« On n’ose pas la grève »

À l’heure des fêtes de fin d’année, les demandes affluent au Centre d’action bénévole (CAB) de la Seigneurie de Monnoir. Dans ce contexte, la directrice Johanne Audet tire la sonnette d’alarme au sujet de l’épuisement du communautaire.

À l’approche de Noël, le temps est normalement à la réjouissance. Cette année, ce n’est pas le cas pour Johanne Audet, directrice générale du CAB de la Seigneurie de Monnoir, organisme d’aide couvrant les municipalités de Saint-Mathias, Richelieu, Sainte-Angèle-de-Monnoir, Marieville et Rougemont. « Depuis la fin de la COVID, le nombre de dons a considérablement baissé. De mon côté, j’ai enregistré une hausse de 90 % de dépannages alimentaires par rapport à 2022, et de 36 % du nombre de paniers de Noël. On devrait atteindre d’ailleurs les 300 paniers ces prochains jours, un cap déjà atteint sur Chambly/Carignan, mais nos bassins de population sont vraiment différents. »

« J’ai environ 200 000 $ de budget par an pour faire tourner le CAB avec six employés, les charges fixes et la banque alimentaire. » – Johanne Audet

Plus de demandes et moins de dons, Johanne Audet est aussi déçue par l’aide gouvernementale. « Le programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC) nous verse 12 000 $ par an de subvention, c’est nettement insuffisant, assure-t-elle. J’ai environ 200 000 $ de budget par an pour faire tourner le CAB avec six employés, les charges fixes et la banque alimentaire. Le gouvernement nous donne 40 % de notre budget, à nous d’aller chercher les 60 % restants. Les députés ont eu une augmentation récente de 30 %, on aurait été aussi heureux avec 1 % d’augmentation. »

Guignolée, levées de fonds et friperie, le CAB multiplie les activités pour renflouer ses caisses. « Dans ces conditions, tout devient vital, confie la directrice. Si notre friperie La Cabotine disparaît, nous disparaissons aussi, car c’est notre principale source de revenus. »

La grève, comme celle des professionnels de la santé et de l’éducation, Johanne Audet y a pensé mais rejette l’idée. « Cela ne change pas grand-chose à la vie du gouvernement si nous fermons nos portes trois jours. Mais ce serait catastrophique pour les personnes en difficulté que nous devons aider à nourrir ou à se rendre chez le médecin. Si nous faisons la grève, c’est la communauté qui en souffrira. Beaucoup de personnes dans le communautaire sont d’accord avec ça. »

Quel avenir?

Dans ses revendications, la directrice générale en appelle aux pouvoirs publics pour rectifier la situation.

« On demande une augmentation de nos aides financières. Le gouvernement actuel se vante d’être le plus généreux avec les organismes communautaires. Sauf que nous n’avons rien eu pendant dix ans. Les nouveaux membres de notre conseil d’administration découvrent le travail que l’on réalise lorsqu’ils s’assoient à notre table. On est peut-être trop débrouillards, alors le gouvernement doit estimer qu’il n’est pas nécessaire de nous en donner plus. Priver les gens de dons pourrait faire réagir tout le monde, mais lorsqu’on voit les enfants, on donne quand même. »

Chez les aînés, la situation financière se complique au point que le communautaire est sollicité davantage. « Des résidents de centres d’hébergement nous appellent pour notre popote roulante, poursuit Johanne Audet. Ils préfèrent payer 7 $ le repas que 15 $ dans leur centre. De plus, ils profitent d’une visite d’amitié. On constate une augmentation de la pauvreté dans notre secteur, mais aussi une hausse de migrants réfugiés qui débarquent ici sans rien. Il faut les loger, nourrir, meubler et les insérer socialement. J’appréhende énormément 2024. »