Des patients se sentent abandonnés par leur médecin

Une résidante de Chambly et sa famille, comme d’autres patients, sont redevenus sans médecin de famille deux mois après s’en être fait octroyer un.
Après quatre ans d’attente sur le Guichet d’accès à un médecin de famille, Diane Lemarier a reçu l’information, en septembre, qu’on lui en attribuait un. Elle l’a rencontrée en novembre au GMF Richelieu/Saint-Césaire, situé dans le CLSC du Richelieu. En décembre, la patiente a reçu une lettre lui indiquant que son médecin avait quitté la clinique pour pratiquer au privé.
« J’ai déjà été au privé et je ne veux pas y retourner, dit-elle. On doit payer les frais d’inscription lors de chaque visite. Ça revient assez dispendieux. »
Par la suite, elle n’arrivait plus à obtenir de rendez-vous dans des cliniques pour une urgence. Elle s’était abonnée à la plate-forme Bonjour-santé, qui permet de prendre des rendez-vous dans différentes cliniques. Son fils a eu besoin de consulter pour une infection mais n’y parvenait pas.
« Quand on essayait de trouver un rendez-vous, ça nous indiquait qu’on avait déjà un médecin », déplore-t-elle.
C’est à ce moment qu’elle a appris qu’elle devait faire des démarches afin de se dissocier de son médecin de famille auprès de l’entreprise ainsi que de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). « C’est plate. Quand un médecin prend des patients, ça devrait être à lui de nous dissocier », soutient la Chamblyenne.
Elle s’est réinscrite au Guichet pour se trouver un nouveau médecin de famille. Mme Lemarier n’est pas la seule avec ce problème. Elle a fait une publication dénonçant la situation sur les réseaux sociaux et d’autres ont affirmé vivre la même chose.

Choix personnel

La docteure en question, Catherine Forget, a indiqué au Journal avoir fait ce choix pour des raisons personnelles, qu’elle a préféré ne pas décrire afin « de ne pas nuire au CLSC ». Dre Forget soutient avoir pris cette décision pour elle afin d’être plus heureuse dans son travail. « Au public, il est difficile d’avoir une autonomie sur sa pratique et ses décisions », soutient-elle.
La médecin a été en poste pendant un an et demi à la clinique du CLSC. Elle assure que les patients ont été informés dès le mois d’octobre de son changement. « Ceux que j’ai vus après savaient que je ne pourrais pas les suivre plus longtemps. Ils pouvaient décider de prendre le rendez-vous et de perdre leur place sur la liste (du Guichet) ou ne pas venir et garder leur place », affirme Mme Forget.

« Il n’est pas souhaité par le ministère qu’un médecin prenne en charge des patients et mette fin de façon volontaire à leur suivi à court terme. La situation vécue est regrettable. » – Marie-Claude Lacasse

Obligation d’un médecin

Au ministère de la Santé, on déplore la situation. Marie-Claude Lacasse, la porte-parole, souligne que lorsqu’un médecin prend en charge des patients sur le Guichet, il s’engage à les suivre. « Il n’est pas souhaité par le ministère qu’un médecin prenne en charge des patients et mette fin de façon volontaire à leur suivi à court terme. La situation vécue est regrettable », dit-elle. La porte-parole rappelle par contre que les médecins sont des travailleurs autonomes.
Tous les médecins ont l’obligation de respecter un code de déontologie. Caroline Langis, porte-parole du Collège des médecins du Québec, indique que dans le cas des patients vulnérables, ils doivent faire des efforts raisonnables pour les aider à trouver un autre médecin en assurant le suivi de leur dossier entre-temps. Par contre, pour un patient en santé, « le médecin qui change de statut peut simplement le diriger vers le Guichet d’accès et cela sera considéré comme un effort raisonnable ».
La Dre Forget assure avoir transféré tous ses dossiers du CLSC à ses frais. Elle effectue le suivi de ceux qui le souhaitent. « Il y a plusieurs patients qui m’ont suivie », dit-elle. De plus, elle soutient faire le suivi de patients qui attendaient des résultats ou sont plus vulnérables. La médecin mentionne également qu’elle devra rembourser à la RAMQ tous les bonis qu’elle a reçus pour la prise en charge de nouveaux patients en 2018.
Mme Langis, du Collège des médecins, précise que les patients peuvent déposer une plainte au syndic du Collège s’ils croient que la médecin a profité du Guichet pour se bâtir une clientèle avant de se diriger vers le privé.

Accès universel

La porte-parole du ministère de la Santé affirme qu’au Québec, le système de santé public est payé par les contribuables. L’accès doit donc être universel et gratuit. « Personne n’est obligé de payer des frais pour avoir un médecin de famille », souligne-t-elle.
Mme Lacasse précise également qu’il est possible de prendre un rendez-vous dans une clinique médicale publique par l’entremise du système du gouvernement, soit Rendez-vous santé Québec.
La médecin de Chambly affirme ne pas être la seule à délaisser la pratique au public pour le privé. Selon les données de la RAMQ, en date du 20 septembre 2018, 305 médecins pratiquaient au privé. Un nombre en croissance depuis les cinq dernières années. Ce nombre représente toutefois environ 2,1 % de ces professionnels.

Guichet d’accès à un médecin

Le temps d’attente pour obtenir un médecin par le Guichet dépend selon différents critères, dont la région et les conditions de santé. Au ministère de la Santé, on estime que le délai d’attente moyen pour les personnes classées en priorité A, B ou C est de 292 jours, et pour celles de priorité D ou E, de 379 jours.