Denis Lavoie répond aux questions du Journal

À la suite de la démolition de la maison Boileau et de l’émission Enquête à Radio-Canada, les feux des projecteurs sont braqués sur la Ville de Chambly et plus particulièrement sur son maire, Denis Lavoie. Il a accepté de répondre aux questions du Journal.

Vous êtes en congé pour des raisons médicales. Comment allez-vous?

Je retourne voir mes docteurs.

Ce n’est pas simple sur le plan de la santé, mais c’est aussi difficile sur différents dossiers vous concernant. Comment traversez-vous cette période?

Nous autres, on se demande ce qui se passe. Personne n’est informé et il semble y avoir deux dossiers. Il faut se rendre compte qu’il y a un ensemble d’inexactitudes qui sont colportées. On a hâte, à un moment donné, que tout se calme pour qu’on puisse donner nos positions.

Le premier dossier, c’est la maison Boileau. Beaucoup reprochent à la Ville d’avoir détruit cette maison ancestrale en expliquant l’urgence de la situation le 22 novembre, alors qu’un rapport d’expert datant de novembre 2017, il y a un an, et que des travaux de consolidation avaient été faits entre temps. Alors, y avait-il urgence?

Il y avait eu des fouilles archéologiques aussi, à la suite de recommandations d’un citoyen et il n’avait pas tort. Il faut comprendre que l’hiver au Québec, ce n’est pas l’été. M. Larose a pris une décision basée sur le fait qu’à un moment donné, même les gens qui avaient fait les travaux de consolidation ne voulaient plus rentrer dans la maison. Oui, elle était dangereuse. Il y a une décision qui a été prise pour la maison malheureusement, mais elle n’était pas récupérable. Ce qui est dommage, c’est que lorsque la maison était sur le marché, elle appartenait à un privé. Nous, on l’a achetée justement pour s’assurer qu’il n’y ait pas d’autres constructions que la maison Boileau ou une reconstruction. On voulait préserver le site. On a travaillé deux ans, on a fait des études, des fouilles archéologiques pour sauver le patrimoine de Chambly et c’est nous qui passons pour des gens qui ont manqué de responsabilités alors qu’on a mis un quart de million en études là-dedans pour faire le tour. À un moment donné, il fallait qu’elle tombe. La décision de M. Larose est basée sur la dangerosité. La sécurité n’a l’air d’intéresser personne.

Dans les conclusions tirées du rapport d’expert, on peut lire qu’il est recommandé de détruire l’intérieur de cette maison, pas la totalité de la maison Boileau, surtout après les travaux de consolidation. Alors pourquoi avoir tout détruit?

Il n’y avait presque rien à récupérer là-dedans. C’était moisi, il y avait des champignons, il y avait toutes sortes d’affaires et ça coûtait 2,5 millions. Maintenant, on va tout refaire. On va pouvoir refaire la maison avec la télémétrie originale qu’on va pouvoir conserver. On va obtenir des expositions pour préserver la mémoire des Patriotes. Le fort de Chambly, c’est exactement ça qui est arrivé. Ils l’ont cassé puis ils l’ont reconstruit. (NDLR : Le fort de Chambly n’a pas été détruit)

C’était prévu que la maison Boileau soit détruite pour être reconstruite?

Oui, c’était mis dans le S.M.E.A.C. ((Situation Mission Exécution Administration Communication) que j’ai déposé en 2016. C’était marqué. On va la restaurer ou la reconstruire. Donc, c’était clair à ce moment-là qu’il n’y avait rien d’autre que cette maison-là ou cette architecture-là à cette place. Alors, quand j’entends des gens dire qu’on a détruit ça pour mettre des condos, c’est de l’hystérie collective quelque part.

N’est-ce pas la manière dont cette destruction a été ordonnée qui est critiquée? Est-ce qu’il n’y avait pas la possibilité de mieux faire?

