Enfants adoptés : retrouver sa fratrie, le bonheur!

Raymonde Thibeault est aujourd’hui apaisée et sereine. Elle vient de trouver sa demi-sœur et son demi-frère biologiques du côté paternel et s’apprête bientôt à rencontrer son géniteur.
« Je me sentais extrêmement bien, témoigne Mme Thibeault, en entrevue. Je suis enfant unique, donc de pouvoir dire à 63 ans ‘’ j’ai une sœur et un frère ‘’, c’est une sensation extraordinaire. Ça vient compléter mon histoire parce qu’avec le projet de loi 113, j’ai obtenu des renseignements du côté maternel. »
En juin dernier, Québec a adopté le projet de loi 113, qui permet de révéler l’identité des parents naturels. Ceux-ci ont jusqu’en juin 2019 pour accepter ou refuser de révéler leur identité. Et s’ils décèdent, leur identité sera dévoilée seulement un an après.
Cette ouverture a amené Mme Thibeault à repérer ses cousins et ses cousines et leurs enfants, qui lui ont parlé de sa mère. « Ils m’ont montré des photos; m’ont parlé de sa personnalité. J’ai beaucoup d’informations, mais je ne sais pas comment elle a rencontré mon père », s’interroge encore la résidante de Chambly.

« Ça ne s’explique pas, c’est viscéral »

Le 25 décembre 1955, le Contrat d’adoption pratique, alors en vogue à l’époque, confirmait que Raymonde Thibeault sera alors adoptée par un couple. « J’avais cinq semaines et le nom de ma mère biologique était fictif. C’étaient les religieuses qui étaient infirmières dans les hôpitaux. »
En 1993, elle a entrepris des recherches et avec l’aide d’une travailleuse sociale, Mme Thibeault a pu retracer sa mère biologique. « Elle a refusé en disant : “Mon mari n’est pas au courant, ce n’est pas lui le père” », relatait alors la dame dans un article publié le 17 décembre 2018 par la Presse canadienne.

« Je suis enfant unique, donc de pouvoir dire à 63 ans ‘’ j’ai une sœur et un frère ‘’, c’est une sensation extraordinaire. » – Raymonde Thibeault

Mme Thibeault a utilisé par la suite la version anglaise de ce papier paru une semaine plus tôt pour l’envoyer à une dame qui s’occupe aux États-Unis du site Facebook The DNA detectives. Celui-ci a repéré des pistes menant à une adresse courriel d’une personne avec qui Mme Thibeault partage un bon nombre de cM (le centimorgan, de symbole cM, est une unité mesurant le lien entre deux gènes de l’ADN).
« Je lui avais écrit à trois reprises, mais il n’y a pas eu de réponse. La dame du DNA detectives me conseille : “Réécris.” » Des problèmes ont fait que le message ne s’était pas rendu. Finalement, une autre tentative a eu du succès. « Avec le nombre de cM qu’on partageait, observe Mme Thibeault, le lien est très vrai, soit ma demi-sœur, soit la fille de mon demi-frère ou demi-sœur. »
Et c’est ainsi, du côté paternel, que Mme Thibeault a pu rencontrer sa demi-sœur et son demi-frère qui, par un heureux hasard, avaient déjà passé le test de l’ADN. « Des gens extraordinaires qui m’ont accueillie. La complicité était là dès le début. »
Pour Mme Thibeault « le puzzle est complet », car en juillet dernier, elle a eu un appel pour l’informer de l’identité de sa mère. « Le matin que j’ai eu le téléphone annonçant le nom de ma mère, c’est comme une brume qui se levait. C’était extraordinaire », se réjouit la Chamblyenne pour qui la recherche de son identité s’apparente comme dira Caroline Fortin, directrice du Mouvement retrouvailles, l’organisme ayant soutenu la quête de Mme Thibeault, « ça ne s’explique pas, c’est viscéral ».

Le chemin de Damas

Il a donc fallu attendre la mort de sa mère biologique pour qu’enfin Mme Thibeault puisse mettre le dernier morceau du puzzle, mais encore… Il lui reste, de fait, des interrogations : « Du côté maternel, on sait que je n’étais pas le premier accouchement. Est-ce qu’il y en a eu un, deux, trois avant moi? On ne le sait pas. Est-ce que cet enfant-là a vécu? Est-ce un homme? Une femme? Est-ce qu’il sait qu’il est adopté? S’il est adopté, est-ce qu’il souhaite retrouver ses racines? »
Des questionnements que pourraient aussi se poser des milliers de Québécois qui sont à la recherche de leurs parents biologiques.
Mme Thibeault accueille bien la loi, mais juge qu’il reste encore beaucoup à faire. « Tout l’accent est mis sur la confidentialité du côté des mères. On leur dit : “ Vous pouvez vous cacher, taire votre identité, alors qu’on est en 2019. Les parents avaient peur d’être jugés, mais les enfants répondent : “On aurait compris.’’ »
Elle tient à lancer un message aux femmes ayant été obligées à l’époque d’abandonner leurs enfants : « N’ayez pas peur, la catastrophe annoncée n’aura pas lieu, c’est tout simplement du bonheur qui vous attend. »
Elle souhaite que Québec mette davantage de ressources pour aider les orphelins à retrouver leurs parents naturels.
Mme Thibeault présentera le 13 mars à la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly, dont elle est membre, une conférence intitulée : Origines biologiques. L’essor de nouveaux outils.