victimes, et œuvrer tant auprès des hommes que des femmes.