Refus de vendre pour construire la nouvelle école secondaire de Richelieu
Gayle Ellis et sa famille ont grandi sur la terre dont une partie servirait à accueillir la nouvelle école secondaire de Richelieu. Avec le spectre de devoir en vendre une portion qui plane au-dessus d’elle, la famille laisserait derrière, le cas échéant, des décennies d’histoire.
Il y a 35 ans, son mari et elle ont construit leur maison sur une partie de la terre que lui a donnée son père. C’est avec surprise que Mme Ellis a reçu, en septembre, l’appel d’une courtière immobilière du groupe Sutton. Celle-ci est mandatée par la Ville dans le cadre du rachat de certaines propriétés environnantes au lieu choisi pour construire la nouvelle école. Elle a ensuite envoyé un courriel à Mme Ellis, le 16 octobre. La courtière y demande notamment à combien Mme Ellis estimerait la vente de ses 14 lots. Un document concernant le dépôt du Projet de loi relié à l’expropriation, déposé par Québec, accompagne également le message. « J’ai senti que l’on me pressait. Que la Ville pourrait m’exproprier en raison du Projet de loi concernant l’expropriation », relate la Richeloise.
La Ville mentionne que le document a été transmis uniquement à titre informatif. Lors d’une rencontre tenue le 23 novembre à l’hôtel de ville avec la représentante de Mme Ellis, sa fille, la présence de ce document a été mentionnée. « Nous avons, dès l’instant, tenu à mentionner qu’aucune expropriation n’était envisagée. Il n’y a aucune propriété visée par un processus d’expropriation dans ce dossier. Toutes nos démarches visent à faire l’acquisition de gré à gré de l’ensemble des propriétés concernées », assure la Ville.
Mme Ellis n’a pas répondu aux derniers messages de la courtière mandatée par la Ville. « Les discussions sont en arrêt », statue la Ville dans ce dossier.
Si la Ville de Richelieu se bute à un refus de vendre de la part de Mme Ellis, la Municipalité avance qu’elle en avisera le Centre de services scolaire des Hautes-Rivières afin de « faire évoluer le dossier » par rapport à la situation.
« On me vole mon héritage, mon enfance. » – Gayle Ellis
Déménager malgré elle
Mme Ellis est catégorique. La construction de l’école dans sa cour arrière l’amènerait à déménager. « On me vole mon héritage, mon enfance. On me dit » Allez vous faire voir, madame! ». Ça me brise le cœur de voir des gens prendre ce qui ne leur appartient pas. C’est le retour au Far West », évoque-t-elle, les larmes aux yeux. Elle ajoute que, désormais, son quotidien est imbibé de stress. « Chaque jour, je me réveille en me demandant quand je recevrai la lettre me disant que mon terrain leur appartient maintenant. »
Pour l’instant, elle n’a pas réfléchi où son mari et elle déménageraient devant l’éventualité du fait accompli. « Qui aurait cru en toutes ces années que j’aurais à déménager? Nous traverserons le pont quand on sera rendus à la rivière », se résigne la septuagénaire.
Gayle Ellis est propriétaire des 14 lots avec deux de ses frères. « L’un de mes frères veut que l’on se batte. J’ai répondu que nous allions gaspiller notre argent, car tu ne gagnes jamais contre la Ville. Tu paies des taxes, mais rien ne t’appartient », souffle-t-elle.
Emprunter pour racheter
En juin dernier, la Ville de Richelieu a voté un règlement d’emprunt de 2 107 000 $ pour l’acquisition de propriétés permettant de construire l’école. Jusqu’à maintenant, la Ville a racheté le 2076, chemin des Patriotes à 600 000 $ et le 2080, chemin des Patriotes à 443 000 $. La Ville rapporte qu’une troisième transaction devrait également se conclure prochainement.
Protection du territoire agricole
Le 5 septembre dernier, en séance du conseil, la Ville de Richelieu a appuyé la demande d’exclusion présentée par la MRC de Rouville à la Commission de la protection du territoire agricole du Québec pour construire l’école.
La Ville explique cet appui car « la capacité d’accueil des écoles secondaires sur le territoire du Centre de services scolaire des Hautes-Rivières est désormais saturée ». La Municipalité justifie « qu’il est aussi de plus en plus difficile, dans le contexte de croissance accélérée de notre région, de retrouver un territoire propice à la construction d’une nouvelle école secondaire ».
Mme Ellis propose un autre lieu, dont elle est propriétaire, pour construire l’école à Richelieu. Ce sont des lots près du parc Bruno-Roy. C’est un espace qu’avait perdu son père à la suite d’une expropriation. Elle l’a récupéré à la suite du décès de celui-ci, devant la cour. « Il a été déterminé que l’espace actuellement prévu dans le cadre de ce projet ne pouvait tout simplement pas être substitué », répond de son côté la Ville.