Les producteurs laitiers : de l’inquiétude à la résignation

L’inquiétude des agriculteurs manifestée il y a quelques semaines fait place à de la résignation à la suite de l’acceptation du Canada de céder 3,59 % du marché laitier aux producteurs américains.
Yvon Boucher, président des producteurs de lait de la Montérégie parle d’une « grande déception. On est tout près de 4 % à terme et il y a aussi d’autres mesures qu’il faut évaluer et comment ça va nous toucher parce qu’on n’a pas tous les détails ».
Le manque à gagner de la nouvelle mouture de l’entente entre le Canada, les États-Unis et le Mexique s’ajoute à d’autres cessions de 5,2 % exigées dans le cadre de l’Accord de partenariat transpacifique et l’Accord commercial canado-européen. De plus, le défunt ALÉNA obligeait aussi le Canada à importer 3 500 tonnes de beurre par année.
En tout, selon Bruno Letendre, président des producteurs de lait du Québec, « les producteurs produisent du lait tous les jours, donc 9 % de 365 jours, les producteurs ont perdu 27 ou 28 jours de leurs revenus ».
Garder les quotas intacts ?
Le gouvernement fédéral a bien l’intention d’indemniser les agriculteurs comme il l’avait consenti dans le cadre des accords avec l’Asie et l’Europe.
Les contours de cette compensation n’ont pas été encore déterminés. « On comprend que cette entente était nécessaire, observe Yvon Boucher. Par contre si c’est nous qui en payons les frais, globalement tout le monde devrait nous aider à minimiser ces pertes et même à les neutraliser. »
Celui qui est aussi producteur laitier à Saint-Césaire se demande si dans l’ensemble, les nouvelles dispositions avec les Américains sont avantageuses pour le Canada, « il n’y aura personne qui aura honte qu’on nous compense correctement. Nous, on n’a pas à faire les frais d’un manque de discipline de l’autre côté des frontières ».
Comment cette compensation pourrait-elle alors se traduire ? « La façon la plus simple est qu’on ait tous des quotas de production qui déterminent notre droit de produire. 4% c’est un revenu net de x montant qu’on perd », suggère Yvon Boucher qui souhaite que les producteurs soient assurés de recevoir « un chèque année après année, indexé vu que l’entente dure dans le temps ».

« On comprend que cette entente était nécessaire. Par contre si c’est nous qui en payons les frais, globalement tout le monde devrait nous aider à minimiser ces pertes et même à les neutraliser. » – Yvon Boucher

La conclusion du renouvellement de l’entente avec les Américains et les accords commerciaux survenus ces dernières années n’ont pas seulement remis en question les revenus des producteurs laitiers. Ils touchent toute une chaîne d’intervenants : « la gestion de l’offre, c’est ce qui me permet d’être en production laitière puis d’investir, d’avoir un prix garanti, avec un volume de production garantie, expliquait récemment au Journal de Chambly Yvon Boucher. Moi je produis un volume dont le marché a besoin. Le transformateur transforme les bonnes quantités pour qu’il n’ait pas de surplus, pour s’assurer que dans les tablettes, il ne manque jamais de produits, mais aussi pour ne pas créer de surplus non plus. Tout le monde : moi, le transformateur, le distributeur a sa part de profit.»
Or, aujourd’hui, celui-ci s’interroge : « nous, quand on a moins de sous, on dépense moins, si on dépense moins, nos fournisseurs en souffrent ».
Une interrogation qui s’ajoute à de la résignation : « on va essayer maintenant que les dés sont jetés de faire avec, de tirer le meilleur parti possible. On a bien beau être heureux de la situation. Comme ce matin, il pleut. On aimerait bien qu’il fasse soleil, mais on fait avec. »