Ça, c’est clair. Définitivement. Avoir mis les rapports sur le site avant, cela aurait sûrement répondu à des questions. Maintenant, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise? Ça a été géré comme ça. M. Larose a été débordé sur la façon dont tout cela a été géré avec les gens qui ont envahi le site, les policiers. Mais ils sont là, les rapports. Je comprends cette perte de confiance récurrente. Il y a peut-être des gens qui ont d’autres intérêts. Nous, le seul intérêt que l’on a, c’est de faire perdurer le patrimoine et l’histoire à Chambly et c’est ce qu’on fait. C’est ce qu’on a toujours fait. Paul-Henri Hudon, président de la Société d’histoire, m’a envoyé une lettre en 2016 disant « on sait qu’il faut faire le deuil de la maison Boileau et pour limiter ça, peut-on faire un fonds du patrimoine? » Québec veut faire un fonds du patrimoine pour protéger les maisons à risque. Nous, on le fait déjà depuis un an et demi. On a des sommes disponibles maintenant pour soutenir des propriétaires. M. Hudon, (président de la Société d’histoire de Chambly) le dit très bien, le mauvais entretien vient des propriétaires antérieurs. La Ville a hérité de ça. À la limite, on n’aurait pas procédé à l’acquisition, on n’aurait pas ces problèmes-là aujourd’hui.

Qu’est-ce que vous dites aux gens qui sont déçus aujourd’hui?

Mais moi aussi, je suis déçu! Ceux qui critiquent, qui chialent, outre que de chialer, ils ont fait quoi dans ce dossier? Celui qui a travaillé, qui a écrit la S.M.E.A.C. et qui a vécu l’odieux de mettre des horodateurs pour pouvoir ramasser des sommes pour préserver le patrimoine, c’est moi. Le citoyen qui m’a envoyé un courriel en me disant, c’est difficile votre position, car M. Lavoie, c’est vous qui avez travaillé le plus dur pour sauver cette maison. C’est facile de critiquer. Nous, ce qu’on dit, c’est qu’il y a un constat inévitable. Il y a des choses qui ont été faites antérieurement qui ont très mal préservé et ça a causé des dommages irréparables. Que voulez-vous que je vous dise?

Le jour même de la démolition, il y a eu cette émission Enquête sur vous. Est-ce qu’il y a un lien à faire entre le reportage et la démolition de la maison Boileau?

Non. Je n’ai pas la théorie du complot. Une chose est certaine, c’est que Radio-Canada ne nous a pas appelés pour passer à son émission (NDLR : Radio-Canada indique dans son reportage que M. Lavoie n’a pas voulu répondre aux questions de la journaliste).

Dans votre lettre d’excuses, vous remettez en cause l’émission en tant que telle, pourquoi?

Je remets en question de regarder la tangente qui y a été donnée. C’est clair que le reportage était directif pour ne pas donner une bonne image de ma personne. Quand on va chercher des événements d’il y a quinze ans… alors que je n’étais pas maire, il y a quinze ans.

Vous parlez de quel événement?

Quand j’ai envoyé une mise en demeure à un citoyen pour des raisons X et ce n’était pas les raisons évoquées, c’était pour d’autres raisons. Alors quand quelqu’un ne dit pas toute la vérité, quelque part, il y a quelque chose qu’il ne veut pas qu’on sache. La conversation téléphonique privée que j’ai eue avec M. Girard, je m’excuse encore une fois. Je n’apprécie pas moi-même le ton que j’ai eu. Je vois bien qu’à un moment donné, ça n’a pas d’allure, mais ce que je trouve qui n’avait pas d’allure aussi, c’est que ça faisait deux semaines que ça durait. Ce n’était pas juste ma fille qui était prise dans cette situation, ce n’aurait été que ça, je l’aurais retirée; il y avait d’autres enfants qui étaient pris là. Que ça prenne deux semaines pour régler un problème relativement simple… Je voyais des jeunes filles de douze ans pleurer sur un banc. Ça n’a pas d’allure. Avec M. Girard, après ça, on va continuer à travailler ensemble pendant des années, on va se parler correctement. Mais quand des gens gardent des conversations comme celle-là pendant trois ans, on peut se questionner sur les motifs.

