Oui… mais non

Depuis quelque temps, une nouvelle vague de dénonciation de gestes déplacés à caractère sexuel déferle sur les réseaux sociaux. Un mouvement qui peut comporter certains bénéfices, mais aussi des limites.

Le Québec a connu en 2014 la vague #agressionnondenoncée. Ensuite, en 2017, la vague #metoo ou #moiaussi s’est déployée un peu partout sur la planète. Cette fois-ci, les dénonciations se font beaucoup sur Instagram et Facebook. Dans cette dernière vague, plusieurs personnes du milieu artistique ont été visées.

Hélène Langevin, directrice de la Maison Simonne-Monet-Chartrand (MSMC), à Chambly, qui héberge des femmes violentées, et Julie Tremblay, intervenante psychosociale au Centre de femmes Ainsi-soit-elle, aussi à Chambly, estiment que c’est une bonne chose que des personnes s’ouvrent afin de dénoncer des gestes dont elles ont été victimes, mais se questionnent sur la manière.

« Je ne condamnerai pas une victime qui dénonce son agresseur sur les réseaux sociaux quand elle sent que c’est sa seule porte de sortie d’un événement traumatique. Est-ce la bonne façon? Pas nécessairement », souligne Mme Tremblay. Elle précise également que si les victimes souhaitent un processus légal, ce n’est pas sur les réseaux sociaux qu’elles l’obtiendront.

« Je ne peux qu’être en accord avec ces dénonciations. Dans cette foulée, j’ai une réserve sur l’utilisation des réseaux sociaux, surtout si c’est fait sur un coup de tête », indique Mme Langevin.

De plus, l’utilisation des réseaux sociaux pour dénoncer peut être un couteau à deux tranchants. « Ça peut ouvrir une porte à des poursuites en diffamation », mentionne Mme Langevin. Elle indique aussi qu’une personne qui dénonce doit être prête à recevoir des critiques.

« Si tout le monde reste muet, il n’y aura pas de changements. » – Julie Tremblay

Système de justice

La directrice de la MSMC avance que « le message derrière ce mouvement est que les victimes ne croient plus au système de justice. Elles cherchent une façon de faire réagir et d’avoir un effet immédiat ». Mme Langevin pense que le système doit se remettre en question.

De son côté, Mme Tremblay mentionne que ça prend beaucoup de courage pour « entrer dans un processus judiciaire contre des personnes qui ont de l’argent et tout un réseau qui les soutient », comme c’est le cas pour des personnalités connues.

Lumière

Mmes Langevin et Tremblay croient que ces dénonciations mettent sur la place publique des gestes qui n’auraient jamais dû être posés. « Si tout le monde reste muet, il n’y aura pas de changements. Ça a mis des mots chez des gens sur les différentes formes d’abus et de la lumière sur la culture du viol », soulève Mme Tremblay.

« On dénonce aujourd’hui des gestes qui étaient tolérés il y a quelques années. C’est beau de voir que les femmes n’acceptent plus ça et qu’elles se respectent. Les dénonciations, ça brise le silence », indique Mme Langevin. Elle ajoute que la dénonciation publique permet aussi d’éviter de faire d’autres victimes.

Toutes deux mentionnent que la vague contribue à ce que les victimes se sentent moins seules dans leur situation.
Société et éducation

Pour que les mœurs changent, il faut que la société change aussi, croient les intervenantes. Mme Langevin avance que la banalisation de certains gestes est transmise de génération en génération. « Il faut que chacun fasse sa job de citoyen responsable et dénonce ce qui n’est pas acceptable », dit-elle.

« Socialement, il faut enseigner ce qu’est le respect. Comment on traite l’autre. C’est quoi une relation sexuelle saine et consentante », croit Mme Tremblay, qui a une formation en sexologie.

Toutes les deux estiment qu’une victime ne peut rester seule avec ce qu’elle a vécu et qu’elle doit en parler à une personne en qui elle a confiance ou quelqu’un de spécialisé dans le domaine.

Services

Mme Langevin souligne que les actes doivent être dénoncés à la police, qui pourra ensuite effectuer des démarches et octroyer des conséquences proportionnelles au geste. « Les réseaux sociaux bafouent ça », avance Mme Langevin. Elle indique que des services sont offerts.

Le Barreau duQuébec a publié de l’information à la suite des dénonciations. Il indique que « l’accompagnement et le soutien aux victimes se sont beaucoup améliorés au cours des dernières années, que ce soit auprès d’organismes comme les CALACS, les CAVACS, Juripop ou le DPCP », soulignant également que les services sont parfois gratuits.

Le Barreau du Québec, tout comme Mme Langevin, encourage les victimes d’agression ou de harcèlement à faire appel à ces services afin de bénéficier d’un accompagnement dans le but de déterminer les étapes à franchir, de comprendre tous les enjeux et de connaître les diverses solutions qui s’offrent à elles.