Abolition des commissions scolaires
C’était une promesse électorale et, le 1er octobre à 14 h, le gouvernement caquiste de François Legault a tenu parole alors qu’il a déposé son projet de loi au sein duquel il annonce remplacer les commissions scolaires par des centres de services et remplacer le Conseil des commissaires par un conseil d’administration
Les commissions scolaires telles que nous les connaissons prendraient fin le 29 février 2020. C’est l’organisation et la gouvernance des commissions scolaires qui seront revisitées avec cette réforme. Dans l’ensemble des 72 commissions scolaires, le projet permettrait une économie de 45 M$ sur une période de quatre ans.
« C’est moins de bureaucratie, donc plus de services à l’élève. Chacun de ces dollars récupérés nous permettra d’améliorer directement le service offert. On va embaucher des professionnels pour les enfants en difficultés. On a commencé le travail en ce sens avec le budget de l’an dernier. On a travaillé pour embaucher plus de 650 professionnels même s’il reste quelques postes encore ouverts. Nous sommes confiants de donner de meilleurs services à la grandeur du Québec », se réjouit Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation.
Dan Lamoureux, président de la commission scolaire Riverside, voit ces économies comme une goutte d’eau dans l’océan. « C’est un peu plus de 11 M$ par année divisés en 72 commissions scolaires, c’est une économie minime. C’est une manière de dire qu’ils vont sauver de l’argent, mais il n’y a aucune chance que ce montant ait un impact pour l’élève. »
Centre de services scolaires
D’emblée, les commissions scolaires deviendraient des centres de services scolaires. Les conseils des commissaires seraient ainsi remplacés par des conseils d’administration constitués de seize membres non rémunérés : huit parents, quatre personnes issues de la collectivité et quatre représentants scolaires.
« Ce sont des épouvantails qui sont agités par des gens qui comparent cela à la réforme Barrette en santé alors que c’est tout le contraire. » – Jean-François Roberge
« Une commission scolaire, c’est une espèce de minigouvernement élu qui gère et contrôle les écoles à distance. Un centre de services scolaires est un centre administratif qui est là pour soutenir les écoles, les enseignants, aider les directions d’école, coordonner le service, mais pas pour diriger les écoles à distance », trace le ministre.
Centralisation des pouvoirs?
« Ce projet de loi vient confirmer la centralisation des pouvoirs du gouvernement, déclare Andrée Bouchard, présidente de la commission scolaire des Hautes-Rivières, qui voit cette abolition comme une atteinte à la démocratie. Notre mission est toujours la réussite des élèves et, en ce sens, nos écoles, qui travaillent par secteur, n’ont pas les mains liées quant à leur budget. »
Hélène Roberge, présidente de la commission scolaire, est inquiète. « L’élu scolaire représente la population et défend ses intérêts. Ainsi, la gouvernance des commissions scolaires se doit d’être une instance politique où les citoyens d’une région peuvent exprimer leurs attentes et leurs espoirs en éducation aux gens qu’ils ont élus », souligne Mme la présidente, pour qui le projet vise à donner les pouvoirs à Québec, donc loin de la réalité des écoles.
« Ce sont des épouvantails qui sont agités par des gens qui comparent cela à la réforme Barrette en santé alors que c’est tout le contraire. Nous, on maintient les centres, mais nous les transformons et le gouvernement ne nommera personne sur les conseils d’administration ni les directions générales, alors d’aucune façon, c’est une centralisation. La campagne de peur devrait diminuer au rythme où les gens comprendront la réforme », rétorque Jean-François Roberge.
Double standard
Les commissions scolaires francophones et anglophones ne vivront pas le bouleversement de la même façon.
« Dans tous les cas, les commissions scolaires seront toutes transformées en centres de services aux écoles. Il n’y aura plus de commissaires scolaires, plus d’élections scolaires comme on les connaît. La nuance, pour les anglophones, c’est qu’ils pourront élire environ 75 % des membres du CA au suffrage universel. C’est un geste que l’on pose de bonne foi envers la communauté anglophone, qui est minoritaire au Québec et qui a le droit de contrôler et d’administrer son réseau, très tourné vers la communauté », fait valoir M. Roberge
Décentralisation des pouvoirs?
Plus d’argent aux écoles et moins d’intermédiaires dans les hautes sphères peuvent laisser sous-entendre un déplacement de charge administrative à même la direction d’école.
« Ça a été une crainte au départ provenant de certaines directions d’école. On a bien tenu compte de leurs préoccupations. On les a consultées avant la rédaction du projet de loi. Le centre de services soutiendra administrativement les écoles. Il n’est pas question de décentraliser de la gestion et de l’administration. On va juste les impliquer davantage vers la prise de décision », rassure le ministre, également député de Chambly.
D’ici l’adoption du projet de loi, qui devrait avoir lieu dans les prochains mois selon les travaux parlementaires habituels, il y aura des consultations auprès de différents groupes d’intérêt. Directions, enseignants, parents, commissaires se feront entendre au cours des prochaines semaines.