Des livres qui font couler de l’encre
La censure d’une journée de la liste de suggestions de livres du premier ministre François Legault par l’Association des libraires du Québec (ALQ) n’est pas une motion qu’a approuvée les Librairies indépendantes du Québec, coopérative (LIQ).
« Notre réseau Les libraires se dissocie complètement de l’initiative regrettable de retirer la liste de lecture de monsieur Legault et tient à affirmer haut et fort sa position en faveur de la liberté d’expression. En mettant en valeur le rôle essentiel des livres, notre réseau adhère à la pluralité nécessaire des voix qui ont toutes le droit de se faire entendre. Ainsi pouvons-nous aspirer, à travers la diversité des points de vue et des échanges respectueux qui en découlent, à construire un monde où chacun se sente légitime d’user de son libre arbitre », a fait part Alexandre Bergeron, propriétaire de la Librairie Larico, à Chambly, et président des Librairies indépendantes du Québec, coopérative.
Censurer des livres
Les types de lecteurs sont diversifiés. Il y a autant de genres littéraires que de lecteurs. Certains styles peuvent heurter par leurs propos et descriptions très graphiques de scènes lourdes à imaginer. En septembre dernier, la Cour supérieure du Québec a acquitté l’auteur Yvan Godbout et son éditeur. Ceux-ci étaient accusés d’avoir produit de la pornographie juvénile dans le roman Hansel et Gretel. « Ce n’est pas notre rôle de censurer ni de réglementer. Notre objectif est de vendre ce qui est disponible sur le marché et les consommateurs jugeront par eux-mêmes ce qu’ils doivent acheter ou non », nuance M. Bergeron. Les titres des éditions AdA inc. avaient été retirés des tablettes pendant le procès, sous ordre de la cour.
« Ce n’est pas notre rôle de censurer ni de réglementer. Notre objectif est de vendre ce qui est disponible sur le marché et les consommateurs jugeront par eux-mêmes ce qu’ils doivent acheter ou non. » – Alexandre Bergeron
Michel Jean
Le Mathiassois Michel Jean a lancé, en septembre 2019, son plus récent livre Kukum, histoire inspirée de son arrière-grand-mère pour raconter celle des Autochtones du Québec. « Comme beaucoup d’écrivains, j’ai été surpris par la décision de l’ALQ de censurer les recommandations de lecture du premier ministre. Je me réjouis qu’elle soit revenue sur sa décision. Quoi que l’on pense des politiques de François Legault, j’aime qu’un politicien affirme son amour de la lecture et qu’il encourage les Québécois à lire. Mais il ne faut pas en vouloir aux libraires eux-mêmes. Ce sont de petits commerçants locaux qu’il faut continuer d’encourager, surtout en ces temps de pandémie » a-t-il fait part après avoir fait un saut chez Larico pour s’approvisionner de littérature. Michel Jean souligne au passage que « les citoyens de Chambly sont chanceux d’avoir une librairie comme Larico. De un, c’est un beau lieu, et de deux, les gens y sont très compétents et gentils ».
Quant à la censure, le journaliste et chef d’antenne stipule « qu’il en dépend de l’intention du propos et du ton. Si quelqu’un fait un essai pour justifier le racisme ou la discrimination d’un groupe, il y a de quoi être choqué. Ça n’a pas sa place, car ce sont des valeurs sur lesquelles l’humanité s’entend. Mais si c’est une histoire où il se passe des actes, ne pas pouvoir en parler serait de la censure […] doit-on pénaliser les gens car ça dépasse notre seuil de tolérance? Les gens sont responsables et n’ont qu’à ne pas le lire, le livre. Tu peux ne pas aimer le livre, mais peux-tu envoyer quelqu’un en prison parce que tu n’es pas d’accord? »
Le livre, Le vent en parle encore, écrit des mains de Michel Jean, met en scène les pensionnats autochtones dans lesquels des agressions ont eu lieu. « Les scènes du livre ne sont pas explicites, car je n’avais pas envie d’aller là. Mais le fait qu’il y a des enfants qui se faisaient agresser demeure et comment veux-tu raconter des pensionnats autochtones sans parler des agressions d’enfants? », complète M. Jean.
À propos des LIQ
La coopérative des LIQ regroupe, sous la bannière Les libraires, 115 librairies indépendantes du Québec, des Maritimes et de l’Ontario. Ces librairies sont également réunies sur son site transactionnel leslibraires.ca, qui offre le plus grand inventaire francophone en Amérique du Nord, soit un choix de plus de 1 300 000 livres papier et numériques en langue française, dont 200 000 en stock et disponibles en 48 heures.