Briser le silence

On dit que le battement d’ailes d’un papillon dans l’océan Atlantique peut provoquer un tsunami dans l’océan Pacifique. C’est l’effet papillon. Le même effet qu’a engendré le mouvement #moiaussi (#metoo) à l’automne 2017, quand des millions de femmes, de plusieurs pays et cultures, ont uni leurs voix pour dénoncer différentes formes de violence sexuelle.
Un texte de Guillaume Cloutier
Tout a commencé avec l’affaire Harvey Weinstein, célèbre producteur hollywoodien déchu à la suite des nombreuses histoires d’agressions, de viol et de harcèlement sexuel qui ont fait les manchettes aux États-Unis et partout dans le monde.
Très vite, le mot-clic #moiaussi (#metoo) est créé et le mouvement prend une ampleur mondiale. Vedettes du petit écran, stars de cinéma, animateurs, chanteurs, politiciens, professeurs, entraîneurs, entrepreneurs, les agissements répréhensibles de gens de tous les domaines sont exposés au grand jour et la chute de ceux-ci est instantanée. On ne s’attaque pas à de petites gens, mais bien à des gens de pouvoir, considérés la plupart du temps comme des intouchables.
Ainsi, au moyen des médias sociaux, les victimes réalisent qu’elles ne sont pas seules. Elles se reconnaissent et, par la force du nombre, trouvent en elles la force pour dévoiler elles aussi le calvaire qu’elles ont subi. Elles sont, encore aujourd’hui, de plus en plus nombreuses à briser le silence.
Aux États-Unis, des acteurs notoires tels que Kevin Spacey ou Dustin Hoffman sont placés au banc des accusés pour des gestes qu’ils auraient commis au cours de leurs carrières.
En France, le mouvement prend une tangente plus directe et il est rebaptisé #balancetonporc par Sandra Muller, journaliste à la Lettre de l’audiovisuel.
En Suède, la ministre des Affaires étrangères Margot Wallström provoque une onde de choc en Europe en écrivant «#metoo» sur Twitter et raconte que l’agression se serait produite dans les plus hauts niveaux politiques. En Suède, 43 % des femmes ont d’ailleurs rapporté avoir subi du harcèlement sexuel au travail de la part de collègues – des hommes, dans 99 % des cas.

Au Québec

Plus près de nous, au Québec, le mouvement se fait aussi sentir. L’affaire Éric Salvail, où une dizaine de victimes, des hommes pour la plupart, brisent le silence sur les inconduites sexuelles du roi des ondes de V Télé, a l’effet d’une bombe. En l’espace d’une journée, ses émissions de télévision sont retirées des ondes, il perd son émission du midi à la radio et tous ses produits dérivés sont retirés des étagères. Il disparaît complètement de l’univers médiatique québécois et n’est toujours pas réapparu à ce jour.
Puis, c’est au tour de Gilbert Rozon, président fondateur de Juste pour rire, d’être soupçonné d’inconduites sexuelles. Cette fois-ci, les victimes sont des personnalités connues, entre autres Julie Snyder, Salomé Corbo et Pénélope McQuade. Devant les lourdes accusations qui pèsent contre lui, Rozon devra faire face à la justice.

#Etmaintenant?

Mine de rien, le mouvement #moiaussi ne fait pas que dénoncer, il engendre aussi des retombées positives. Des discussions sont amorcées dans la société et le mouvement incite plusieurs entreprises à réfléchir et revoir les façons de faire, les rapports de pouvoir et les moyens de dénonciation, bref, toutes les relations en milieu de travail.
Lors de l’émission Tout le monde en parle le 14 janvier dernier, le mouvement #Etmaintenant, créé notamment par Aurélie Lanctôt et Léa Clermont-Dion, a été lancé « en appui à ces femmes qui ont dénoncé et afin que les politiques publiques, la culture des entreprises et des institutions, les contenus médiatiques et les relations amoureuses et sexuelles évoluent dans le sens d’une véritable égalité entre les genres ». Il vise à ce que des mécanismes de dénonciation soient instaurés dans la société. En 2018, « les femmes n’ont plus à accepter d’être réduites au statut d’objets du désir masculin. Elles veulent poser leurs limites, dire ‘’non’’ sans craindre le renvoi, l’insulte ou la violence. »
À ce jour, le site Web etmaintenant.net a recueilli plus de 30 000 signatures, et ça continue.
Cette semaine, à l’occasion de la Journée internationale de la femme, Le Journal de Chambly publie un cahier spécial où les femmes sont à l’avant-plan. Par ce cahier, le journal exprime haut et fort son appui au mouvement #moiaussi et encourage les victimes à briser le silence et à dénoncer leurs agresseurs.
Si 2017 peut être considéré comme une année de dénonciation, 2018 se doit d’être une année d’action. En cette Journée internationale de la femme, il est important de rappeler que le combat pour l’égalité des sexes se poursuit et n’est toujours pas gagné. Est-ce que 2018 sera l’année de la femme? #EtPourquoipas?