Démission de la mairesse de Marieville

Caroline Gagnon, mairesse de Marieville, a pris tout le monde par surprise en annonçant sa démission à mi-mandat la semaine dernière, sur ses réseaux sociaux. La première magistrate quittera vers l’Angleterre dès le 20 juillet. Elle y vivra avec ses deux plus jeunes filles et son conjoint, et y enseignera l’économie dans un collège situé dans le comté d’Hampshire.

Depuis quand mijotiez-vous ce départ?

J’y ai déjà vécu (Angleterre) avec la famille. On y est retournés à quelques reprises, dernière fois en 2018, avec la famille. C’est là qu’on a voulu réexaminer cette partie de notre vie. Lors des élections en 2021, il y avait encore plein de restrictions. Je ne savais pas si j’allais pouvoir retourner dans le monde. Les frontières étaient encore fermées. Ce n’était pas le moment de regarder si mon autre projet de vie pouvait se concrétiser. Tout s’est aligné cette année. On s’est dit qu’on allait essayer. 

La fermeture du chemin des Dix-Terres vous avait mis à dos plusieurs agriculteurs. Comment a été votre relation avec ceux-ci par la suite?

C’est un succès pour moi cette histoire en fait. Quand on analysait notre budget et nos besoins, ça faisait du sens de le fermer complètement. On a été à l’écoute. On s’est entendu avec eux et on a installé des barrières selon leurs besoins. Ça a permis aux agriculteurs de continuer de circuler. 

Pourquoi avoir reporté les travaux de construction de la future bibliothèque pour venir en aide l’église?

Ma responsabilité était de défendre la préservation du patrimoine. J’ai à coeur l’histoire et le patrimoine. Je pense que ça été compris des citoyens.

Est-ce un regret de quitter avant que ne soit préciser le projet de la nouvelle bibliothèque?

Les élus, on est dans le court terme. On le sait que ce ne sont pas nécessairement nous qui inaugurerons les projets. Avec le retard, ça ne se concrétiserait pas dans mon mandat de toute façon. On prend le crédit de ceux qui étaient avant nous. Ceux après prendront le crédit. Mais c’est sûr que c’était un projet important pour moi.

Bien que la Ville ait aidé la Clinique Pro-Santé plus que prévu, certains ont gardé un goût amer du moment où la Ville a cessé de contribuer financièrement à celle-ci.

Je mets aussi la clinique dans ma colonne de succès. On a eu des échanges assez corsés en lien avec la pétition. Des fois, on n’a pas les mêmes méthodes, mais on a le même but. Je pense qu’on en est rendus là. On veut que nos élus respectent notre capacité de payer, mais on veut qu’ils disent oui à tout quand c’est nous qui le demandons. Je pense que les gens ont compris mes intentions. La clinique va rester et leur modèle est plus structurant maintenant qu’il l’était il y a un an. 

Est-ce que la Ville aurait pu en faire plus pour acquérir l’église qui devrait devenir des logements?

Dans un sens, oui, car on a des budgets. Mais est-ce que c’est le meilleur intérêt des citoyens? Est-ce que je veux mettre toutes nos billes dans ce projet-là alors que des gens demandent encore une piscine municipale extérieure ou que la caserne est sur le respirateur artificiel? Il y a d’autres priorités.

Des villes voisines utilisant l’aréna de Marieville vous ont reproché le court laps de temps dont elles disposaient pour répondre à votre demande qu’elles contribuent désormais aux coûts d’exploitation de l’infrastructure.

Quelqu’un qui me dit qu’il n’a pas eu suffisamment de temps, ce qu’il peut être en train de dire, c’est qu’il n’a pas été capable de réagir assez rapidement. Mon expérience de conseillère et de mairesse m’a appris ce que les subventions pouvaient couvrir et ce qu’elles ne pouvaient pas. Mais, en disant ça, ces gens-là sont peut-être en train d’admettre qu’ils ne sont peut-être pas à la hauteur des mandats qui sont mis devant eux. Il y a des façons de mobiliser ses troupes et la lenteur de réaction doit être examinée. Les maires ont reçu mon courriel au début du mois de février. Ils avait le temps de faire quatre séances du conseil : c’est suffisant pour prendre une décision.

De quoi êtes-vous le plus fière de votre legs?

