Communautaire : la première ligne souffre

Le budget 2024 du gouvernement annonce une augmentation de 10 millions $ des aides versées aux organismes communautaires du Québec. Un soutien bien insuffisant, selon les personnes sur le terrain.

« On voit davantage de campements d’itinérance à Longueuil, à Salaberry-de-Valleyfield ou encore à La Prairie depuis quelques semaines. Je ne serais pas surprise de voir des tentes arriver autour du fort de Chambly dans un avenir proche. »

Johanne Nasstrom tire la sonnette d’alarme. La directrice générale de la Table régionale des organismes communautaires et bénévoles de la Montérégie (TROC-Montérégie) estime que les effets de la crise du logement et de l’inflation se feront davantage ressentir en région. « C’est une catastrophe! Le mois dernier, les centres communautaires ont dû refuser la demande d’hébergement à 180 personnes montérégiennes, faute de place! Cette situation est du jamais-vu! »

Comme ses homologues représentant différents centres communautaires à travers la province, Johanne Nasstrom s’insurge contre l’annonce du gouvernement d’une augmentation de 10 M$ des aides dans le budget provincial 2024. « La Montérégie reçoit un million de dollars supplémentaires, alors que nous comptons 350 organismes. Cela représente à peu près 3 000 $ d’augmentation chacun. Lorsqu’on dirige des équipes de 5, 10 ou 15 personnes, que fait-on avec cet argent dans ce contexte d’inflation? Comment fait-on pour répondre aux besoins importants? »

À peine pour couvrir l’inflation

La directrice de TROC-Montérégie souligne le rôle du communautaire dans la société québécoise et s’inquiète des mois à venir. « Le réseau de la santé est débordé et le travail de la première ligne est essentiel pour tenir. Or, le communautaire n’a plus les moyens pour pallier les besoins d’itinérance et de santé. Nous devons aussi payer nos équipes. Les employés quittent le communautaire s’ils ne reçoivent pas leur salaire. On aura donc moins de personnes pour affronter les crises alors que les médecins sont débordés. On va s’enfoncer jusqu’où? On est très inquiets pour l’année à venir. Ce ne sont pas des problèmes qui tomberont dans cinq ou dix ans! »

Pour contester l’augmentation de l’aide, une grève a été lancée à travers différents organismes communautaires du Québec. « Évidemment, nous ne pouvons pas organiser une grève illimitée, car nous devons aider nos clients, poursuit Johanne Nasstrom. Mais notre appel n’a pas été entendu. On a l’impression que le gouvernement attend que tout éclate. On saupoudre un peu partout, mais on ne règle rien. »

Désormais, la directrice de TROC-Montérégie ignore comment son budget annuel sera bouclé. « Les 3 000 $ couvriront à peine l’inflation de l’épicerie annuelle. Les organismes du secteur constatent que la crise du logement entraîne d’autres problèmes. L’itinérance amène à la consommation. Le 1er juillet sera terrible et on a un gouvernement qui ne bouge pas. Pourtant, le logement est un besoin primaire. »

Pas de concurrence avec le public

Mercédez Roberge, coordinatrice à la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles, extrapole les difficultés de la Montérégie au niveau provincial. « Dans ce contexte, tout ce que l’on peut espérer est de rendre les pauvres un peu moins pauvres, regrette-t-elle. Il ne faut pas oublier que nos organismes sont ouverts tous les jours avec des besoins importants. Le Programme de soutien aux organismes communautaires (PSOC) représente une enveloppe actuellement de 788 M $. Or, nous avons besoin de 2,5 milliards $ pour répondre à nos besoins. »

La responsable provinciale en appelle au gouvernement pour revoir son aide. « On n’est pas là pour concurrencer le public, mais pour aider les gens. La vocation des employés a des limites. La grève lancée récemment est un signal pour dire que la coupe est pleine. »