Denis Lavoie : une volonté de fer

CHAMBLY. C’était la première fois que Denis Lavoie, maire de Chambly, recevait un journal pour parler à bâton rompu de sa vie, de ses mandats de maire, de sa maladie, de son avenir. À la demande du Journal de Chambly, comme nous l’avons fait à l’ensemble des maires et mairesses du territoire que couvre l’hebdomadaire, il a accepté l’invitation sans autre formalité et s’est entretenu avec nous pendant deux heures.
Accueilli dans son bureau recouvert de dossiers, notre regard a de la difficulté à voir d’un seul coup d’œil tous les objets accrochés aux murs ou déposés sur une tablette. Il faut dire que Denis Lavoie a entamé, en novembre 2017, son quatrième mandat de maire de Chambly.
Il a été élu en 2005 pour la première fois avec une avance d’une voix. Depuis, les souvenirs sont nombreux à s’entasser après 13 ans de règne. Toutes les étapes importantes de sa vie sont matérialisées dans son lieu de travail, de sa première élection à des souvenirs de sa maladie en passant par le prix à l’ONU qu’a reçu la Ville en 2013 pour son plan de développement durable.
Sur son ordinateur, sur une photo en dessous d’une plaque en verre sur son bureau et même sur une caricature affichée au mur en face de lui, le maître mot semble être la famille. « En 2003, on m’a encouragé à me présenter aux élections municipales à Chambly. La même année, ma fille Laurence est née prématurément et on était à deux doigts de la perdre. J’ai donc sauté mon tour. »
Avec ses deux autres fils, c’était le hockey qui prédominait. « Jusqu’à 5, 6 ans, j’ai accompagné mes deux fils (Alexandre et Raphaël) à tous les sports qu’ils voulaient faire de manière de leur laisser découvrir et choisir. Alexandre était plus talentueux que Raphaël au hockey, mais Raphaël était plus opiniâtre. Il a toujours le sourire quand il est sur la glace. Je suis très heureux pour lui qu’il ait une passion et qu’il puisse la vivre. Je suis fier de mes trois enfants. »
Selon The Hockey News, l’attaquant chamblyen des Mooseheads d’Halifax, Raphaël Lavoie, pointe au huitième rang des meilleurs espoirs pour le repêchage de la Ligue nationale de hockey de 2019. Lors des derniers championnats du monde de hockey des moins de 18 ans, il a été le meilleur marqueur de l’équipe canadienne.

Le parcours

Denis Lavoie a fait carrière dans la police au sein de la Sûreté du Québec (SQ). « Mon père a travaillé 32 ans à la SQ. Six mois après sa retraite, je l’ai enterré alors qu’il avait 56 ans. Quand il a été mis en terre je me suis promis de ne pas faire tout ce temps à la SQ. » Chose promise, chose due. À 44 ans, alors qu’il pouvait prendre sa retraite après 25 ans de service, l’ex-chef de l’escouade Carcajou (un groupe d’élite fondé en 1995, composé de divers corps de police pour lutter contre le crime organisé) décide de planifier son avenir. Après avoir étudié les Sciences politiques à l’Université Laval, plus jeune, sans aller jusqu’au baccalauréat, il décide d’ étudier le droit à la Faculté de l’éducation permanente jusqu’en 2004, date à laquelle il devient avocat après avoir reçu le prix du Doyen pour la meilleure moyenne académique en droit. Année à laquelle il décide de se lancer à la conquête de la Ville de Chambly. « En 2004, après avoir passé mes deux dernières années à conseiller juridiquement le syndicat des policiers, j’ai décidé de sortir de la SQ et de préparer ma retraite. »
Avant, en 1990, c’est son arrivée à Chambly avec sa famille. Il se rappelle qu’en 1994, il faisait sa première intervention à une séance du conseil municipal devant le maire de l’époque Pierre Bourbonnais, qu’il remplacera en 2005. « Je venais d’intégrer la ligue de balle des vétérans et nous avions peur de blesser des passants si aucun filet de protection n’était installé par la municipalité. Je l’ai indiqué au micro lors d’une séance, le maire a accepté », se rappelle-t-il avec beaucoup de détails.
Puis en 2003 on le motive à se présenter à la tête de la Ville, ce qu’il acceptera en 2005.

