« Hêtre ou ne pas être… »

Sainte-Angèle-de-Monnoir veut donner une descendance à un hêtre célébré au Québec pour son âge vénérable de quatre fois cent ans.
Et si les arbres pouvaient parler… Celui de Saint-Angèle-de-Monnoir en aurait des choses à raconter. Avec son âge avancé estimé à 400 ans, il trône au milieu du cimetière du petit village de près de 2 000 âmes.
À défaut d’avoir la parole, il est devenu la star des hêtres du Québec en devenant en 2015, lors de la première édition québécoise du concours L’Arbre de l’année, le premier à recevoir le titre dans la belle province. Il n’a laissé sa place qu’à un autre arbre en 2016. Un orme de près de 200 ans situé à Farnham.
Le concours, lancé par plusieurs revues scientifiques, s’est arrêté en 2017 par manque de ressources. « Nous étions porteurs du projet, mais nous n’avons pas pu le poursuivre pour différentes raisons. Ce concours est encore présent en Europe, mais il ne s’appuie pas sur les critères que nous voulions mettre en valeur. Nous nous basions plus sur l’histoire de l’arbre, son caractère rassembleur plutôt que sa beauté en tant que telle », a indiqué au Journal la directrice générale des Amis du Jardin botanique Maud Fillion. Les organisateurs souhaitaient aussi mettre l’accent sur la présentation écrite qu’on allait lui faire de l’arbre qui allait concourir. La manière de faire limitait trop le nombre de participants qui devait être le plus large possible.
Aujourd’hui, le concours se poursuit toujours en Europe, d’où il a commencé en République tchèque. « Quant à nous, je ne pense pas que nous tenterons de renouveler l’expérience par manque de temps », précise Mme Fillion.
Denis Mercier
L’histoire de cet arbre, c’est Denis Mercier un résidant de Sainte-Angèle qui l’a racontée. « Hêtre ou ne pas être… » voilà comment il titrait sa lettre hommage envoyée en 2015 au jury pour vanter la beauté et le vécu de l’arbre du cimetière.
« Peut-être étais-tu déjà là lors du décès de Samuel de Champlain, en 1635. Tu as vu naître la Nouvelle-France. Tu y étais lors de la déportation des Acadiens en 1755. Présent à la naissance de Napoléon. Tu as vu les grandes épidémies de choléras, de variole, de scarlatine, de typhoïde », pouvait-on lire.
Imaginant une discussion avec l’arbre, l’auteur, dans un élan lyrique, lui dévoile tout son amour. « Depuis mon arrivée en 2004 dans ce joli village de Sainte-Angèle-de-Monnoir, je te côtoie tous les jours. Chaque automne, quand je vois tes feuilles rougir, brunir, puis s’envoler, je me dis que c’était peut-être ton dernier souffle… »
L’arbre
L’arbre est le dernier vestige d’une forêt qui occupait la place il y a des lustres. Il a traversé toutes les intempéries. Il a vu tomber ses voisins les uns après les autres pour se retrouver seul dans le cimetière derrière l’église. La crise du verglas de 1998 a été la tempête de trop qu’il n’a pas pu essuyer. Endurci par le mal, il résiste encore avec sa branche cornue sur le côté du tronc qui accepte un feuillage encore vert, mais pour combien d’années. Malgré les balafres du temps imprégnées dans son écorce, il demeure encore fier, toujours prêt à défendre ses titres de noblesse. Avant la crise du verglas, en 1994, il était le Champion des hêtres du Québec.
Personne n’est insensible à l’existence de cet hêtre exceptionnel à Sainte-Angèle-de-Monnoir. Il fait même partie d’un plan de sauvegarde que met en place la municipalité. « En ce moment, dans notre plan stratégique, nous faisons en sorte de trouver un moyen pour qu’il perdure dans le temps. Nous voulons assurer sa descendance, signale le maire Denis Paquin. De toute évidence, il ne vivra pas un autre 400 ans. »