La région de Chambly vue en contes et légendes

CHAMBLY. L’approche de l’Halloween remet souvent en avant-plan de nombreuses vieilles légendes. D’abord créées à des fins de divertissement ou pour expliquer le monde, leurs origines sont souvent lointaines. La région de Chambly n’est d’ailleurs pas en reste avec son propre folklore.
Un texte de Félix Lacerte-Gauthier
Historien originaire de la région du Mont-Saint-Hilaire et auteur du livre Contes, légendes et récits de la Montérégie, Pierre Lambert a voulu, avec son ouvrage, répertorier le folklore de la région. Un travail particulièrement imposant. « J’ai essayé de dresser un tableau de la situation en Montérégie, mais c’est un territoire très vaste où il y a une grande variété de récits, explique-t-il. J’en ai recueilli une soixantaine dans mon livre et malgré cela, j’ai dû me restreindre ! » Il révèle avoir été particulièrement marqué par les récits autochtones relatant la création du monde.
C’est vers la fin du XIX siècle, début XX, que des intellectuels canadiens-français ont commencé à s’intéresser à ces histoires et à les retranscrire pour la postérité, à partir de la tradition orale existante. Il y aurait malgré tout un certain biais qui se serait créé dans leur sélection, selon le doctorant en Histoire à l’Université de Montréal et spécialiste de l’Amérique française du XVIII-XIX siècle, Mikaël Dumont. « Il faut comprendre la différence entre contes et légendes, résume-t-il. Ces dernières ont souvent une valeur moralisante où l’on veut inculquer des craintes par rapport à la déviance et à ce qui ne correspondait pas aux valeurs chrétiennes de l’époque. Elles opposent souvent, sur le territoire canadien, des personnages religieux à d’autres plus rebelles opposés à la morale de l’époque. »
En contraste, selon M. Dumont, le conte a davantage une fonction de divertissement. Moins répertorié, il ne prend pas place dans un territoire particulier et met en scène des histoires transmise à travers les générations et dont les origines remontent parfois jusqu’à l’Europe ou à l’Asie.
Pour M. Lambert, ces différents récits ont davantage une importance historique et ethnologique, en permettant de comprendre comment les habitants de l’époque, que ce soit les autochtones ou plus tard les colons français, entrevoyaient le monde. Sur un plan historique, le Diable est devenu très présent à partir des années 1840-1850, après l’installation d’un régime très rigoureux par la religion catholique, tandis qu’avant, on retrouvait souvent des fées », donne-t-il en exemple. Il explique qu’à travers ces histoires, les habitants faisaient appel au surnaturel pour comprendre et expliquer certaines caractéristiques du milieu naturel.
« Aujourd’hui, ça a été plutôt mis de côté, on s’intéresse à d’autres choses, conclut-il. À Mont-Saint-Hilaire par exemple, depuis une cinquantaine d’années, il y a eu de nombreuses histoires sur l’apparition d’objets volants non identifiés (OVNI). Les sujets sont simplement différents de nos jours. »
La légende du chevalier cuivré
L’histoire se déroule en 1837 pendant la rébellion des patriotes. Selon celle-ci, Charles-Eusèbe Nicholas aurait été envoyé espionner les mouvements de troupes anglaises près du Fort Chambly. Après deux jours de marche par la région de Saint-Mathias, il arriva une nuit près du Fort décida d’attendre le jour pour traverser la rivière Richelieu, un fort brouillard planant sur la région.
Au matin, il fut réveillé par les voix de deux sentinelles, qui le repérèrent et firent feu sur lui. Un énorme poisson, dont les écailles ressemblaient aux armures des chevaliers d’antan, bondit alors de l’eau pour s’interposer entre Charles-Eusèbe et les soldats. Le patriote profita de l’instant pour se jeter dans les eaux glaciales de la rivière.
Plusieurs heures plus tard, il fut repéré, flottant sur un banc de poissons aux armures de cuivre, par un vieillard. Ce dernier lui porta secours et l’amena chez lui pour le soigner. Charles-Eusèbe étant sauvé, les poissons se dispersèrent. Il ne les a jamais revus de son vivant. (Source : Lambert, Pierre, Contes, légendes et récits de la Montérégie, Éditions Trois-Pistoles, 2008.)
Le frère André et le canal de Chambly
Selon cette légende, Josaphat du Tremble, qui était chef contremaître à Chambly, devait réparer l’une des écluses du canal. Pour ce faire, il devait d’abord refermer les vannes, installer des batardeaux pour étanchéifier le bassin, pour ensuite en retirer entièrement l’eau. Après plusieurs tentatives infructueuses, il alla demander conseil au superintendant, qui était alors chez lui en compagnie du frère André.
Les trois se rendirent ensemble sur les lieux, mais n’arrivèrent pas à trouver la source de la fuite. Le frère André lança alors une médaille de Saint-Joseph dans l’eau et déclara à Josaphat que le problème serait réglé à son retour le lendemain. Ce fut effectivement le cas et le contremaître pu terminer les travaux. À la fin de ceux-ci, il voulut rendre la médaille au frère André, qui la lui redonna aussitôt. La médaille accompagna Josaphat le restant de sa vie avant de disparaître avec lui à sa mort. (Source : Lambert, Pierre, Contes, légendes et récits de la Montérégie, Éditions Trois-Pistoles, 2008.)