Des jupes au masculin

Ils étaient une poignée de garçons le 8 octobre dernier à porter la jupe à l’école secondaire de Chambly afin de manifester contre le sexisme des codes vestimentaires imposés à leurs homologues féminins. L’action a toutefois dérapé, menant à des sanctions.

« Nous n’étions pas préparés à ça et avons été pris de court. La surveillante a emmené les élèves à mon bureau. Les gars m’ont expliqué pourquoi ils posaient ce geste. Je leur ai dit d’aller se changer et de remettre leur pantalon. Ils sont partis se changer et se sont mis à niaiser avec la surveillante et à perdre leur temps. Ils ont donc été mis en retenue pour leur retard et non pas pour la jupe », nuance Caroline Gaigeard, directrice de l’école secondaire.

Le lendemain, ce qui semblait n’être qu’un feu de paille a pris de l’ampleur. « Jeudi soir, je parlais avec une de mes amies et on a eu l’idée de faire un groupe. Nous avons demandé à plusieurs garçons et plusieurs filles de mettre des jupes. On ne pensait pas que ça allait affecter autant de personnes et qu’autant d’élèves voudraient le faire avec nous. Le lendemain, en arrivant à l’école, j’étais émue de voir autant d’élèves en jupe à notre école pour supporter le mouvement et soutenir ce que les garçons de deuxième secondaire avaient fait la veille », indique au journal une étudiante de 15 ans qui fréquente l’école.

À travers ce mouvement, les élèves ont passé des messages en écrivant des mots forts sur leurs cuisses. Si on a pu lire sur certaines jambes des ‘’Mon corps mon choix’’ ou ‘’Je ne suis pas une distraction’’ ou encore que ‘’ Les vêtements n’ont pas de genre’’, à Chambly, certains jeunes l’ont quelque peu échappé.

« Ils ont donc été mis en retenue pour leur retard et non pas pour la jupe. » – Caroline Gaigeard

« Il y a eu des messages haineux, des messages négatifs et vulgaires contrairement à l’esprit du mouvement. Nous nous sommes demandés ce que nous faisions avec ça. En suivant la logique, nous avons appliqué le code de vie de l’école. Nous avons demandé aux jeunes de se laver les cuisses et avons mesuré les jupes pour que celles-ci soient à 10 cm au-dessus des genoux », mentionne la directrice, qui ajoute que ceux qui portaient la jupe trop haute ont dû soit l’ajuster, soit porter des pantalons sous celle-ci ou soit carrément se changer dans le but de respecter le règlement.

Porter la jupe à temps plein

L’administration de l’école fait part qu’elle n’est pas en désaccord avec le mouvement et qu’elle comprend la cause. Un élève masculin serait d’ailleurs accepté quotidiennement à l’école vêtu d’une jupe s’il le voulait. Ce qui lui est demandé « c’est que les messages écrits ne soient pas inappropriés et que la longueur de la jupe soit respectée », conclut la direction à ce sujet.

La semaine des 4 Julie

Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation et député de la circonscription de Chambly, était de passage à l’émission La semaine des 4 Julie. À travers quelques accords qu’il a repris des mains de Daniel Bélanger, le ministre a écouté quatre étudiants s’exprimer sur le mouvement avec éloquence. À la question « Quand allez-vous donner une directive claire à toutes les écoles du Québec pour un assouplissement du code vestimentaire », le député chamblyen a répondu que « d’emblée, le code vestimentaire peut empêcher des discriminations entre les différentes classes économiques. Concernant le volet des genres, je crois que c’est le type de décision qui doit se prendre école par école. Je crois à l’autonomie des écoles et la prise en charge de la communauté qui s’investit dans l’école, avec les parents, la direction et les élèves. »

Assassinat et couleur de peau

Ailleurs, le milieu scolaire a vécu de dramatiques bouleversements dernièrement. À Ottawa, la direction de l’Université a suspendu la professeure Verushka Lieutenant-Duval, après que des étudiants se furent indignés de l’utilisation du mot ‘’nègre’’ dans un contexte qui se serait voulu pédagogique. À proximité de Paris, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, a été décapité pour avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression. « Ça a fait beaucoup réagir. Certains de nos enseignants ont changé leur photo de profil sur Facebook pour le Je suis prof. Quand on est enseignant, on est un modèle. Tout se dit dépendamment de la façon dont c’est dit. On ne peut renier l’histoire de l’humanité mais il y a une façon de l’aborder. Je suis convaincue que mes enseignants ont ce souci : ne pas cacher l’histoire mais nommer les choses correctement », termine Mme Gaigeard.