Adolescentes en centre jeunesse: C’est facile de fuguer

FUGUES. Sarah*, une jeune fille de 18 ans qui a été hébergée au Centre jeunesse de la Montérégie livre dans une entrevue exclusive au Journal de Chambly son histoire, et raconte ses nombreuses fugues.

Dans quels centres de réadaptation as-tu été hébergée?

Je suis allée dans toutes les unités de filles de la Montérégie, soit une à Longueuil, deux à Valleyfield et quatre à Saint-Hyacinthe. J’ai aussi été hébergée au Centre jeunesse de l’Estrie à Sherbrooke. Je me trouvais dans les unités pour les jeunes de 13 à 18 ans, mais il y en a aussi pour les 6 à 12 ans.

Pourquoi as-tu changé à plusieurs reprises de centre de réadaptation et d’unité?

Pour plusieurs raisons. Parfois, c’était parce que je fuguais du centre jeunesse trop souvent. Ils m’envoyaient donc dans une ville plus éloignée pour ne pas que je m’enfuie encore. Dans d’autres cas, c’était pour me permettre de me rapprocher du milieu où je voulais vivre. On m’a aussi transférée dans des foyers de groupe et en unité d’encadrement intensif.

À combien de reprises as-tu fugué et pour quelles raisons?

Je ne pourrais pas te dire combien de fois, mais c’était vraiment très souvent. La raison variait d’une fois à l’autre.  Parfois, je me disputais avec les éducateurs et à d’autres moments, je voulais juste aller voir mes amis. J’ai aussi voulu partir du centre jeunesse à tout prix. J’apportais donc des sacs à dos et j’allais me réfugier chez des amis.

Comment réussissais-tu à fuguer?

Ça dépendait de l’endroit où je me trouvais. Dans certains centres, j’avais le droit de sortir tout simplement par la porte tandis que dans d’autres, je devais courir dans les corridors ou réussir à partir, sans que personne ne me voie. En plus, les agents de sécurité peuvent te poursuivre ou t’empêcher de sortir de force. S’ils te prennent à essayer de fuguer, ils t’amènent au bloc, une cellule comme au poste de police. Ils te laissent là le temps que ça prend. Tu peux rester à cet endroit 15 minutes comme deux jours.

Est-ce que les intervenants peuvent aussi te rattraper?

Non, ils n’ont pas le droit. Les agents de sécurité sont là pour ça. Par contre, les éducateurs ont toujours des walkies talkies sur eux au cas où il arriverait quelque chose.

Quels sont les endroits où il est plus difficile de fuguer. Pourquoi?

À Saint-Hyacinthe, à l’unité Le Séjour, car il y a toujours quelqu’un qui écoute ce que tu dis. C’est une unité en encadrement intensif. Tu ne peux pas parler quand tu veux. Il y a des temps pour ça et c’est seulement une conversation à la fois.

À cette unité, tu ne sors jamais dehors sauf où il y a des clôtures. Si l’unité est dehors,  il y a toujours un agent de sécurité dans la cour.

Les portes de cette unité sont toutes barrées alors tu ne peux pas te déplacer à ta guise.  Par exemple, tu ne peux pas aller à ta chambre, car la porte des escaliers et celle de ta chambre sont barrées. Ta porte de chambre est aussi barrée la nuit alors tu ne peux pas sortir et le jour une alarme se déclenche si tu ouvres la porte.

C’est la seule unité en encadrement intensif pour filles de la Montérégie-Est. Le Centre jeunesse de la Montérégie à des ententes avec celui de l’Estrie pour envoyer des filles dans cette unité. Deux chambres sont réservées pour l’Estrie à Saint-Hyacinthe, et les filles de la Montérégie disposent de trois chambres en milieu ouvert au campus Val-du-Lac à Sherbrooke.

À Sherbrooke, c’est aussi difficile de partir. Ils ne t’empêchent pas de sortir à moins que le juge l’ait ordonné, mais c’est à plus de 30 minutes de route. Le centre est situé entre Magog et Rock Forest. Il faut faire un long trajet avant d’arriver à la ville, car c’est perdu dans le bois.

*: Nom fictif pour préserver l’anonymat