Sport élite au Québec

Pas d’argent, pas de talent

La Chamblyenne Hélène Forgues, mère de la patineuse artistique Mia Clarke, parle du haut financement nécessaire au développement des athlètes élites et des effets sur les finances des familles.

C’est environ 30 000 $ annuellement que coûte Mia Clarke pour se réaliser dans son sport. Son frère joue quant à lui au hockey au niveau collégial.

Assez tôt dans son parcours de sportive, Mia Clarke est identifiée avec un potentiel supérieur à la moyenne. Au Isatis Sport, la passion de Mia, jumelée à ses qualités athlétiques, se confirment rapidement.

Toutefois, l’ambition d’aller plus loin et de se dépasser est associée à un coût. L’arrivée de Mia au niveau juvénile marque un tournant important en matière d’investissement en ce qui a trait aux robes, aux programmes, aux compétitions et aux patins. « On voit tout cela comme un investissement car tout ce que Mia apprend, ça la suivra dans sa vie adulte, peu importe son choix de carrière. On est contents d’investir dans son sport parce que les intervenants qu’elle a et les événements qu’elle vit sont très formateurs », rappelle Mme Forgues.

Mia passe ensuite à la catégorie pré-novice. « Ça aussi c’est une grosse coche parce que tu tombes sur le circuit canadien. Si tu es sur l’équipe du Québec et que tu es invitée dans des camps, ça monte », affirme la mère chamblyenne. À ce stade, il en coûte de 800 $ à 2 000 $ par robe. Par chance, à ce niveau, ce n’est encore qu’un seul programme, donc qu’une seule robe. Mia Clarke a gravi les échelons et rejoint le niveau senior. Ses patins se détaillent approximativement à 2 000 $. « C’est rendu que tu fais des triples sauts. Tes bottines cassent plus vite donc tu les changes plus souvent », soulève Mme Forgues.

Aide financière

À force de représentations, Hélène Forgues a parfois eu l’aide de commanditaires. Elle est représentante pour World Financial Group (WFG). La compagnie a comme préoccupation les finances des familles de classe moyenne et offre des stratégies pour atteindre ses objectifs financiers. Une personne du groupe a accepté de commanditer Mia l’an dernier. « Ça a fait une grosse différence », convient Mme Forgues.

Selon les divers sauts qu’effectue Mia Clarke avant un certain âge dans le cadre de compétitions officielles, une somme d’argent peut lui être remise par Patinage Québec. « Elle (Mia) a sa grille dans sa chambre et elle la regarde le matin en évaluant combien elle peut recevoir d’argent selon le saut. Plus tu les fais jeunes, meilleur est le montant », explique Mme Forgues. Un premier triple loop atterri en compétition officielle donne 500 $ s’il est effectué avant 11 ans relativement à 300 $ s’il est fait avant 16 ans.

Étant donné qu’elle est dans une catégorie élite, identifiée par sa fédération, un crédit d’impôt est également accordé à Mia. Un retour d’environ 2 000 $ lui a été alloué.

Coûts d’autobus

L’entrée en Sports-études à l’école secondaire De Mortagne de Mia fait en sorte que la famille demeurant alors à Saint-Jean-sur-Richelieu déménage à Chambly. « Il n’y avait pas de transport de Saint-Jean à Boucherville. Il aurait fallu que je lâche ma job pour aller la mener le matin et la ramener le soir. Je ne peux pas faire ça », se résigne la mère de famille.

Pour se rendre quotidiennement pendant l’année scolaire de l’école De Mortagne à Isatis, la facture s’élève à 2 500 $ par athlète. « J’ai dit que c’est insane. On se fait avoir. Ça n’a pas d’allure », en conclut Hélène Forgues.

Un choix à faire

Hélène Forgues le mentionne, le père de Mia Clarke fait « un gros salaire », ce qui n’est pas le cas de toutes les familles. « Les autres familles ont un choix à faire. Un enfant va le faire, l’autre ne le fera pas. À moins qu’un grand-parent paie ou que tu réhypothèques ta maison », établit-elle. 

Elle le dit ouvertement, pour atteindre l’étape supérieure dans le sport, au Québec, « il faut que tu aies de l’argent. C’est un problème ». La Chamblyenne est impliquée auprès de l’école de patinage que fréquente sa fille, l’Académie Performance Isatis (API). « Je leur ai dit que j’aimerais qu’on prévoit aller chercher les meilleurs, pas les plus riches. C’est très tabou les frais liés au patin », résume Mme Forgues. Dans sa vision, elle aimerait faire entrer une compagnie comme WFG dans le club. « Tu fais rentrer une espèce de conseiller financier dans la place qui est capable de s’asseoir avec les parents. Il pourrait être utile auprès des familles d’athlète pour planifier ses dépenses dès le moment où l’athlète est identifié élite », juge-t-elle.

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Hélène Forgues est désormais engagée en matière de financement au sein du club de patinage d’Isatis. Elle a dernièrement mis sur pied un tournoi de golf en ce sens. Elle a amassé près de 15 000 $ qui seront redistribués intégralement aux patineurs qui ont participé à la levée de fonds. « C’est remis proportionnellement aux parents selon ce qu’ils trouvaient comme joueurs, comme commandites, comme prix de présence », assure-t-elle. La mère de Mia Clarke souligne avoir des échanges constructifs sur les enjeux financiers avec l’entraîneur de l’API, Marc-André Craig. « Les défis financiers sont grands mais pas insurmontables. On développe des outils et on trouve des façons de relever ces défis », tient à préciser Hélène Forgues.

La place du gouvernement

Le gouvernement du Québec est fier quand un athlète de la nation remporte une médaille sur la scène internationale. Mais combien a-t-il investi sur celui-ci? « Rien, dit sans hésitation Hélène Forgues. On a de la misère à avoir des médecins, des infirmières et des enseignants. Qui va brailler pour une athlète qui ne reçoit pas ou peu de financement? Avec raison, les défis entourant l’éducation et le système de santé sont criants et doivent avoir priorité », nuance-t-elle en terminant.