Une carapace dans le gravier

Cette tortue serpentine a été aperçue pondant dans la rocaille sur la piste cyclable de la rue Fonrouge, à Chambly. Le lieu peut sembler inusité pour assurer sa reproduction.

« Malheureusement, c’est fréquent. Le gravier fin sur le bord de la route reproduit parfaitement les conditions pour qu’elle ponde. Ce n’est pas naturel. Ce sont des habitats artificiels créés par l’humain. Les tortues réagissent à ce genre de matériel. Instinctivement, elles y pondent. Ça leur sert de trappe écologique. Par contre, cela les expose aux dangers de la route », explique Francisco Retamal Diaz, coordonnateur de projets à Conservation de la nature Canada. Il est également répondant de la plateforme Carapace.ca. Celle-ci vise à documenter la mortalité routière de tortue à travers le Québec. Les signalements proviennent d’observateurs de façon bénévole. L’information recueillie permet de prévoir des aménagements et des mesures pour protéger les populations de tortues.

Quand M. Retamal Diaz parle de dangers de la route, il fait référence à plusieurs éléments. « Les tortues risquent de se faire écraser en traversant. Aussi, la route apporte son lot de ratons laveurs et de moufettes, qui sont ses prédateurs directs », fait-il part.

Durant sa saison active, c’est-à-dire de mai à octobre, la tortue se déplace pour diverses raisons : chercher de la nourriture, changer d’habitat, trouver un partenaire pour s’accoupler ou afin de pondre des œufs. Pour pondre, elle quittera son habitat aquatique et migrera, parfois sur des kilomètres, vers un lieu s’apparentant à une sablière. Elle cherchera des conditions optimales établies selon le compactage du sol et la quantité de soleil. Une fois le lieu choisi, elle aura tendance à y retourner chaque année. C’est lors de ces déplacements, fragmentés par la route, qu’elle se met à risque. « Si une route est construite entre l’habitat estival et l’habitat de ponte de la tortue, pour lequel elle est programmée, cela met une pression sur ces populations de tortues. À l’automne, quand les tortues juvéniles émergeront pour se diriger vers un milieu aquatique, leurs chances de survie sont minimes », réitère le coordonnateur en chiffrant qu’en moyenne, sur une ponte de cent œufs, seulement deux vivront un succès d’éclosion, au Québec. De ce fait, la tortue est devenue un animal mentionné lorsque l’on parle de conservation des espèces.

Carapace.ca

Officiellement lancé en 2016 en Outaouais et dans l’ensemble du Québec l’année suivante, le site Web Carapace.ca permet de cibler les secteurs où la mortalité routière des tortues est élevée en faisant appel aux personnes vivant à proximité des milieux de vie de ces reptiles. Pour participer, il suffit de prendre en photo la tortue, de noter l’endroit où elle se trouve, qu’elle soit en bonne santé, blessée ou morte, et de remplir une courte fiche de signalement à carapace.ca.

Cinq espèces de tortues présentes dans la province sont désignées comme menacées ou vulnérables en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (LEMV) du gouvernement du Québec : la tortue des bois, la tortue géographique, la tortue molle à épines, la tortue mouchetée et la tortue musquée.

Participation citoyenne et science

Depuis son lancement, Carapace.ca a permis de signaler plus de 4 000 tortues et d’identifier 70 tronçons routiers dangereux à l’échelle du Québec. En transmettant ces données à ses partenaires œuvrant au rétablissement de la tortue, Conservation de la nature Canada (CNC) contribue à poser des actions concrètes pour réduire leur mortalité et à protéger les espèces menacées ou vulnérables.

Pour recueillir ces données, l’organisme a bénéficié de l’aide de plus de 2 500 observateurs. L’apport de ces biologistes en herbe joue un rôle essentiel dans la réalisation de ce projet, car sans eux, il serait impossible pour CNC de déployer les ressources humaines nécessaires pour récolter suffisamment de données.

Carapace.ca en chiffres

4 218 observations de tortues
2 555 observateurs
404 observations de tortues mortes ou blessées
70 points chauds de mortalité routière identifiés dont :
33 en Outaouais
13 dans les Laurentides
12 en Montérégie