Lanceur d'alerte congédié : le point de vue d’un producteur

L’Union des producteurs agricoles de Rouville demande au ministre de l’Agriculture André Lamontagne d’intervenir pour que les agronomes puissent « diffuser leur savoir facilement et en toute liberté d’expression dans l’intérêt du citoyen québécois ».
C’est ce qui ressort de la lettre que l’UPA de Rouville a adressée au ministre à la suite du congédiement du lanceur d’alerte, l’agronome Louis Robert, qui avait dénoncé l’ingérence du privé dans la recherche publique sur les pesticides.
« En tant que vice-président (UPA de Rouville), je ne peux pas commenter cette lettre », s’est limité à dire Jean-François Ridel.
M. Ridel est agriculteur à Saint-Césaire. Il est aussi président d’Action Billon, un club qui regroupe des agriculteurs indépendants. Il a accepté de réagir à ce titre. Le 20 janvier, l’organisme a envoyé une lettre au ministre dans laquelle les administrateurs « dénoncent l’importante perte d’expertise, vécue depuis quelques mois, engendrée par le fait que trois agronomes conseillers ont été relevés de leurs fonctions. »
M. Ridel précise toutefois en entrevue que les agronomes Gilles Tremblay et Yves Dion ont retrouvé leur emploi, mais pas Louis Robert. On sait que le ministre a annoncé récemment qu’une enquête au sujet du congédiement sera menée par la Protectrice du citoyen.
Action Billon a déjà reçu des agronomes, dont ceux précités. « Leur grande expertise nous a toujours permis de débattre et d’avancer dans nos pratiques, que l’on soit d’accord avec eux ou pas », écrivent les administrateurs, qui demandent la réintégration de M. Robert et de permettre aux conseillers agronomes du ministère de diffuser leur savoir en toute liberté d’expression.

Marcher sur des œufs

M. Ridel explique que les producteurs font appel à des agronomes qui travaillent auprès du secteur privé et d’autres, qui sont indépendants. « Je travaille avec les deux; on essaie de faire la part des choses. D’un côté, les agronomes liés connaissent très bien leurs produits. Ils ont certaines qualités que les agronomes non liés n’ont pas, mais les non-liés, ils ont d’autres qualités; on sait qu’ils ne sont pas liés », glisse le Césairois.
Invité à réagir à l’inquiétude de « la disparition d’une expertise indépendante » manifestée par l’Association des conseillers en agroenvironnement du Québec à la suite de l’affaire Louis Robert, M. Ridel a livré cette réponse : « Les agronomes liés vont travailler fort pour trouver des techniques mettant en valeur leurs produits; ça, c’est très bien, mais peut-être qu’on n’en a pas toujours tant besoin. C’est le fun d’avoir une autre opinion pour recontextualiser certains aspects ».

« Le Lumivia est celui qui va remplacer les néonics; au lieu d’être mauvais pour les abeilles, il est mauvais pour la vie aquatique et les poissons ». – Jean-François Ridel

M. Ridel fait affaire avec Groupe Conseil de Beloeil, un organisme qui dit « encourager les services-conseils indépendants ». Il cite l’exemple d’un fermier qui doit gérer l’utilisation du fumier. « Il faut avoir un plan environnemental fait par un affilié ou un non-affilié, sauf que les agronomes affiliés n’aiment pas trop le faire, car ils ne font pas beaucoup d’argent avec ça. Dans mon cas, ça ne les intéresse pas, (alors) je fais affaire avec un non-affilié, donc je fais affaire avec les deux en même temps. »
On sait que certains insecticides ont été éliminés. « Sur le plan des insecticides, on parle de traitement de semences, les néonics – certains appellent ça les tueurs d’abeilles -. Ce qui est intéressant dans l’étude de Geneviève Labrie, ajoute M. Ridel, qui a été utilisée en Ontario, c’est que leur emploi n’est nécessaire que dans 4 % des cas en grandes cultures. »
Les néonicotinoïdes ont été remplacés par un autre insecticide « pour contrer un petit ver dans le sol qui mange les semences, explique M. Ridel. C’est ça qu’on veut éliminer, car, en général, il est attiré par le fumier quand la terre est froide. Le Lumivia est celui qui va remplacer les néonics; au lieu d’être mauvais pour les abeilles, il est mauvais pour la vie aquatique et les poissons ».

Des avancées?

« J’ai l’impression que l’utilisation des insecticides a beaucoup diminué au cours des dernières années à la suite de tous les efforts que le gouvernement fait pour nous informer des méthodes alternatives pour s’en passer », souligne le producteur, qui recommande vivement aux agriculteurs de consulter le site Sage pesticides, un outil réalisé par le ministère de l’Agriculture et celui de l’Environnement, ainsi que l’Institut national de santé publique du Québec.