Douze fois plus d’opérations en attente

Selon les dernières données du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), la population montérégienne bat des records en termes de délais en chirurgie, avec 12 fois plus d’opérations en suspens depuis un an, une situation d’autant plus alarmante avec l’arrivée du variant Omicron.

Les chiffres pour la dernière période financière du MSSS révèlent que plus de 3600 personnes en Montérégie sont en attente d’une chirurgie depuis plus d’un an, alors qu’en février 2020, elles étaient moins de 300 à atteindre ce délai.

Omicron et saturation du réseau

Si Omicron fait envisager le pire pour les patients en attente, c’est que sa propagation ainsi que le risque d’un manque d’efficacité du vaccin en ce qui le concerne pourraient avoir de graves conséquences sur le nombre d’hospitalisations, réduisant le nombre de lits disponibles pour ceux devant subir une chirurgie.

Un portrait plus détaillé

Près de la moitié des Montérégiens en attente depuis plus d’un an pour une chirurgie le sont pour une opération orthopédique; 18 % pour une opération d’ordre général; 11 % pour une opération ophtalmologique; 7 % pour une chirurgie oto-rhino-laryngologique ou cervicofaciale. Plus de 60 personnes attendent pour une opération en neurochirurgie, et 9 en chirurgie vasculaire, des domaines où la vulnérabilité des patients les rend hautement à risque de crise fatale, à tout moment.

3600
C’est le minimum d’opérations retardées de plus d’un an en Montérégie

Au total, au Québec, le nombre de personnes actuellement en attente pour une opération est de 150 302. Le gouvernement a pour cible de réduire ce chiffre à 100 000 d’ici mars 2023, en augmentant les quotas d’opérations mensuellement réalisées.

Contrer la surcharge

La semaine dernière, le ministre de la Santé, Christian Dubé, ainsi que le ministre de l’Éducation et député de Chambly, Jean-François Roberge, ont annoncé la mise en place de deux formations accélérées afin de former 3000 agents administratifs en soutien aux secteurs cliniques ainsi que 2000 infirmières et infirmiers auxiliaires. « Quand je dis que c’est une très, très belle nouvelle, je ne vous cacherai pas que dans les prérogatives que l’on a, les préalables que l’on a pour faire le changement souhaité en santé, le changement de culture, tout ce que l’on a besoin de faire, un des plus gros cailloux, un des plus gros éléments importants, c’est la main-d’œuvre », a déclaré le ministre Dubé en conférence de presse. « En ajoutant du personnel clinique et administratif sur le terrain et en répartissant mieux les tâches, nous améliorerons les soins aux patients », a observé M. Roberge.

Des actions qui agiront tardivement

Les 3000 agents administratifs devront avoir été formés d’ici l’été 2022. Quant aux 2000 infirmières et infirmiers auxiliaires, ils ne pourront débuter qu’en mars 2023. C’est donc que le gouvernement s’attaque au manque de main-d’œuvre à plus long terme, à défaut d’avoir une solution qui pourrait agir immédiatement contre la surcharge du système.

À l’aube d’éclosions multiples du variant Omicron et du festoiement attendu des Fêtes, les professionnels de la santé et leurs patients en attente d’être opérés ont donc de quoi redouter les conséquences du relâchement des mesures sanitaires.

Rappelons qu’il y a quelques jours, le premier ministre Legault a émis tout haut le souhait d’un rassemblement de Noël à 25 personnes lors d’un point de presse qui a fait réagir. Questionné à savoir si ce dernier aurait dû se garder d’en donner l’espoir aux Québécois, M. Dubé a esquivé, répondant que sa priorité demeurait le respect des mesures sanitaires. « Les Québécois ont fait une job incroyable depuis deux ans. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, on est capables de rentrer à l’hiver un nombre d’hospitalisations qui est très gérable. Par contre, quand je vois qu’on augmente de dix hospitalisations nettes à chaque jour, ça veut dire qu’au lieu d’en rentrer, comme la semaine dernière, 15 à tous les jours, et d’en sortir 15, là, il en rentre 25 et il en sort 15. Alors, ça veut dire que ça met de la pression sur le réseau de santé », a-t-il offert, comme pour insister sur l’importance de maintenir certaines balises dont certains voudraient être exempts.

Le retard au pallier des dépistages

Quant aux patients pour qui l’étape du dépistage est elle aussi retardée, ils pourraient également en pâtir, puisque c’est la pose d’un diagnostic qui entraîne généralement une prise en charge rapide. Jusqu’à l’identification d’un problème grave, le patient sera alors délaissé. C’est du moins ce qu’ont démontré les constats l’année dernière.

En 2020, la directrice générale de la Coalition Priorité Cancer au Québec, Eva Villalba, dénonçait des délais anormaux de prise en charge de patients atteints du cancer. « La tendance a été au découragement des patients de se faire dépister (…) les dépistages n’ont pas été considérés comme une étape urgente. On parle d’au moins 5000 cas de cancers qui sont passés sous le radar (en 2020) », avait-elle déploré en entrevue avec le journal, tout en s’appuyant sur les études et sondages menés auprès de patients.