Un premier pas du gouvernement pour le patrimoine

Les ministres Nathalie Roy et Andrée Laforest posent un geste inédit pour la protection du patrimoine et octroient 30 millions de dollars pour aider les citoyens, les villes et les MRC.

L’annonce est tombée aujourd’hui lors de l’Assemblée annuelle des MRC de la Fédération québécoise des municipalités qui se tenait les 4 et 5 décembre à l’Hôtel Château Laurier, à Québec.

C’est l’endroit qu’ont choisi la ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, et la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, pour annoncer que le gouvernement du Québec met en œuvre « un nouveau programme d’aide financière de 30 millions qui outillera les citoyens, les villes et les MRC afin d’améliorer la connaissance, la mise en valeur, la protection et la transmission du patrimoine immobilier dans les régions du Québec », peut-on lire dans un communiqué de la ministre, députée de Montarville.

Alors que les citoyens et les villes réclamaient depuis longtemps qu’on les épaule dans les démarches coûteuses et complexes de restauration du patrimoine bâti, les ministres proposent un programme en trois volets qui viendra combler le vide existant en matière d’expertises et de subventions.

« Je pose la première pierre d’un important programme en patrimoine et il y en aura d’autres. » – Nathalie Roy

Embauche d’agents de développement

Autre nouveauté importante : le programme prévoit l’embauche d’agents de développement en patrimoine immobilier dont le salaire sera subventionné à 50 %, pour une période pouvant s’échelonner sur trois ans, par le ministère de la Culture et des Communications et le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation. Ces agents veilleront entre autres à ce qu’un inventaire centralisé du patrimoine bâti soit dûment constitué au Québec.

Les sommes consenties pourront atteindre 60 millions sur trois ans pour préserver et restaurer le patrimoine immobilier et seront réparties à portions égales entre les municipalités et le gouvernement du Québec. Des 30 millions versés par Québec, 24 millions proviendront du ministère de la Culture et des Communications et 6 millions du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.

En priorisant ainsi la sauvegarde de maisons et d’immeubles patrimoniaux dans les villes et les villages, le gouvernement veut mobiliser l’ensemble des citoyens à la conservation du patrimoine, contribuant ainsi à l’embellissement du Québec.

À Chambly

Tout le monde a encore en mémoire, lorsqu’on parle de patrimoine, la destruction de la maison Boileau à Chambly. « Ce qui est intéressant dans cette nouvelle mesure, c’est que le travail se fera avec les MRC et les municipalités. D’autre part, de l’argent dans le patrimoine c’est toujours bienvenu », indique au journal la mairesse de Chambly, Alexandra Labbé.

Elle rappelle que sa Ville est déjà bien avancée dans la sauvegarde du patrimoine depuis son élection en juin, à la suite du départ du maire Denis Lavoie. « Nous avons parlé pour la première fois au sein de la MRC d’une politique du patrimoine lors de notre dernière rencontre. La CMM s’y intéresse aussi. Quant à Chambly, nous avons déjà fait le travail de réaliser un inventaire patrimoniale de la Ville. » Cette mesure ne vient cependant pas régler tous les problèmes pour la sauvegarde du patrimoine. « Les inquiétudes sont toujours les mêmes. Une municipalité est maître chez elle, c’est un gouvernement de proximité. Si elle ne juge pas nécessaire de sauver un bâtiment qui n’est pas protégé par la loi, elle peut le faire. » À l’inverse, les Villes avaient également le pouvoir de sauver son patrimoine avant cette mesure. « La maison Boileau aurait du être reconnue par la municipalité. À l’époque, elle avait tout ce qu’il faut en main. C’était un manque claire de courage politique. »

« Une très bonne nouvelle »

Mme Roy est fière de cette annonce : « Le patrimoine culturel immobilier est une ressource fragile et non renouvelable dont il faut prendre soin. Notre gouvernement assume aujourd’hui le rôle important qu’il doit jouer pour en assurer la préservation et la restauration. Par ce programme, nous souhaitons renforcer notre soutien aux citoyens et au milieu municipal, et mieux les outiller afin qu’ils interviennent pour protéger le patrimoine de proximité. »

Suzanne Roy, présidente intérimaire de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et mairesse de Sainte-Julie, était aux côtés des ministres au moment de l’annonce. Elle a précisé au journal qu’elle tenait à féliciter l’initiative du gouvernement. « C’est une très bonne nouvelle et c’est un premier pas essentiel pour la préservation du patrimoine au Québec. Ce programme pourrait s’afficher dans la durée; c’est sûrement le succès de cette mesure qui en déterminera la longévité. »

En entretien avec Les Versants, la ministre et députée Nathalie Roy a indiqué que cette annonce ne constituait qu’une première mesure parmi d’autres à venir : « Je pose la première pierre d’un important programme en patrimoine et il y en aura d’autres. Pour faire une éventuelle modification de la loi, il faut attendre le travail de la vérificatrice générale qui enquête au ministère de la Culture et des Communications depuis février dernier. Elle regarde la loi qui est entrée en vigueur en 2012 sur le patrimoine. J’ai bien hâte de lire ses recommandations pour faire les modifications de la loi, s’il y a lieu. Elle a mon entière collaboration. On appliquera ses recommandations, car il y a lieu d’améliorer les choses pour les citoyens et pour les municipalités afin que tout le monde puisse s’y retrouver, parce qu’aujourd’hui, c’est un beau gros mélange. Cette mesure vient remplir un manque, répondre à des lacunes, des besoins qui sont exprimés depuis des années par des citoyens, des villes qui manquent de ressources et d’expertises. »

Pour les villes et les citoyens

Pour les propriétaires privés, cette aide pourrait aller de 50 à 70 % du coût des travaux. « Un tiers serait pris en charge par Québec, un tiers par les municipalités qui embarqueront dans le programme et un tiers par les citoyens. C’est une aide plus importante que ce qui existe actuellement. On ne veut plus voir de déficit d’entretien de bâtiments patrimoniaux qui mène, malheureusement, à des histoires d’horreur, précise la ministre. En un an, j’ai pris trois ordonnances de sauvegarde pour empêcher la démolition de maisons patrimoniales. En quatre ans et demi, les libéraux en ont pris trois. J’applique la loi; les mesures coercitives sont dans la loi. Est-ce que ce sont les bonnes? Ça, je vais attendre les conclusions de la vérificatrice générale et je suivrai ses recommandations. De notre côté, nous travaillons déjà à l’amélioration de la loi », avance la ministre.

« Aujourd’hui, il n’y a pas de fichier centralisé au ministère de la Culture; il n’y a pas d’uniformité. On va donc regrouper tout cela et le faire pour les endroits où il manque des inventaires pour avoir un beau portrait de ce qu’on a et de ce qu’on peut protéger. Ça, c’est nouveau. »

Ce programme ne touche ni Montréal ni Québec, car elles ont des ententes particulières. « Donc, cela touche les municipalités, toute la Montérégie, toutes les autres régions à la grandeur du Québec et il faut que les villes embarquent », de conclure la ministre.

À Sainte-Julie, la mairesse de la Municipalité est prête à y adhérer : « Nous nous concentrerons sur le cœur du Vieux-Village, car la Municipalité est assez jeune. Nous avons d’ailleurs déjà travaillé en amont pour établir un guide architectural fin de soutenir notre patrimoine. »

Il est possible de retrouver toutes les modalités du programme à l’adresse suivante sur le site du gouvernement.