La fin des arénas associatifs?

Le Centre sportif de Rouville (CSR) devrait bientôt intégrer dans son organisation la Ville de Marieville. Le conseil d’administration de l’organisme sans but lucratif (OSBL) a accepté de perdre son indépendance dans la gestion de l’aréna. Il en va de même à Boucherville, où le processus est plus avancé. Assiste-t-on à la fin des arénas associatifs?
Nous apprenions, au début de l’année, que Marieville souhaite acheter les créances du CSR afin d’occuper une place plus importante dans la gestion de l’aréna actuellement en difficulté financière. Au début de la saison cet hiver, sans l’intervention de la municipalité, Hydro-Québec n’aurait pas rétabli l’électricité dans le bâtiment à la suite de plusieurs impayés.
La semaine dernière, la Ville de Boucherville annonçait l’achat de la créance de 17,5 millions de dollars du Complexe sportif Duval Auto, abritant quatre glaces et cinq pistes de curling.
« Les arénas sont des structures très difficiles à gérer, car elles sont ouvertes sur huit mois. À Marieville comme pour toutes les OSBL, même avec les meilleures intentions du monde, pour faire vivre l’aréna, il faut se comporter un peu comme une entreprise privée et penser au coût de revient », explique au journal Marc-André Lavigne, directeur de programme de 1cycle Loisir, culture et tourisme à l’Université du Québec à Trois-Rivières.
Au Québec, on peut retrouver quatre façons différentes de gérer un aréna : par un OSBL comme à Marieville (moins d’une dizaine répertoriés par l’Association québécoise des arénas et des institutions récréatives et sportives – AQAIRS -); au privé (une quarantaine); au moyen d’une corporation – OSBL et municipalités – (une soixantaine); par des municipalités (une très large majorité).
Il est difficile pour un OSBL de gérer un établissement sans vouloir générer des profits comme les glaces privées. Le temps de glace ainsi peut être plus cher que dans une structure municipale. « Cependant, l’OSBL a une très grande souplesse dans l’exploitation de l’aréna, contrairement à une structure municipale », indique M. Lavigne.
Certaines patinoires municipales ne peuvent pas parfois louer un temps de glace disponible par manque de personnel, a-t-on révélé au journal.
En ce qui concerne les structures privées, elles se font de plus en plus rares et semblent connaître des difficultés dernièrement. Pour son 40 anniversaire, le complexe Les 4 glaces de Brossard a même décidé de fermer cette année.
L’association d’une Ville avec un OSBL, sous la forme d’une corporation, semble avoir le vent dans les voiles ces derniers temps. Il y a une soixantaine d’établissements gérés de cette manière actuellement au Québec. Marieville, comme Boucherville, pourrait s’en inspirer.
Pour M. Lavigne, les arénas corporatifs sont amenés à se développer : « Une municipalité qui devient propriétaire de l’infrastructure en laissant l’OSBL s’occuper de l’organisation des activités permettrait d’avoir des prix plus attractifs pour les usagers. L’aréna profite aussi de la disponibilité de la société civile, qui est généralement très impliquée. Le partenariat entre l’OSBL et le municipal devient logique. »

Les prochaines étapes à Marieville

À Boucherville, l’OSBL qui gère le Complexe sportif Duval Auto a vendu ses dettes à la Ville la semaine dernière. La Ville, avant de procéder à un emprunt de 8,5 millions de dollars afin d’acquérir le complexe, a ouvert un registre aux citoyens qui souhaitaient s’opposer à ce projet, comme l’exige la procédure. Le nombre de signatures requises pour s’opposer à cet emprunt n’a pas été atteint. La Ville a alors procédé à l’étape suivante, soit de soumettre pour approbation le règlement d’emprunt auprès du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec (MAMH). En attendant l’approbation du ministère, les opérations du Complexe sportif Duval Auto se poursuivent sans interruption.
Boucherville a expliqué son intervention en soutenant que son objectif « est d’assurer une gestion financière rigoureuse et responsable et d’offrir des services de qualité auxquels nos citoyens s’attendent, et ce, à moindres coûts. » Il faut dire que Boucherville finançait déjà le complexe à un peu moins que 50 %.
Voilà un des scénarios que pourrait adopter Marieville prochainement, même si à la différence de Boucherville, elle n’accordait aucune aide financière au CSR.

Le projet de loi 122

Depuis le 1 janvier 2018, le projet de loi 122 oblige les organismes municipaux correspondant à certaines caractéristiques à se soumettre aux règles contractuelles des municipalités. Ces derniers sont identifiés par la loi de cette manière : « la majorité des administrateurs sont obligatoirement nommés par une ou plusieurs municipalités; l’organisme est, en vertu de la loi, un mandataire ou un agent d’une municipalité; le budget de l’organisme est adopté ou approuvé par une municipalité; l’organisme est financé à plus de 50 % par une ou plusieurs municipalités et ses revenus annuels sont égaux ou supérieurs à 1 000 000 $. Tout autre organisme déterminé par le ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire peut également se voir assujettir aux règles contractuelles municipales. »
Danielle Pilette, Ph. D., professeure associée en gestion municipale à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), n’est pas surprise que des organisations comme celles de Marieville ou Boucherville soient achetées par les municipalités : « La question que les législateurs se sont posée au sujet de tels organismes est de savoir s’il fallait les considérer comme des organismes paramunicipaux. Pour trancher, ils ont décidé entre autres que si plus de 50 % de leur budget provient de revenus d’une ou de plusieurs Villes, alors l’organisme est désormais considéré comme municipal et entre dans le périmètre financier de la Ville. »
Les avantages de rester un OSBL ne seraient alors plus intéressants ni pour la municipalité ni pour l’organisme. « Une municipalité préférera prendre les rênes de la structure plutôt que de devoir gérer ses problèmes », de préciser Mme Pilette.
À Boucherville, le financement de la Ville était près de 50 % au sein de l’OSBL, mais un proche du dossier a expliqué au journal que la structure du Complexe sportif Duval Auto n’a pas été vendue pour cette raison. « Il y a eu des difficultés financières et la vente était inéluctable. Le Complexe a très vite grossi. La meilleure des différentes options qui a été mise sur la table était l’achat par la Ville. »
À Marieville, le financement de la Ville au CSR était quasiment inexistant.
L’ensemble des intervenants que le journal a contactés semble assez en accord pour dire que les arénas associatifs ne disparaîtront pas, mais qu’ils fonctionneront de plus en plus en mode corporatif, avec les municipalités environnantes.
L’exemple de Sainte-Julie
Le Centre de la culture et du sport de Sainte-Julie qui abrite 3 glaces est géré par un OSBL. Ce dernier a une créance légèrement inférieure à 17 millions à la suite des différents emprunts contractés. Les villes de Sainte-Julie et Saint-Amable ont participé financièrement à moins de 10 % dans le budget de l’organisme en 2018. En 2019, leur participation sera encore plus petite. L’OBNL arrive chaque année à l’équilibre financier tout en remboursant progressivement ses emprunts.
Les membres de l’OSBL déclarent cependant qu’ils ont une très bonne collaboration des deux municipalités. Ces dernières ont participé largement à l’agrandissement de l’aréna récemment. Actuellement, deux conseillers municipaux siègent sans rémunération au conseil d’administration du CCSSJ.