Des travailleurs venus d’ailleurs

De plus en plus d’entreprises du territoire se tournent vers le recrutement international pour combler leurs besoins criants de main-d’œuvre, une solution qui convient aussi aux travailleurs étrangers en quête d’un avenir meilleur.

La MRC de Rouville rapporte qu’en 2019, on comptait plus de 1254 travailleurs étrangers temporaires (TET) sur son territoire. Selon la MRC, « tout porte à croire que ce nombre est en constante augmentation (…) de plus en plus de personnes immigrantes s’installent durablement ou temporairement dans la région ».

Une réalité homologue s’observe dans la MRC de la Vallée-du-Richelieu. À Chambly, la fonderie Fondrémy, spécialisée en coulage d’aluminium et de cuivre, s’est récemment tournée vers le recrutement international pour engager des travailleurs brésiliens. Son président, Francis Lemair, explique que « Dans certains secteurs d’activité, les Québécois, ou natifs, ne veulent tout simplement pas exercer ces métiers (…) C’est pareil en fonderie. Les conditions de travail y sont difficiles, il n’y a pas d’air climatisé, alors que le métal en fusion génère forcément de la chaleur. On ne peut changer des conditions qui sont inhérentes à la fonction de fonderie ».

1254
C’est le nombre de travailleurs étrangers temporaires recensés dans la MRC de Rouville en 2019

Les Malgaches, de très bons candidats

Le 24 mars dernier, des infirmières venues tout droit de Madagascar atterrissaient à l’aéroport Montréal-Trudeau afin de prêter main-forte aux préposés de la Résidence des Bâtisseurs de Chambly, accompagnées d’autres Malgaches qui seraient déployés dans d’autres résidences.

Un mois plus tard, le journal s’entretenait avec les trois nouvelles préposées, bien intégrées à Chambly. Oria Idylle Rakotondradio Harinaivo Ep Rafidimanantsoa, Ihobitiana Ratsimanary et Nadie Françia Vololoniaina Ep Razafandra ont commencé à travailler à la résidence le 13 avril 2021. Les trois mères de famille, qui disent avoir été très bien accueillies, estiment qu’elles ont bien fait de tout quitter pour venir travailler au Québec. « Pour moi, c’est l’occasion de vivre un nouveau défi. Je veux essayer de nouvelles choses et connaître un autre pays », nous a raconté Nadie. « Je voulais avoir une vie meilleure. La pénurie de travail à Madagascar, elle est partout. Cette offre a été la chance idéale. On a sauté dessus et on a été retenues. »

L’idée d’engager des Malgaches émane des Petites Franciscaines de Marie, une communauté de religieuses encore bien présente sur l’île de Madagascar, dont certaines membres forment une congrégation à même l’une des Résidences des Bâtisseurs, à Baie-Saint-Paul. « Les sœurs résidentes nous ont raconté qu’il s’agissait d’un très beau pays et qu’elles y avaient passé la moitié de leur vie à participer à plusieurs missions humanitaires. Elles nous ont convaincus que la solution au manque de main-d’œuvre s’y trouvait », a rapporté Erik Roby, alors qu’il était responsable du projet et qu’il occupait le poste de directeur, capital humain chez Gestion Résidences des Bâtisseurs.

Le journal a interviewé Jim Sam-Pan, un Rive-Sudois originaire de Madagascar, où il a vécu jusqu’en 2002. « Pour les Malgaches, travailler au Canada est effectivement une opportunité en or, et le fait de connaître le français en fait de très bons candidats. La scolarité y est axée sur une ouverture sur le monde. Étant donné que c’est un petit pays, on y étudie l’Europe, l’Amérique et l’Asie. Il y a une forte volonté d’apprendre dès le plus jeune âge pour avoir une chance de réussir. Avant, c’était axé sur les sciences. Maintenant, ça l’est de plus en plus sur les langues et les technologies de l’information. »

Toky Razanaparany, un Malgache en quête d’une meilleure situation, a témoigné auprès du journal sur ce qui motive les gens de son pays à tout quitter pour une chance de travailler au Canada. « Pour vous donner une idée, à Madagascar, le salaire maximal que j’ai reçu est d’environ 500 CAD par année. Sinon, en moyenne, je fais environ 300 CAD, ce qui est déjà énorme. Il y en a qui touchent à peine 100 CAD. Ça permet de se payer un loyer d’une pièce et de la nourriture pour un mois. Dans ces conditions, il est impossible d’avoir des enfants. Si tu as un frère ou une sœur qui a besoin de toi, tu ne peux pas t’en sortir. Moi, j’ai ma mère et une sœur, et aucun moyen d’avoir des épargnes. Les services comme l’électricité et Internet coûtent cher, alors que l’on souffre de coupures assez souvent. Les services bancaires te retirent des sous pour aucune raison, et même diplômé, encore, tu n’échappes pas au chômage. Ma sœur est major de sa promotion et elle est au chômage. »

Bien qu’il ait, dans son pays, déjà occupé plusieurs postes de bureau, M. Razanaparany se dit disposé à « faire du manuel » et épluche les annonces et les offres d’emploi de type main-d’œuvre. « J’ai vu sur le Web des offres pour de l’éviscération de volailles, de la préparation de commandes, être chargé d’accueil, serveur, etc. Je peux faire cela », de préciser le Malgache.

En ce moment, à l’échelle nationale, le pays se prépare surtout à accueillir des travailleurs en provenance de l’Ukraine, plusieurs entreprises canadiennes ayant déjà annoncé qu’elles leur réservaient des postes de main-d’œuvre en priorité.