C’était la première fois que vous interagissiez de cette manière dans les affaires d’un club ou d’un organisme dans la municipalité en tant que maire?

Moi, mes enfants, ils ont fait du sport dans plein de disciplines. Je n’ai jamais parlé à un entraîneur. En tant que maire, c’était la première fois que je voyais des enfants brimés; je n’avais jamais vu ça. C’est rare que j’intervienne directement. Il y a un directeur des loisirs.

Vous regrettez la manière d’avoir fait ça?

Oui, la manière dont je me suis emporté. J’ai offert mes excuses. Cela fait vingt fois que je le dis. Par contre, comme adulte, on a la responsabilité que des enfants soient dans une situation d’épanouissement et non qu’ils demandent la protection des adultes.
À la suite du reportage, le gouvernement a demandé à la Commission municipale d’enquêter à Chambly. Êtes-vous confiant du climat qu’elle va y trouver au sein de l’équipe administrative, car on ne parlait pas que du club de soccer dans le reportage?
On va laisser la Commission arriver, puis on va les accueillir. On est des livres ouverts. Maintenant, il faut comprendre une chose. Les deux ex-fonctionnaires qui ont parlé n’étaient pas des gens qui étaient proches de moi. Ils n’étaient pas des gens que j’ai côtoyés. Cela fait douze ans que je suis maire de la Ville. Je n’ai pas eu une plainte devant un tribunal. Tout arrive en même temps; vous voyez bien qu’il y a quelqu’un qui monopolise des forces négatives sur moi, c’est clair.

Justement, toutes les attaques semblent être concentrées vers vous, avez-vous une explication?

Il y a un chef d’orchestre qui s’arrange à concentrer toutes les forces négatives contre moi. C’est toujours Denis Lavoie, juste ma personne. C’est clair qu’il y a quelqu’un et on sait qui il est, qui est derrière tout ça.

C’est qui?

Je ne vais pas mettre des noms sur la place publique de même.

Vous allez bientôt voter dans le budget. La Ville pourra-t-elle encore une fois se targuer d’être bien gérée?

Ça fait trois fois qu’on gagne au Québec le titre de la Ville la mieux gérée dans notre catégorie. Ce n’est pas rien. Il y a des gens qui grattent pour trouver du négatif. Il faut vouloir. Radio-Canada a passé près de deux ans ici pour trouver quoi? Il n’y a rien de crédible. Oui, on va continuer et on aura de bonnes nouvelles.

Dans votre lettre, vous titrez « On est très fiers de notre gestion à Chambly », est-ce que ça veut dire que si vous aviez à refaire tout ce qui vous est reproché aujourd’hui, vous le referiez?

C’est quoi qui m’est reproché? À Enquête, il y a juste une conversation privée. Le reste, c’est une dame qui n’a jamais travaillé et qui n’est jamais venue dans mon bureau de sa vie. Il y a un monsieur qui y est venu deux minutes en dix ans. (NDLR : L’émission donne aussi la parole à d’ex-fonctionnaires comme mentionné ci-dessus)

Des employés disent aussi qu’ils ne peuvent pas porter leurs griefs aux ressources humaines en raison de la proximité que vous avez avec la directrice des ressources humaines. Les comprenez-vous?

Ils ont des syndicats, des associations et ils peuvent aussi aller là. C’est un autre mécanisme. Il y a eu aussi des employés qui ont quitté la Ville en voulant des bonus qu’ils n’ont pas eus. Ils ont été déçus. Quand on n’a pas de fait réel, ça reste de l’abstrait, des ragots. Mais on va laisser la Commission venir. Je n’ai pas eu de plainte en douze ans. Je suis confiant de ce qui ressortira de la Commission municipale. On a hâte qu’elle nous contacte.