Chambly, la ville gauloise de la bière

Alors que les ventes de bières n’ont jamais été aussi basses au pays, les fûts des microbrasseries de Chambly continuent de couler à flot. 

« On ne le ressent pas du tout ». Devant la baisse des ventes de bières au pays, la réponse est unanime chez les propriétaires de microbrasserie à Chambly. Statistiques Canada affirme que « le volume de ventes de bière par personne s’établit à un creux record ». L’entité gouvernementale recense une diminution des ventes de bières de 2,8% pour l’année 2021-2022, atteignant la statistique la plus basse jamais enregistrée.

Changement d’habitude

Que ce soit pour boire une pinte devant un spectacle de musique ou savourer un plateau de dégustation en profitant du soleil, les consommateurs privilégient une expérience sur place. « L’avenir des microbrasseries est là », considère Sylvain Bouchard. Le sommelier chez Unibroue croit que les gens ont toujours envie de boire des bières de microbrasseries, mais que l’expérience tend à changer. Sylvain Bouchard mentionne également que les consommations des gens ont changé devant la diversification de l’offre des produits à boire : spiritueux, prêt-à-boire, cocktails. Toutefois, selon le sommelier, cela touche davantage les gros producteurs de bières, les petits brasseurs continuent de croître.

« Les gens boivent moins, mais dépensent plus », remarque Anik Cormier, propriétaire de la microbrasserie Délires & Délices à Chambly. Elle ajoute que les gens vont favoriser des produits de qualité, mais en plus petite quantité, même si ceux-ci sont plus dispendieux. Elle remarque également que « les gens commencent à avoir une expertise gustative », ce qui amène les brasseurs à produire des bières de qualité et à s’assurer de répondre aux attentes de leur clientèle.

Anik Cormier note également une hausse de la demande pour des produits à faible teneur en alcool ou sans alcool: « On ne veut pas s’enivrer en microbrasserie, on veut déguster ».

« L’avenir, c’est les pubs » – Anik Cormier

La vie dure pour les canettes

« Les temps sont plus difficiles pour ceux qui font des canettes », remarque Anik Cormier. Sylvain Bouchard soutient que « ce n’est pas viable que tout le monde veuille vendre dans les IGA du Québec. Le marché ne suivra pas l’offre ». 

Anik Cormier couvre le projet de mettre les bières qu’ils brassent en canette. Le projet qui devrait voir le jour l’an prochain n’est toutefois pas destiné à la vente en épicerie. Devant la forte compétition, elle désire privilégier la vente sur place ainsi que chez des petits commerçants locaux.

Miser sur le local

« L’avenir, c’est les pubs », affirme Anik Cormier. Louis Monty-Tremblay, le copropriétaire de la Croisée des chemins va dans le même sens, « la meilleure façon pour les brasseurs de tirer leur épingle du jeu c’est de viser sur le local ». Il affirme que les consommateurs ont un sentiment de fierté quand les produits proviennent de leur communauté. C’est là où est la différence selon Sylvain Bouchard : « Les brasseries de Chambly vendent dans les brasseries ».

La Montérégie est la région qui compte le plus d’entreprises brassicoles au Québec avec ses 61 microbrasseries. Elle est également connue pour son tourisme brassicole. La Ville de Chambly accueille chaque année le festival « Bières et Saveurs », soit le plus important rassemblement brassicole au Québec où il est possible de goûter de nombreuses bières artisanales.

Évolution

Le monde brassicole est en continuel mouvement, ce qui amène les brasseurs à se réinventer et ce qui leur offre des possibilités créatives intéressantes. Anik Cormier note le développement des houblons et des levures québécoises. La propriétaire de microbrasserie chérit le projet de produire des bières entièrement québécoises, un projet qui pourrait bientôt se réaliser, grâce à la rapidité à laquelle se développe l’industrie.

Pour Sylvain Bouchard, le moteur des microbrasseries est la nouveauté et la découverte. « Il faut avoir des nouveautés, c’est important de rester actif », ajoute-t-il. Le sommelier note qu’Unibroue a sorti une nouvelle gamme de produits différente de leurs produits habituels pour s’adapter à l’arrivée des petites microbrasseries et à l’augmentation de l’offre.

Marché économique

Est-ce que l’inflation va affecter la vente des bières de microbrasseries? « Les gens vont continuer de boire de la bière », affirme Sylvain Bouchard. Louis Monty-Tremblay renchérit : « les gens ne coupent pas dans une chose qu’il leur fait du bien en premier ». Le copropriétaire de la Croisée des Chemins affirme cependant que l’inflation touche tout le monde, eux y compris. « On s’adapte », affirme-t-il. Il a pensé La Croisée des chemins de cette façon : « on offre un menu abordable pour que les gens ne se ruinent pas quand ils viennent ».

Sylvain Bouchard remarque que ce ralentissement économique amène les consommateurs à se tourner vers des valeurs sûres, ce qui, selon lui, explique le succès d’Unibroue.

Les conséquences de la pandémie

Les répercussions de la pandémie se font toujours sentir chez les commerçants. Les dettes encourues durant la pandémie les ont forcés à repousser de quelque temps certains projets. Délires & Délices, qui fêtera ses sept ans en septembre affirme être « repartis à zéro au moment de la pandémie ». La microbrasserie profitera de cette année pour payer ses prêts avant de se lancer dans de nouveaux projets. La situation est semblable à La Croisée des Chemins, la microbrasserie a dû s’endetter pour survivre durant la pandémie.