Ses fiertés et ses déceptions

Sans hésitation, la plus grande fierté qu’il a eue lors de son mandat c’est l’inauguration de l’aréna en 2012. « Cet endroit est un lieu de vie où plusieurs générations de Chamblyens sont passées ou passent du temps avec leur enfant. Il y a des étudiants qui vont y travailler et en plus cela n’a rien coûté à la Ville. »
Une satisfaction qu’il annonce plus grande attend le maire. « Cela dépassera celle de l’aréna. » Le Pôle du savoir, attendu en décembre 2018 sera selon M. Lavoie « un moteur économique pour la ville. C’est un engagement que j’ai pris et qui profitera à tous. »
Sa plus grande déception réside dans le fait qu’il n’a pas réussi encore à faire revenir une police de proximité à Chambly. « Établir une police de proximité, c’est le mandat que les gens m’ont donné. Je regrette que la décision du gouvernement à la suite de notre demande ait été retardée d’un an. Si c’était à refaire, je m’y prendrai autrement. » Rappelons que le maire de Chambly a intenté une poursuite contre la ministre de la Sécurité publique Lise Thériault, en 2015, car il est convaincu qu’elle n’avait pas le droit de refuser que la Ville crée son propre corps de police. Aujourd’hui, la Régie intermunicipale de police de Richelieu-Saint-Laurent couvre Chambly comme 16 autres villes de la Montérégie. La cause du maire sera entendue en février 2019.

La maladie

L’une des plus grandes épreuves qu’a dû traverser le maire pendant son mandat est la lutte contre son cancer de la gorge décelé en 2009. « J’ai appris la nouvelle entre Saint-Jean-sur-Richelieu et Chambly. J’étais effondré. J’ai été un athlète d’élite dans des groupes d’intervention, j’allais chercher des gens armés et en une fraction de seconde on perd tout. Surtout que mon père est mort d’un cancer du poumon. Je me rappelle avoir demandé au médecin de me donner au moins 5 ans, car mes enfants étaient trop jeunes. J’ai été soigné à Mc Gill par une équipe incroyable. »
Pendant plus de deux ans, le maire s’est rendu de temps en temps à son bureau intubé, ne pouvant avaler qu’un liquide protéiné. Il en garde d’ailleurs une boîte en souvenir. « C’est plate rester à la maison toute la journée. En tant que maire j’avais aussi l’obligation de siéger au moins une fois tous les 90 jours. »
Les brûlures de la radiothérapie, qu’il n’a pas pu terminer, l’empêchaient d’avaler toutes substances par la bouche. Pneumonie, basse pression, sept dilations de l’œsophage, trois cellulites infectieuses, déchirure de l’œsophage… « on m’a dit que je ne remangerais plus. »
Cette épreuve, qui pourrait être une histoire du passé, revient le hanter régulièrement. « Aux deux ans environ, on me trouve une masse non cancéreuse et on m’opère. C’est d’ailleurs la cause de mon absence cet hiver. Cela fait 7 ans que j’ai eu ce cancer et encore aujourd’hui, parfois je ne suis pas capable de parler. Un moment donné il faudra que j’arrête. »
Et après, il aimerait étudier encore, mais en histoire ou encore en archéologie. « J’ai une grande soif de connaissance et une de mes passions est de lire sur la période romaine ou sur l’histoire. »
Le succès de son fils dans un sport dont il avoue ne pas être fan « je ne sais même pas patiner », ainsi que sa santé pourrait amener Denis Lavoie à faire un choix entre sa vie politique et la carrière sportive de Raphaël. « C’est un facteur qui sera à prendre en considération l’an prochain. Il faudra voir dans quelle équipe il sera repêché et quel rôle il aura à jouer. La santé sera aussi à regarder de près », conclut-il.