Une histoire vouée à disparaître

Le bâtiment, qui a déjà abrité l’entreprise Bennett Fleet, dernier vestige industriel de Chambly, fait l’objet d’une demande de démolition.

La Ville de Chambly a émis un avis informant que le comité de démolition tiendra une séance le mercredi 15 juillet, à 17 h, à la salle du conseil. Toutefois, en raison de la situation actuelle en lien avec la COVID-19, la séance sera accessible via webdiffusion. Elle portera sur une demande de démolition du bâtiment.

Le Comité consultatif d’urbanisme a déjà donné son aval pour la démolition de ce bâtiment sis près de la rivière Richelieu, à l’angle de l’avenue Bourgogne et du boulevard de Périgny. Les documents relatifs à cette demande de démolition sont publiés sur le site Internet de la Ville.

La mairesse, Alexandra Labbé, souligne que « c’est important que les gens sachent que ce n’est pas la Municipalité qui initie une démarche de démolition ». Chaque demande, comme ça a été le cas pour la maison du 13-15 Lafontaine, passe par un processus rigoureux, assure-t-elle. Mme Labbé mentionne également que le comité de démolition veut resserrer les critères pour autoriser ce type de demande.

Dans ce dossier, les membres du comité, dont fait partie la mairesse, ont demandé à se rendre sur place afin de constater l’état des lieux. « Ce n’est pas propre, avance-t-elle. Le bâtiment est dans un état avancé de délabrement. »

Elle précise qu’un avis d’expert en patrimoine bâti a été exigé dans la demande. Sa conclusion est incluse dans les documents rendus publics. Celui-ci propose certaines pistes afin de conserver des éléments de l’édifice voué à disparaître. Ce bâtiment, construit en 1918, est jugé, selon le règlement de démolition de la Ville, d’intégrité architecturale moyenne et d’intérêt patrimonial supérieur.

« On comprend à quel point c’est important de conserver ce caractère historique. » – Mylène Dupéré

Le projet

Le Groupe Sélection a entamé les démarches pour devenir propriétaire du terrain. C’est lui qui a fait la demande de démolition. Mylène Dupéré, vice-présidente aux affaires publiques de l’entreprise, a expliqué le projet au journal.

Il s’agit de deux bâtiments multirésidentiels de six étages. L’un, composé de 250 unités, accueillerait des personnes retraitées autonomes. « Ce sont de bons voisins. Ils ne circulent pas aux mêmes moments que la population en général, qui doit aller travailler. Souvent, ils ont une voiture par couple ou aucune. Nous offrons aussi le service d’autopartage », indique-t-elle.

L’autre bâtiment, de 180 unités, serait destiné aux familles. Il abritera notamment une garderie. Dans ce second édifice, l’entreprise compte conserver des briques de l’usine Bennett sur les quatre premiers étages. Elle prévoit aussi conserver les lettres de l’usine. « On comprend à quel point c’est important de conserver ce caractère historique », souligne la vice-présidente.

Un aspect environnemental est aussi dans le projet, notamment l’aménagement des berges de la rivière Richelieu en parc public, un jardin sur le toit du stationnement souterrain et un prolongement de la piste cyclable. « On reste propriétaire de nos lieux. C’est important pour nous d’être un bon voisin corporatif », mentionne Mme Dupéré.

Décontamination

La décontamination des lieux est un élément important du projet. Un échantillonnage du sol démontre qu’il est impropre à l’usage résidentiel, précise Mme Dupéré.

Elle serait nécessaire même si Groupe Sélection voulait conserver le bâtiment actuel. La vice-présidente souligne que le terrain doit être décontaminé en profondeur, donc sous les fondations. La vétusté du bâtiment actuel ne le supporterait pas.

Opposition citoyenne

Le Mouvement citoyen de Chambly (MCC) estime que ce projet « soulève des interrogations et des inquiétudes ». Il souligne que la densification du projet « excède largement les exigences des seuils minimaux du Plan métropolitain d’aménagement et de développement », qui est de 21 logements à l’hectare.

« Ce projet est situé dans une zone enclavée. Les inévitables bouchons de circulation inquiètent les résidants du quartier historique à proximité », indique le MCC, par la voix de sa présidente Louise Chevrier.

Lors de la consultation publique du plan d’urbanisme, le projet avait été présenté par la Ville. Les citoyens avaient alors posé des questions concernant la circulation dans le secteur. Le nombre d’étages, d’abord de huit, a été abaissé depuis à six, ce qui est déjà autorisé à cet endroit. Le regroupement estime que peu de modifications ont été apportées depuis la présentation.

« La Ville justifie ce projet par la nécessité de rentabiliser le projet en le reliant avec les coûts de décontamination nécessaires à cet endroit pour un projet résidentiel. L’usage commercial ou industriel léger n’aurait-il pas réduit les coûts de cette décontamination et créé un moindre impact? », ajoute le MCC.

Concernant l’opposition de citoyens, Mme Labbé indique comprendre « l’attachement historique et qu’il est important de préserver l’histoire et la mémoire des lieux. Le bâtiment est rendu dangereux et ça n’apporte rien de l’avoir là. Il faut aussi prendre ça en considération. Si l’on bloque le projet, on ne permet pas d’améliorer le secteur. On ne veut pas précipiter quoi que ce soit, mais il ne faut pas manquer le train quand il passe ».