Syndiquées contre leur gré dans des garderies de Marieville

Des éducatrices dans des garderies privées de Marieville tentent de faire sortir le syndicat de leur milieu, sans succès.

Selon les dires des deux porte-parole des employées, des représentants du syndicat des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce (TUAC) se sont présentés durant une fin de semaine, en 2017, au domicile de chacune d’elles. « On a été prises par surprise parce qu’on n’en avait jamais discuté entre nous. On n’avait jamais eu de consensus pour avoir un syndicat », affirme Jessica Sabourin, éducatrice à l’enfance depuis sept ans à la garderie L’Angelus.

Elle ajoute avoir senti une pression des représentants pour signer la carte d’adhésion. « On nous a dit de signer parce que nos collègues avaient signé. Ils n’acceptaient pas un non », soutient-elle. Même son de cloche de Cynthia Dupont, éducatrice spécialisée à la même garderie depuis plus de trois ans, qui n’a finalement pas signé la carte. Mme Sabourin a demandé quelques jours plus tard une annulation, mais il était déjà trop tard. « On a été naïves », avoue-t-elle candidement.

Les deux employées se demandent pourquoi elles ont été approchées par le syndicat. « On n’a jamais su d’où c’était parti. Ça s’est fait par en dessous », mentionne Mme Sabourin. « On ne connaît pas le résultat du pourcentage de qui en veut », déplore Mme Dupont. Depuis, les employées ont changé et peu seraient en faveur d’être syndiquées. « Pourquoi s’acharner quand les gens n’en veulent pas? », se questionnent les porte-parole.

Selon la responsable des communications de TUAC, Roxane Larouche, si un processus a été enclenché, c’est qu’une demande a été faite. Ensuite, une majorité d’employées doivent signer la carte d’accréditation. Une enquête est par la suite menée par le ministère du Travail afin de s’assurer qu’elles ont été signées librement. Si la majorité du groupe le veut, elle l’emporte. « C’est dans la loi, souligne-t-elle. Quand un groupe décide de se syndiquer, c’est rare que c’est parce que ça va bien. »

« Pourquoi s’acharner quand les gens n’en veulent pas? » – Cynthia Dupont et Jessica Sabourin

Une des particularités de ces garderies, L’angelus et L’Ange Rumiel, c’est que la première est privée subventionnée, donc obtient du financement du gouvernement, et la seconde est privée, donc ne se finance que par la contribution des parents. Les conditions des employées ne sont donc pas les mêmes puisque les budgets diffèrent. « Il y a deux classes d’employées, ce qui crée une différence au niveau du traitement », souligne Mme Larouche.

Convention collective

L’accréditation a été acceptée en octobre 2018. « C’est là qu’on a commencé à payer notre 5 $ par semaine », indique Mme Dupont. Elle spécifie qu’entre leur premier contact avec le syndicat (en septembre 2017) et l’accréditation, elles ont fait des démarches pour ne pas être syndiquées. « On s’est rendu compte qu’on s’était fait avoir », dit-elle.

Une assemblée a suivi en novembre où deux personnes ont été élues pour les représenter dans l’élaboration de la convention collective. Une décision qui, selon les dires des porte-parole, ne plaisait pas aux représentants syndicaux.

« Si l’on n’avait pas de convention collective dans l’année qui suivait, on pouvait enlever l’accréditation », indique Mme Dupont. Une première ébauche de la convention leur a été présentée en juin. Quelques jours suivant la proposition, elle était déposée sur le bureau des employeurs. « On n’avait même pas donné notre avis. On a encore été naïves. On aurait pu demander à voir », soutient Mme Sabourin. Elle ajoute que leur collègue qui siégeait au comité a quitté son emploi. Elle a été remplacée sans que les employées aient leur mot à dire.

Selon la porte-parole de la TUAC, les démarches sont longues parce que « les employeurs multiplient les démarches légales pour qu’il n’y ait pas de syndicat ».

« Si les parties n’arrivent pas à s’entendre, elles peuvent demander à un conciliateur pour ramener à des positions équitables. Si ça ne fonctionne pas, le ministère du Travail peut imposer un arbitre qui va imposer la convention », explique-t-elle.

Ensuite, la convention sera effective pour deux ans. Au terme de ce délai, les employées pourront faire une demande de révocation en signant majoritairement la carte de démission.

Arbitre

Un arbitre a été nommé dans ce dossier en octobre 2019, juste avant la date d’échéance d’un an suivant l’accréditation et le délai pour révoquer l’accréditation. Les employées ont tout de même déposé une demande de révocation à la date où elles avaient le droit. Cependant, puisque le dossier est maintenant en arbitrage, tout est arrêté.

« Au moment où il y a arbitrage, tout est gelé. Même le syndicat ne peut pas se désister. C’est le ministère du Travail qui contrôle le dossier », précise Mme Larouche.

Dalia Gesualdi-Fecteau, spécialiste en droit du travail, mentionne que la syndicalisation d’une entreprise est régie par le Code du travail. Tous les employés d’une même entreprise deviennent syndiqués lorsque la majorité est en accord. Le Tribunal administratif du Travail peut tenir un vote s’il a un doute avant d’autoriser l’accréditation. Pour une révocation, la majorité est encore exigée. L’enseignante n’a pas voulu commenter le cas précis. Elle confirme toutefois que dans le cas où un arbitre est dans le dossier une révocation n’est pas possible. Elle le sera entre la 60e et la 90e journée avant la date d’échéance de la convention.

La propriétaire des garderies a préféré ne pas commenter le dossier.