Lait de chèvre : un producteur en colère

Bernard Petit, un producteur de lait de chèvre s’attend à ce que Agropur revienne sur sa décision de ne plus acheter les 140 000 litres qu’il lui vend chaque année.
Le 1 novembre devait être la date de la reconduction de l’entente conclue entre cet agriculteur de Sainte-Angèle-de-Monnoir et Agropur. Or, il y a quelques semaines, les entreprises Liberté, Saputo et Agropur n’entendaient pas renouveler leur engagement envers des producteurs de lait de chèvre au Québec. Récemment, toutefois, Liberté et Saputo sont revenues sur leur décision, mais pas la coopérative Agropur qui, elle, possède une seule usine de production de lait de chèvre.
« Notre décision prise en septembre émane de la fermeture de notre usine de Saint-Damase », commente Diane Jubinville, porte-parole d’Agropur qui ajoute que les pourparlers se poursuivent avec le Syndicat des producteurs de lait de chèvre.

« C’est ça le fond du problème qui me fout en pétard. » – Bernard Petit

Diane Jubinville précise en outre que la fermeture prévue en avril de l’usine est définitive.

Un producteur en colère

Bernard Petit possède une ferme d’environ 600 chèvres, dont 350 destinées à la traite. Il produit plus de 200 000 litres, dont 140 000 pour Agropur. Il était visiblement en colère quand le Journal l’a rencontré chez lui. « Ça fait plus longtemps que ça traîne, t’es une coopérative du Québec, un fleuron et puis t’es assez effrontée pour dire à tes propres producteurs : “moi je ne respecte pas les règles; je ferme ma boutique“. C’est ça le fond du problème qui me fout en pétard. »
En entrevue, Christian Dubé, président des Producteurs de lait de chèvre du Québec, croit que le surplus de lait de chèvre en Ontario et le bas prix auraient joué dans la décision alors prise de ne pas reconduire l’engagement. « Agropur a fermé son usine de production de fromage de Saint-Damase et elle est peut-être en conflit avec ses employés », ajoute le président qui précise que presque la moitié des producteurs de lait de chèvre approvisionnent Agropur.
Christian Dubé indique par ailleurs que les négociations se poursuivent avec Agropur et qu’elles risquent de prendre plus de temps. Il dit souhaiter que la pression médiatique et celle du consommateur qui auraient amené Saputo et Liberté à revenir sur leur décision puissent aussi avoir un effet sur Agropur. « La notoriété de la marque » demeure importante, a-t-il poursuivi.

Un fromage de plus en plus populaire

Bernard Petit ne croit pas que le fromage de chèvre ne gagne pas de l’estime chez les consommateurs. « Le fromage de chèvre est le seul qui a une pareille augmentation toutes les années. Les entreprises d’une certaine envergure l’exportent partout au Québec et même jusqu’à Vancouver. Peut-être qu’au Québec, certains diront que ça stagne; d’autres diront qu’elle n’augmente pas nécessairement beaucoup, mais elle évolue pour deux raisons : les gens ont de plus en plus le goût d’en consommer et le produit est très apprécié au niveau qu’il est. Par comparaison, le premier vin québécois – je ne sais pas – par politesse on nous encourageait, à l’acheter; aujourd’hui, on gagne des prix. Le meilleur fromage de chèvre au monde c’est Saputo qui a gagné une fois le premier prix avec un fromage de Portneuf. »

Un marché en transformation ?

Le producteur de Sainte-Angèle est critique à l’endroit d’Agropur, car, avance-t-il, la coopérative « a obtenu le plus gros volume de quotas pour les produits laitiers d’importation. Ils sont allés s’asseoir avec les gens en France entre autres pour amener un produit à un prix dompé par la communauté européenne. » Et d’ajouter : « ici les prix sont conventionnés pour deux raisons : pour que les entreprises restent en affaires et pour que les transformateurs fassent des profits ».
Bernard Petit est originaire de Belgique, mais installé au Québec depuis environ 40 ans. « Ma situation est moins florissante. Ici, j’ai encore d’autres enfants. T’as-tu le goût de continuer dans cette patente semblable ? », se demande-t-il en insistant sur les difficultés de produire aujourd’hui au Québec.