Pesticides : un organisme lance l’alerte
L’organisme Victimes des pesticides du Québec alerte les agriculteurs en particulier au sujet de leur exposition régulière aux pesticides. Malgré les précautions, l’association affirme que des maladies graves peuvent paticulièrement se développer dans cette profession.
En 2022, un agriculteur mexicain remportait son procès concernant la reconnaissance de son lymphome non hodgkinien comme lésion professionnelle liée à son exposition à des pesticides alors qu’il avait travaillé en Montérégie de 2012 à 2016. En juin de la même année, un Québécois a vu sa maladie de Parkinson elle aussi reconnue comme maladie professionnelle, à la suite d’une exposition prolongée à des pesticides. D’autres cas ont suivi et, aujourd’hui, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) insiste sur la dangerosité des produits épandus sur les champs.
À l’évocation de la dangerosité des pesticides, plusieurs agriculteurs de Richelieu et Saint-Mathias ont une réaction différente de celle de la CNESST. « C’est assez surprenant. Les victimes ont dû être contaminées par le passé car aujourd’hui, l’ensemble parait vraiment sous contrôle. Nous possédons des appareils permettant de calculer la force du vent, des cabines nous protègent dans les tracteurs et nous devons suivre un cours obligatoire du bon usage des pesticides. En tout cas, nous ne nous sentons pas en danger. »
Ce n’est pas l’avis de Pascal Priori, co-fondateur de Victimes des pesticides du Québec, qui a emboité le pas de Coalition Priorité Cancer lors d’un colloque sur les cancers évitables le 2 février dernier à Montréal. « Le Canada fait partie des pays en retard sur la gestion des pesticides, explique le dirigeant. On compte 431 pesticides interdits dans plusieurs pays mais autorisés ici. Lymphome, myélome, cancer de la prostate ou encore Parkinson sont des maladies auxquelles nous pouvons démontrer un lien suite à l’exposition prolongée aux pesticides. »
Une information contreversée
Pascal Priori pointe la situation des agriculteurs pour justifier les manquements à la préservation de leur santé. « Ils sont très peu informés et c’est un sujet difficile à aborder avec eux. Les agriculteurs sont réputés pour être forts physiquement et ne veulent pas montrer de faiblesse. Pourtant, au moment d’aborder le sujet des pesticides, ils n’ont pas d’information neutre. Leur première source d’information est l’agronome qui travaille pour un pesticide. Avez-vous déjà lu la notice d’un tel produit? C’est pire que celle d’un médicament. Ensuite, l’agriculteur va s’en vouloir s’il pense qu’il s’est mal protégé et déresponsabiliser le fabriquant du pesticide. Mais c’est faux. Ces derniers savent bien qu’ils ne peuvent pas protéger tout le monde adéquatement dans un champs. »
» Il est possible de réduire 30 % des pesticides sans subir une conséquence sur les récoltes. » – Pascal Priori
Le dirigeant de Victimes des pesticides du Québec estime que les agriculteurs ne sont pas en position de force, mais assure que des solutions existent. « Ils sont sous pression en raison de remboursement d’emprunt ou d’obligation de production. On est en train de transformer l’agriculture en un vaste domaine de sous-traitance pour les grandes entreprises. Mais il est possible de réduire 30 % des pesticides sans subir une conséquence sur les récoltes. Certains ont eu le courage de changer de méthode pour aller vers le bio par exemple. »
Pour l’UPA
L’Union des producteurs agricoles (UPA) de Montérégie est sensible à cette problématique. « Les pesticides sont des produits dangereux pour la santé et les producteurs qui les manipulent sont ceux qui encourent les plus grands risques. De nombreuses démarches de sensibilisation ont été réalisées, mais elles doivent se poursuivent afin que tous soient adéquatement protégés. »
L’Ordre des Agronomes du Québec (OAQ) tient à souligner que des efforts sont faits pour sécuriser les pratiques sur les champs. « Tous les produits phytosanitaires comportent un risque pour l’environnement et la santé, explique la présidente Martine Giguère. Par contre, il existe des outils qui mesurent l’indice de risque pour l’environnement (IRE) et l’indice de risque pour la santé (IRS). Ces indices permettent de comparer les pesticides entre eux afin de choisir les produits comportant le moins de risques pour la santé et l’environnement et de comprendre l’incidence de la dose d’un produit sur le risque. C’est pourquoi leur utilisation doit se faire judicieusement. La vente et l’utilisation des produits phytosanitaires devraient être mieux encadrées et être accompagnées d’un diagnostic et d’une recommandation agronomique réalisés par un professionnel soit un agronome. »
Assurer un suivi
Informer les agriculteurs est aussi un combat que mène l’OAQ et Martine Giguère. « Il faut mieux informer les utilisateurs sur les risques associés à leur application et manipulation, notamment sur le port d’équipement de protection individuelle. »
Enfin, la présidente insiste sur le fait que l’OAQ souhaite davantage de contrôle concernant la vente et l’utilisation des pesticides. « Actuellement, la majorité des pesticides sont en vente libre. Le Code de gestion des pesticides règlemente cinq molécules, soit des groupes de pesticides distincts. Pour acheter l’une de ces cinq substances, il est nécessaire d’avoir une justification agronomique ainsi qu’une prescription signée par un agronome. Sans cette prescription, l’achat de ces substances est interdit. L’Ordre des agronomes plaide en faveur d’une réglementation plus stricte pour garantir que la vente et l’utilisation de produits phytosanitaires soient précédées d’un diagnostic agronomique, de recommandations et d’un suivi après l’application. »