Ce n’est pas un secret, l’atmosphère était toxique à Marieville. La culture organisationnelle était toxique. Les employés ne se connaissaient pas et ne se côtoyaient pas. Mon legs se situe au niveau du changement de culture et de la structure organisationnelle. On a instauré un BBQ annuel et un party de Noël. Les gens sont contents de travailler à la Ville maintenant.

Y a-t-il un dossier que vous retravailleriez différemment?

Si on a le recul, c’est sûr qu’on fait tout différemment. Peut-être, des fois, dans mes méthodes, étant donné que je vise plutôt des résultats. En politique, il ne faut pas personnaliser non plus. L’intégrité est importante pour moi. Je sais que, même si parfois les citoyens ne s’en rendaient pas compte, j’avais leurs intérêts à coeur. Ça m’a rendu impopulaire à l’occasion.

Avez-vous trouvé la politique municipale plus difficile que ce à quoi vous vous attendiez?

Je n’avais aucune idée de ce que c’était. C’est plus difficile, mais c’est plus agréable en même temps. Ça se compense des deux côtés. Au final, c’est vraiment positif. Je ne m’en vais pas avec de mauvais souvenirs. Je ne m’attendais pas à quel point je tisserais des liens avec les gens, comme par exemple les membres du conseil. Quand je dis que c’est une famille, ce n’est pas un slogan, je le ressens.

Avez-vous l’impression d’abandonner vos électeurs en quittant ainsi à la mi-mandat?

Les citoyens comprennent. Ils vont voir que je prends la décision pour ma famille. Au final, ils verront que c’est vrai que je suis une personne de famille. Au contraire, ils pourraient être déçus que je laisse passer cette opportunité. Le plan stratégique suivra son cours. Pour les citoyens, même si quelqu’un d’autre qui lit l’ordre du jour, on continue dans les même valeurs. Je ne me sens pas mal par rapport à ça.

Vous dites avoir « envoyé une bouteille à la mer » lorsque vous avez appliqué sur le poste d’enseignante en économie. L’image de lancer une bouteille à la mer peut évoquer le fait d’être coincée ou prisonnière sur une île déserte et d’avoir besoin d’être sauvée. Est-ce votre cas?

C’est beau comme image! Je fais plutôt allusion au temps, avant Internet, où j’avais des correspondances. J’écrivais avec des correspondants de partout dans le monde. C’est plus qu’on envoie un message, mais on ne sait même pas si quelqu’un le recevra. J’aurais pu dire lancer dans l’Univers mais je ne veux pas que ce soit trop ésotérique. Au contraire, je ne suis pas désespérée. Je n’ai pas envoyé 100 curriculum vitae. Mon conjoint a identifié une école. Moi, je ne savais pas ce que nous allions faire. Peut-être qu’il serait partie avec une de nos filles ou deux et j’allais rester ici pour poursuivre un peu mon mandat. Un poste m’intéressait dans les environs. J’ai appliqué, j’ai eu l’entrevue et on m’a offert un poste permanent. 

Quand on quitte ainsi au cours d’un mandat, recevez-vous une compensation financière?

Je m’étais prononcé ici en 2014. J’avais vu que l’ancien maire Gilles Delorme recevait une allocation de transition vraiment généreuse. Je l’avais fait retirer. Ça fait partie de mes réussites. M. Delorme, à la fin de son mandat, ne l’avait pas. Il n’y a donc pas d’allocation et je ne l’aurais pas acceptée de toue façon. J’étais bien rémunérée et je l’accepte mais je rendais un service. Je ne vois pas à être payée pour une transition. Il y a l’allocation de départ du Régime de retraite des élus municipaux mais ça, j’y ai contribué. Et quand quelqu’un quitte en mandat, on n’y a pas droit. Je pars le 20 juillet, ma rémunération termine à ce moment.

Caroline Gagnon complète en rappelant la complexité d’immigrer et de se déraciner. Marieville est une ville qui abrite de nombreux humains provenant de l’étranger. « Ça me rendrait fière si les citoyens pouvaient avoir l’ouverture d’entrer en contact avec une personne qui est nouvelle ici et qui ne connait personne. Parce que moi, ça va m’arriver. Je m’en vais quelque part où personne ne me connait », boucle celle qui aura oeuvré une dizaine d’années à titre d’élue municipale.