Une contravention de 100$ pour des injures sur Facebook

Injurier en personne un policier est passible d’une contravention. Le faire sur les réseaux sociaux est maintenant aussi répréhensible, comme l’a appris à ses dépens un citoyen.

En mai 2014, Julien-Carl Beauchamp a partagé sur sa page Facebook une vidéo de l’arrestation d’un citoyen qui avait effectué «un show de boucane» sur un «3 roues». Il a commenté les images en les accompagnant de propos désobligeants à l’égard des agents de la paix.

«Les câlisses, c’est eux hier qui ont fait remorquer mon char parce que mes tires arrière étaient finis, 145$ de towing», a-t-il d’abord écrit. Il a ensuite ajouté «C’est une crisse de truie» et «La salope».

Dans ce contexte, il a reçu un constat d’infraction de 100$ pour avoir contrevenu à l’article 6 du règlement municipal sur les nuisances, qui interdit d’injurier un piéton, un cycliste, l’occupant d’un véhicule moteur, un agent de la paix ou un employé municipal.

Le juge de la cour municipale, Pierre-Armand Tremblay, estime que les propos, même s’ils n’ont pas été tenus en présence des victimes, étaient de nature à les dénigrer. Même si tout individu a droit à son opinion personnelle et sa liberté d’expression, celle-ci ne peut pas être exprimée n’importe comment.

Analyse détaillée

Avant d’en arriver à cette décision, le magistrat s’est posé de nombreuses questions afin de déterminer la portée du règlement. Ce type d’infractions survenant habituellement dans le feu de l’action, lorsque les protagonistes sont en face l’un de l’autre, il voulait s’assurer que l’article permettait de sortir du cadre habituel.

«A-t-on porté atteinte à la liberté d’expression? A-t-on violé certains principes de droit en consultant la page Facebook d’un individu, et qui plus est en s’en servant comme moyen de preuve contre lui? La Ville a-t-elle juridiction sur des commentaires rédigés sur les réseaux sociaux, lesquels sont habituellement propriété d’une compagnie privée?», sont parmi les interrogations formulées dans le jugement d’une quarantaine de pages, rendu public à la fin octobre.

Dans le cas présent, la page du contrevenant était accessible en «quelques clics et sans restriction». Ce dernier avait choisi de la rendre publique à tous. Si cela n’avait pas été le cas, les policiers auraient eu de la difficulté à avoir accès au contenu. Des droits individuels de confidentialité auraient pu être brisés pour obtenir la preuve.

Jurisprudence

Estimant que «toute personne est responsable de ses propos et doit en assumer les conséquences», le juge a condamné Julien-Carl Beauchamp.

Ce jugement pourrait servir d’exemple pour des causes à venir. Pierre-Armand Tremblay note toutefois que «chaque cas doit être étudié au mérite et il revient aux tribunaux de décider si les propos d’un individu sont de la nature d’une injure, d’une boutade ou d’une opinion.»

«La preuve doit cependant démontrer hors de tout doute raisonnable qu’une injure a été portée à l’une des personnes protégées par l’article 6», conclut-il.