L’itinérance frappe à la porte

La froidure se fait entendre. Elle s’approche à grands pas et souffle, aux oreilles rougissantes, sa venue imminente. Le confort d’une chaumière n’est pas un luxe accessible à tous et certains vivront la glaciale période en dormant, non pas sous une rassurante couette de duvet d’oie, mais bien sur la rigidité d’un banc, du béton ou sur un lit de neige. L’itinérance existe partout et Chambly n’en fait pas exception.

« Il y a de l’itinérance à Chambly. Ce qui arrive, c’est qu’on ne la voit pas nécessairement, car elle se cache, avance d’emblée Sandra Bolduc, directrice générale chez POSA/Source des Monts, organisme luttant contre l’exclusion sociale et la pauvreté. L’été, ils peuvent se trouver dans les boisés et lorsque l’hiver arrive, on assiste à une forme de migration vers les grands centres, là où les services sont accrus. »

À Chambly, l’itinérance chronique est plus rare. Bien que difficilement quantifiable, le phénomène de l’itinérance épisodique, connu sous le nom de couch surfing, est plus fréquent.

« Ce sont des gens qui n’ont pas de domicile fixe pendant une période ciblée de leur vie. Ils dorment chez des membres de la famille, chez des amis ou des voisins, dans des garages, partout où ils peuvent squatter. C’est souvent temporaire et ça ne dure qu’un segment de leur vie, au sein de laquelle ils vivent un moment difficile », définit Sandra Bolduc.

Apprivoiser l’itinérance

Samuel est travailleur de rue à Chambly depuis le mois d’avril. Âgé de 25 ans, il côtoie cette misère.

« Je fréquente les parcs et les lieux où ils se tiennent. Je ne peux les approcher de façon brusque. À force de me voir dans leur environnement, ils finissent parfois par venir me parler. Ils me demandent du feu ou je leur offre un petit quelque chose à manger. Je trouve des trucs anodins pour les aborder et lorsque la porte s’ouvre, je leur parle des services qui leur sont offerts, selon leurs besoins », décrit le travailleur de rue.

« Le besoin le plus criant pour les aider à Chambly serait qu’ils aient accès à un service d’hébergement. » – Sandra Bolduc

« Le besoin le plus criant pour les aider à Chambly serait qu’ils aient accès à un service d’hébergement. Si l’on pouvait se faire fournir un, deux ou trois logements style deux et demie, ça ferait toute la différence. Souvent, ils n’en ont besoin que sur une courte période, le temps de vivre une transition », définit Sandra Bolduc, qui précise que l’itinérance et les problèmes de santé mentale sont parfois liés.

Réaction policière

Lorsque l’hiver arrive, les sans domicile fixe se réfugient parfois dans les cafés ouverts toute la nuit ou entre les deux portes d’une institution financière, créant une forme de malaise social.

« Il existe une sorte de tolérance, mais il arrive que les responsables de ces établissements nous contactent quand l’individu dérange, dit le sergent Jean-Luc Tremblay de la Régie intermunicipale de police Richelieu/Saint-Laurent. Ils sont souvent sans papier, alors plutôt que de judiciariser le dossier et alourdir le système en vain, nous travaillons davantage à trouver des solutions avec nos différents partenaires en services sociaux ou à la table de santé mentale. »

Réaction humaine

Croiser l’itinérance sur son chemin provoque et suscite différentes réactions. Certains fuient cette réalité bien existante et préfèrent de ne pas la voir.

« Il y a trois types de réactions. Il y a ceux qui ont de l’empathie et qui veulent poser des gestes pour aider. Il y a ceux que ça dégoûte et qui méprisent ou qui jugent. Enfin, il y a ceux qui vivent de l’incompréhension face à la problématique. Ils sont majoritaires. On ne regarde pas la réalité, on vit un déni, on se dit que si on ne la voit pas, ça n’existe pas », décortique Mme Bolduc.

En ce sens, on ne sait pas toujours comment réagir et comment aider efficacement un sans-abri qui quémande, verre à la main.

« Oui, lui donner 5 $, ça vaut la peine. Ça se peut que ce ne soit pas pour manger. Ça se peut qu’il aille prendre une bière avec vos 5 $ et c’est correct. Par contre, quand on parle de sommes plus substantielles, comme autour de 200 $, l’idéal est de les remettre aux organismes qui sont capables de l’aider et qui ont les outils pour le faire », complète ouvertement la directrice générale de l’organisme communautaire.