Une vie sur les bateaux et les trains

Raymond Bherer, 93 ans, a passé une grande partie de sa vie sur des bateaux ou des trains à les conduire. Il a amorcé sa carrière lors de la seconde Guerre mondiale sur le fleuve Saint-Laurent.
Le Journal l’a rencontré dans sa résidence de Carignan, qu’il a lui-même construite, il y a plus de 60 ans.
Âgé de 17 ans, au cours de la Seconde Guerre mondiale, il a conduit un bateau afin d’aller donner les ordres au convoi canadien dans le fleuve Saint-Laurent en 1942.
« Ils ne pouvaient pas les donner par télégramme pour ne pas se faire prendre par les Allemands, indique l’homme. Ils connaissaient bien le fleuve et savaient où se cacher. »
Le navire gouvernemental qu’il conduisait, le Jalobert, se retrouve dans un livre Les bateaux-phares du Saint-Laurent qu’il possède. M. Bherer souligne que le bateau a été construit en 1914.
Il se souvient avoir entendu des mines sous-marines exploser. « Les chauffeurs, on est dans le fond du bateau. Je ne voyais pas les mines, mais je les entendais. À 17 ans, on a les oreilles fines ! », s’exclame-t-il.

« J’ai déjà embarqué Pierre Elliott Trudeau. Il venait me rejoindre à l’avant, mais ne restait pas longtemps, c’était trop bruyant. » -Raymond Bherer

Lorsqu’il a eu 18 ans, le natif de la Côte-Nord a été enrôlé dans l’armée. « On n’avait pas le choix. On ne faisait pas ce qu’on voulait », dit-il.
M. Bherer a été membre de l’armée durant quatre ans, de 1942 à 1945, comme sergent instructeur. Les gars qu’il formait partaient à la guerre. Il a quitté les rangs dès qu’il a pu.
« Quatre ans c’était assez, affirme-t-il. Ce n’est pas ma partie préférée de ma carrière. Ce n’était pas drôle. »

Marine

Il s’est ensuite dirigé vers la marine canadienne et américaine. « J’ai une pension des États-Unis », scande-t-il. Bien qu’il n’est jamais demeuré dans ce pays. Il restait sur le bateau.
Le Carignanois a également obtenu une médaille de la marine américaine parce qu’il a participé au débarquement en France.
Dans la marine canadienne, M. Bherer mentionne s’être rendu en Europe pour vider des camps de concentration en Allemagne à la fin de la Guerre. « Les gens voulaient venir au Canada. On en apportait 800 du coup », indique-t-il.
L’homme se souvient avoir navigué à bord d’un bateau saisi aux Allemands par la marine canadienne. Il le contrôlait à partir du pont et non plus de l’intérieur.
L’hiver, les bateaux étaient ancrés et entreposés à Lévis.

De train à vapeur à électrique

Dans les années 1960, après avoir conduit des bateaux quelques années, il est devenu ingénieur de train. Il a commencé sur des trains à vapeur et a connu la transition jusqu’au train électrique en passant par le diésel. Il transportait des passagers.
M. Bherer a fait la majorité de sa carrière sur les rails. Il y a travaillé 35 ans. L’homme a dirigé des trains dans le coin de Chambly jusqu’à Montréal. Il est aussi allé à Ottawa.
« J’ai déjà embarqué Pierre Elliott Trudeau, mentionne-t-il. Il venait me rejoindre à l’avant, mais ne restait pas longtemps, c’était trop bruyant. Si tu n’étais pas habitué au bruit, c’était dur. »
Dans ses tâches, il a notamment mis du charbon à la pelle comme carburant pour faire avancer la locomotive.
L’ingénieur de train a été témoin, bien malgré lui, de plusieurs accidents ferroviaires et a dû faire face à la mort. « À l’époque, le système et la sécurité n’étaient pas comme aujourd’hui. Ce n’était pas toujours plaisant », dit-il.
Dans sa carrière, il a aussi passé deux ans dans une jungle du Brésil. Il travaillait pour une compagnie d’aluminium. Il chargeait des wagons de minéraux qui étaient envoyés à Arvida.

Beaucoup de souvenirs

M. Bherer est allé dans différents pays sur les bateaux et les trains. Il cite s’être rendu notamment en Europe, en Écosse, à Londres, en Allemagne, en Belgique, en Hollande, en Argentine, en Jamaïque et au Brésil.
Partout, il récupérait des souvenirs. Par exemple, sur le bateau allemand, il a récupéré une cuillère avec le logo allemand dessus.
« Je les envoyais chez nous et ma mère les gardait. Elle me les a tous remis ». Sa maison en regorge.

La famille

M. Bherer a rencontré sa conjointe, Jeanne d’Arc Perreault, lorsqu’il travaillait sur les trains. Avec elle, il a eu quatre enfants, qui lui ont donné six petits-enfants.
Il a acheté une terre à Carignan où il s’est établi.
Le père soutient ne pas avoir vu tant ses enfants grandir. « Il y avait de l’ouvrage. Parfois, j’étais parti deux, trois jours sur les trains. Je ne couchais pas souvent ici », raconte-t-il.
Deux de ses enfants présents lors de l’entrevue ont souligné ne pas s’en être rendu tellement compte. Il était quand même très présent, selon eux.